Rail : Bénin-Niger, la ligne de la discorde

Le chemin de fer exploité par les deux voisins depuis 1959 est obsolète. Si un projet de reconstruction existe, ils ont du mal à s’entendre sur le choix du partenaire stratégique.

Le groupe Bolloré a entamé puis suspendu la construction de cette boucle ferroviaire. © DR

Le groupe Bolloré a entamé puis suspendu la construction de cette boucle ferroviaire. © DR

Fiacre Vidjingninou

Publié le 12 septembre 2017 Lecture : 4 minutes.

Le train sifflera-t-il enfin entre le Bénin et le Niger ? Comme bloqué en gare, le projet de réhabilitation et d’extension du réseau ferroviaire Cotonou-Parakou-Dosso-Niamey n’avance pas depuis novembre 2013, date où les deux pays ont créé Bénirail pour remettre à neuf les 438 km entre Cotonou et Parakou et construire 574 km de voies de Parakou à Niamey.

Principal point d’achoppement : qui, de Bolloré ou de Petrolin, sera le partenaire de mise en œuvre du projet ? La préoccupation était encore au cœur d’une rencontre entre les deux pays, le 4 juillet 2017, à Cotonou.

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Bolloré-Petrolin, le combat

Les Nigériens, conduits par Ibrahim Yacouba, ministre des Affaires étrangères, et les Béninois, menés par Abdoulaye Bio Tchané, ministre chargé du développement, ont affiché un certain optimisme quant à la reprise prochaine des travaux, mais n’ont pas annoncé leur choix quant à l’opérateur qui exécutera le projet.

Une délégation du groupe Bolloré, conduite par Éric Melet, a pris part aux travaux et a dit sa satisfaction. Une situation qui n’est pas du goût de Petrolin, le groupe de l’homme d’affaires béninois Samuel Dossou. Via un communiqué, il a tenu à rappeler qu’il est « l’unique adjudicataire depuis 2010 du projet » et « qu’une décision de justice en date du 19 novembre 2015 l’a conforté dans cette position ».

Petrolin, à qui il est souvent reproché de n’avoir ni l’expertise ni les moyens de le mettre en œuvre, sait qu’il n’a pas les faveurs du Niger.

Bolloré a déjà construit, rapidement, le premier tronçon de 143 km de rails reliant Niamey

Le soutien de ce dernier au groupe français de la logistique et du transport est sans équivoque. Rien d’étonnant quand on sait que Bolloré a déjà engagé une bonne partie de sa part du marché : il a construit, rapidement, le premier tronçon de 143 km de rails reliant Niamey. Mieux, il s’est assuré le soutien des cheminots en payant, rubis sur l’ongle, tous leurs arriérés de salaires.

Patrice Talon aurait proposé de permettre à un partenaire comme la China Railway Construction Corporation (CRCC) de finir le chantier

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Du côté du Bénin, Patrice Talon, tenté par la fibre patriotique, hésite. Le président, qui a taxé le dossier de « guêpier », a proposé en mai 2016 la mise en place d’une sorte de consortium entre les deux opérateurs. Il aurait ensuite proposé d’écarter les deux parties en conflit pour permettre à un partenaire comme la China Railway Construction Corporation (CRCC) de finir le chantier.

De mi-juillet 2017 à début août 2017, l’État béninois a ainsi diligenté deux missions de CRCC au Bénin et au Niger pour réaliser une étude de faisabilité. Mais sur aucune de ses propositions le chef de l’État béninois n’a emporté l’adhésion du Niger, qui ne veut manifestement pas s’engager dans une solution excluant le groupe français.

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Concernant l’option Bolloré, les autorités du Bénin sont surtout paralysées par la décision de justice rendue en novembre 2015 et qui a ordonné la cessation par le groupe de tous travaux… Nonobstant l’appel interjeté par ce dernier, cette décision est exécutoire sur minute.

Et le gouvernement ne peut l’autoriser à reprendre les travaux sauf à se rendre coupable d’une violation d’une décision de justice. Pendant ce temps, les 500 km de rails entreposés par Bolloré au Bénin s’oxydent, et les cheminots, gonflés d’espoir au début du projet, restent sur le quai à se morfondre.

Droit de réponse de Petrolin

À la suite de la parution de l’article « Bénin-Niger, la ligne de la discorde » (voir JA no 2955, du 27 août au 2 sept.), le groupe Petrolin du Béninois Samuel Dossou-Aworet nous a adressé, via son avocat, le droit de réponse suivant.

« Le 22 juillet 2010, Petrolin a été déclaré adjudicataire de l’appel d’offres international relatif à la concession ferroviaire de la ligne Cotonou-Parakou-Dosso-Niamey, lancé par les États du Bénin et du Niger. Gagner un appel d’offres veut dire que le groupe Petrolin a déjà fait preuve auprès des autorités concédantes de sa capacité technique et financière à mener à bien le projet objet dudit appel d’offres. Toute information contraire relève de l’ignorance des mécanismes d’un appel d’offres ou de la mauvaise foi.

En novembre 2013, à la demande des États du Bénin et du Niger, le groupe Petrolin a accepté le groupe Bolloré Africa Logistics, qui pour mémoire n’avait pas soumissionné à l’appel d’offres international, comme “partenaire stratégique”. Considérant que le groupe Bolloré n’a pas respecté les accords de confidentialité et de non-concurrence conclus dans le cadre du partenariat souhaité par les deux États, le groupe Petrolin a saisi la justice béninoise qui l’a rétabli dans ses droits d’adjudicataire du réseau ferroviaire Cotonou-Parakou-Dosso-Niamey.

Par ailleurs, plusieurs missions d’experts, notamment celles diligentées par les États, ont rejeté les propositions techniques du groupe Bolloré, principalement sur le réemploi de rails datant des années 1900 et 1910 pour la réalisation du chemin de fer Cotonou-Niamey. »

En évoquant l’expertise technique et la capacité financière de Petrolin, Jeune Afrique n’a fait que reprendre des propos tenus en 2015 par Marcel de Souza, ancien ministre du Développement, lors d’une rencontre publique avec les médias locaux dénommée Café média Plus.

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