Le match de la semaine : Ahmed Ouyahia face à Djamel Ould Abbès

Ahmed Ouyahia, Premier ministre algérien, et Djamel Ould Abbès, secrétaire du FLN et réputé proche du président Abelaziz Boutaflika, se livrent à une véritable guerre de positions sur la ligne de front des privatisations.

 © Infographie : Jeune Afrique

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Publié le 19 février 2018 Lecture : 3 minutes.

En vieux briscard de la politique, Ahmed Ouyahia sait esquiver les coups. Cela tombe bien, puisque celui qui occupe le poste de Premier ministre pour la quatrième fois en un peu moins d’un quart de siècle en reçoit beaucoup depuis sa nomination, le 15 août 2017. Et pas seulement de la part de l’opposition. Le patron du Rassemblement national démocratique (RND) doit en effet parer aux attaques répétées de Djamel Ould Abbès, secrétaire général du Front de libération nationale (FLN) et réputé proche du cercle présidentiel.

À couteaux-tirés

Depuis que, le 23 décembre 2017, une charte pour le partenariat public-privé a été signée en marge d’une réunion tripartite entre le gouvernement, le patronat et le syndicat UGTA, les deux hommes sont à couteaux tirés. Ould Abbès accuse Ouyahia de vouloir « brader » ce qu’il reste du tissu industriel public.

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Pis, il laisse entendre que le Premier ministre attente à la « souveraineté nationale ». Et il est allé jusqu’à convoquer les patrons et l’UGTA au siège du FLN, le 3 janvier, dans le cadre du Forum des chefs d’entreprise, qui avait tout l’air d’une tripartite bis.

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Ouyahia jure, lui, travailler sous les ordres d’Abdelaziz Bouteflika (ce qui n’a pas empêché le président de le rappeler sèchement à l’ordre sur ce dossier) et parle, en coulisse, d’une « manœuvre politique » destinée à le « fragiliser » et à instaurer un gouvernement parallèle. « Ce n’est pas une tripartite bis, c’est juste une réunion », rétorque Ould Abbès.

Cet épisode en dit long sur la vieille rivalité qui oppose le FLN au RND et, partant, sur celle qui oppose les deux hommes. Officiellement unis au sein de l’Alliance présidentielle, ils se disputent le leadership de la majorité parlementaire.

Le FLN vit très mal la récente percée électorale des jeunes loups du RND

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Bien qu’il reste le premier parti du pays (et de loin, avec 164 sièges à l’Assemblée nationale, sur 462), le FLN vit mal la récente percée électorale des jeunes loups du RND. Aux législatives du 4 mai 2017, ces derniers ont remporté deux fois plus de voix qu’en 2012 et, à l’issue du scrutin du 23 novembre, une centaine de municipalités de plus que cinq ans auparavant.

Allégeance

À un an du coup d’envoi de la campagne présidentielle, et même s’il se garde bien d’en parler publiquement, Ouyahia nourrit de grandes ambitions. Ould Abbès, dont la mission est de baliser la route en faveur d’un éventuel cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, est déterminé à lui faire obstacle.

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Il insinue que le Premier ministre profite de ses prérogatives pour renforcer sa carrure d’homme d’État et imposer son calendrier. À plusieurs reprises, il lui a également reproché de ne pas soutenir suffisamment le président sortant.

Si Bouteflika décide de briguer un cinquième mandat, le RND sera au service de sa candidature

L’intéressé a répliqué en prêtant à nouveau allégeance à Bouteflika sur le plateau de la chaîne de télévision Dzaïr News, en novembre : « S’il décide de briguer un cinquième mandat, je le soutiendrai à fond, et le RND sera au service de sa candidature. »

Depuis sa résidence de Zeralda, l’imprévisible Abdelaziz Bouteflika ne laisse rien transparaître de ses intentions. S’il souhaite se représenter en 2019, nul doute que ses deux lieutenants mettront leur rivalité de côté pour faire campagne ensemble.

Mais qu’adviendrait-il si le chef de l’État, affaibli par les séquelles de son AVC de 2013, renonçait ? Le match que se livrent Ahmed Ouyahia, 65 ans, et Djamel Ould Abbès, 83 ans, donne un avant-goût de la bataille féroce qui pourrait se jouer pour la succession du raïs.

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