« I Am Not Your Negro », le documentaire choc de Raoul Peck

Le documentaire de Raoul Peck, « I Am Not Your Negro », nominé pour les Oscars en février 2017, raconte le combat des Africains-Américains avec les mots de James Baldwin. Il sort dans les salles françaises ce mercredi 10 mai.

L’auteur James Baldwin, à droite, et le directeur adjoint de la marche de Washington Bayard Rustin, à gauche, lors d’une conférence sur les incidents concernant les droits civils,  à New York, le 24 février 1963. © AP/SIPA

L’auteur James Baldwin, à droite, et le directeur adjoint de la marche de Washington Bayard Rustin, à gauche, lors d’une conférence sur les incidents concernant les droits civils, à New York, le 24 février 1963. © AP/SIPA

Publié le 27 février 2017 Lecture : 3 minutes.

« L’histoire des Noirs en Amérique, c’est l’histoire de l’Amérique, et ce n’est pas une belle histoire », écrivait James Baldwin en 1979. C’est au travers des mots de cet auteur que le réalisateur haïtien Raoul Peck a choisi de raconter la lutte des Africains-Américains. Si le thème n’est pas nouveau, il en tire un documentaire choc, intitulé Je ne suis pas votre nègre.

Porté par la pensée acérée et radicale de Baldwin, le spectateur se retrouve plongé dans un siècle d’activisme grâce à des images d’archives mettant en scène les trois figures emblématiques de la cause noire, Medgar Evers, Malcolm X et Martin Luther King. Le manuscrit resté inachevé de Baldwin, Remember This House (Souviens-toi de cette maison), dans lequel il rendait hommage à ses trois amis disparus « avant leurs 40 ans », sert de trame au récit.

Vous, les Blancs, vous faites aussi partie de la solution

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« J’avais 17 ans quand on m’a donné à lire James Baldwin, a expliqué Raoul Peck lors d’une projection à la Berlinale, le festival du film de Berlin. Ses propos ont changé ma vie : cela m’a permis de comprendre le monde, il m’a donné une structure de pensée. »

Franc-parler

Issu du quartier pauvre de Harlem à New York et révolté par la situation des Noirs dans son pays, Baldwin pose en effet un regard sans concession sur ses concitoyens, appelant notamment les Blancs à prendre leurs responsabilités. Ce que Peck n’hésite pas à rappeler lors des projections aux États-Unis, où le documentaire est sorti le 3 février. « Je leur dis : vous ne pouvez pas dire que vous ne saviez pas, que vous êtes innocents après avoir vu le film. Vous, les Blancs, vous faites aussi partie de la solution », exhorte le réalisateur, qui n’a malheureusement pas souhaité accorder d’interview à Jeune Afrique.

Et ce discours semble faire mouche. En trois semaines d’exploitation, le film a déjà rapporté 3 millions de dollars. « Ces chiffres sont exceptionnels pour un documentaire de production majoritairement française, mais anglophone, aux États-Unis », note UniFrance, l’organisme chargé de la promotion du cinéma français dans le monde. Ayant obtenu le prix du public pour le meilleur documentaire à la Berlinale, le film était, aussi et surtout, en lice pour les Oscars.

Un combat toujours d’actualité

Rappelons en effet les polémiques de 2015 et 2016 autour du manque de diversité de la sélection, dont l’académie de la prestigieuse institution semble avoir tiré les leçons. Cette année, pas moins de six acteurs noirs étaient nommés, ainsi que plusieurs films traitant des minorités ethniques. Mêlant habilement histoire et actualité, Je ne suis pas votre nègre rappelle aux Américains qu’ils n’en ont pas terminé avec leurs démons.

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En témoignent les heurts de Ferguson d’août 2014 après la mort du jeune Michael Brown, tué par un policier, ou encore les assassinats, ces dernières années, d’une dizaine d’adolescents noirs présentés dans le documentaire.

Du bon côté du mur

À Berlin, devant un public conquis, le réalisateur a tenu à faire le lien avec le continent européen en évoquant la récente crise des réfugiés et la dangereuse montée du populisme. « On est tellement concentré sur le prochain tweet que l’on n’essaie plus de comprendre le contexte, a-t‑il insisté. En effet, comme le disait James Baldwin : quand vous êtes du bon côté du mur, vous n’avez pas envie de savoir ce qui se passe de l’autre.

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Mais il est temps de comprendre que la manière dont nous vivons en Europe concerne une minorité de personnes. La majorité du monde vit dans la lutte ! » Toujours engagé, Raoul Peck entend bien dessiller tous ceux qui refusent de voir.

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