Agroalimentaire : Yara, le spécialiste norvégien des engrais, joue la carte des petits exploitants

Confrontée à un recul de la demande en Europe et aux États-Unis, la multinationale cotée à Oslo part à la conquête des marchés africains. En fournissant les gros producteurs, mais pas seulement…

Le fabricant a réalisé sa percée via de grands marchés, comme le Ghana. © Ole Walter Jacobsen/Yara International

Le fabricant a réalisé sa percée via de grands marchés, comme le Ghana. © Ole Walter Jacobsen/Yara International

Publié le 6 octobre 2017 Lecture : 4 minutes.

Début septembre, lors du Forum sur la révolution verte en Afrique, à Abidjan, Svein Tore Holsether a été très clair : « Yara veut faire du continent un important marché d’avenir. » D’après le patron du fabricant norvégien d’engrais, le faible taux d’utilisation de ces produits sur le continent (15 kg par hectare, contre une moyenne mondiale de 230 kg) offre un énorme potentiel de croissance à son groupe, confronté à un net recul de la demande en Europe et aux États-Unis. « Au cours de la prochaine décennie, le secteur devrait générer 12 milliards de dollars en Afrique.»

«En ajustant notre stratégie, nous pensons pouvoir en prendre une part importante. Les agricultures africaine et indienne seront le moteur de notre croissance et de notre rentabilité, grâce à leurs terres arables et leurs faibles niveaux de productivité », affirme celui qui a pris les rênes de cette société cotée à la Bourse d’Oslo en septembre 2015.

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130 millions de dollars investis en trois ans

Disposant de filiales en Côte d’Ivoire, en Tanzanie ou en Afrique du Sud, Yara International a multiplié ces dernières années les investissements dans des infrastructures portuaires et dans des usines d’ensachage d’engrais. Si le groupe n’a pas investi les 2,5 milliards de dollars annoncés en 2014 pour la construction d’une grande usine, il affirme avoir consenti quelque 130 millions de dollars sur le continent au cours de ces trois dernières années.

« Nous pensons que d’ici à 2020 l’Afrique produira ce qu’il faut pour nourrir la population mondiale, cela représente évidemment une grande opportunité économique pour nous », affirme Svein Tore Holsether, confirmant l’appétit de son groupe pour le continent. En Tanzanie, Yara a débloqué 30 millions de dollars pour la construction d’un terminal portuaire d’engrais à Dar es-Salaam. Et a conclu l’année dernière la reprise de Greenbelt Fertilizers. Une acquisition qui permet au groupe d’être désormais présent en Zambie, au Malawi et au Mozambique.

Priorité

Alors que la croissance mondiale du groupe est actuellement portée par l’Inde et le Brésil, le géant norvégien des engrais fait également de l’Afrique une priorité commerciale. Aujourd’hui, le continent pèse seulement 5 % des ventes totales du groupe, estimées l’an dernier à 27 millions de tonnes. « Nos produits sont fabriqués en Europe et au Moyen-Orient, puis nous les importons via nos propres terminaux pour la distribution », explique Luis Alfredo Pérez, directeur général de Yara Africa.

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« L’entreprise entre via les grands marchés comme la Côte d’Ivoire ou le Ghana avant de s’attaquer aux pays voisins » comme le Mali, explique Roger Blein, expert en politiques agricoles du bureau d’études français Issala. Tout en continuant d’être un fournisseur privilégié des grandes exploitations, le groupe cible les petits producteurs africains, précise Luis Alfredo Pérez.

Helios entre dans la danse

Le potentiel de croissance du marché africain des engrais (entre 8 % et 10 % par an) suscite de plus en plus de convoitises. Helios Investment Partners a ainsi racheté en juillet la branche engrais et intrants de Louis Dreyfus Company. L’opération, dont le montant n’a pas été divulgué, permet au capital-investisseur panafricain de prendre entièrement le contrôle de Fertilizers and Inputs Holdings B.V. (300 millions de chiffre d’affaires annuel). Ce dernier est présent dans une dizaine de pays africains via la marque La Cigogne. Grâce à cette acquisition, Helios entend créer un nouveau champion africain dans ce secteur en pleine croissance.

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Il expérimente dans plusieurs pays un concept destiné à prouver à ce type de clients – qui représentent entre 70 % et 80 % des exploitations – la performance de ses solutions. En Côte d’Ivoire, il a ainsi lancé un « village du fermier » : 80 de ses agronomes encadrent des agriculteurs sur le terrain, les formant à la bonne utilisation des produits de Yara et aux bonnes pratiques agronomiques.

Avec ce dispositif et grâce à son partenariat avec Callivoire, un spécialiste local des produits phytosanitaires, le groupe veut atteindre à terme 1 million de petits planteurs. Pour tenir ce pari, Yara et Callivoire ont installé un réseau de showrooms à travers le pays pour offrir une gamme complète d’intrants aux producteurs. Des unités mobiles de formation sur l’utilisation des produits sillonnent les zones de production.

Encadrer 5 000 planteurs ivoiriens

Si cette stratégie a permis à Yara d’écouler en moyenne 90 000 tonnes d’engrais par an dans le pays, rien n’est encore gagné. Sur ce marché, le norvégien doit faire face à un autre géant des engrais : le marocain OCP. Ce dernier, qui affirme avoir écoulé 40 % de ses exportations du premier semestre sur le continent, a aussi jeté son dévolu sur la Côte d’Ivoire, où il compte installer un hub régional.

Il a annoncé début 2017 son intention d’encadrer, via un partenariat avec le Conseil café-cacao (CCC), quelque 5 000 planteurs pour permettre à ces derniers d’augmenter leur productivité. « C’est une bonne chose qu’il y ait une concurrence entre les opérateurs, note Roger Blein. Mais les gouvernements doivent veiller à ne pas devenir dépendants des importations d’engrais comme ils le sont des denrées alimentaires, et notamment du riz. »

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