Musique : le nouvel album de Femi Kuti, afrobeat à contretemps

Si « One People One World », le dixième disque de Femi Kuti, est un formidable album d’afrobeat, les textes du fils du célèbre Fela ont du mal à faire revivre la fièvre militante de l’époque.

Le musicien Femi Kuti, fils de la légende Fela Kuti, lors de la Felabration au Nigeria en 2015. © Sunday Alamba/AP/SIPA

Le musicien Femi Kuti, fils de la légende Fela Kuti, lors de la Felabration au Nigeria en 2015. © Sunday Alamba/AP/SIPA

leo_pajon

Publié le 15 mars 2018 Lecture : 2 minutes.

Le 15 mai 2017, Femi Anikulapo Kuti pulvérisait un stupéfiant record, dûment enregistré au Guinness World Records, sous les acclamations de ses fans nigérians. Grâce à une méthode dite de la « respiration circulaire », utilisant la bouche comme réserve d’air, il réussissait à jouer la même note de saxophone en continu pendant 51 minutes et 35 secondes. Un autre record reste à homologuer, celui de la capacité du musicien à jouer plus ou moins le même morceau, exercice auquel il excelle depuis près de trente ans maintenant.

Entendons-nous bien. One People One World, le dixième disque de Femi Kuti, est un formidable album d’afrobeat. Le saxophoniste et chanteur rugit toujours avec conviction (sur le titre « Na Their Way Be That », par exemple). Le groupe Positive Force, créé à la fin des années 1980, est toujours aussi solide, avec des sections cuivre et rythmique irréprochables, des claviers virevoltants, la guitare parfois rumba d’Awomolo Opeyemi qui déclenche de furieuses envies de se déhancher.

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Érosion du militantisme ?

Les chœurs jouent parfaitement leur rôle en donnant la réplique au leader, comme au bon vieux temps du disque emblématique de papa Fela, Shakara, sorti en 1972. Sauf que… le modèle date d’il y a presque un demi-siècle, et que rien ne vient plus surprendre l’auditeur.

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Tout se passe comme si le saxophoniste, écrasé par le monument paternel, était hermétique aux évolutions musicales (même si l’on note çà et là de légères influences « exotiques » reggae, R’n’B…), livrant un afrobeat qui battrait à contretemps. Pourtant, le quinquagénaire a prouvé ailleurs qu’il pouvait collaborer avec la bouillonnante scène nigériane, par exemple avec la jeune gloire de l’afropop Wizkid (pour le titre « Jaiye Jaiye », en 2013), qui s’est d’ailleurs produit dans sa salle de concerts de Lagos, le New Afrika Shrine.

Par un étonnant effet d’érosion, la musique protestataire du clan Fela ne dérange plus personne

Les textes mêmes de l’album, très consensuels, ne dynamitent pas l’ensemble. Lorsque Femi Kuti entonne sur « One People One World » que « la vertu doit guider l’humanité » et que « nous devons viser la paix et l’amour », on est en mal de le contredire, mais on ne se sent pas non plus saisi par une invincible fièvre militante. Par un étonnant effet d’érosion, la musique protestataire du clan Fela ne dérange plus personne.

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On notera que le fils de Femi, Omorinmade, a participé aux arrangements de l’album et a joué de la basse et du clavier. La relève est donc assurée… d’autant que Kuti junior a étudié la musique en Angleterre au Trinity College of Music, à Londres, là même où Fela a affûté ses cuivres. Le record de longévité de la famille risque bien d’être un peu longuet.

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