Tunisie : Chaima Bouhlel veut des dirigeants plus transparents

Nommée à la tête de l’observatoire de la vie parlementaire Al Bawsala, la Tunisienne compte bien imposer la transparence aux élites politiques.

Chaima Bouhlel, nouvelle présidente de Al Bawsala. © LinkedIn

Chaima Bouhlel, nouvelle présidente de Al Bawsala. © LinkedIn

Publié le 24 février 2017 Lecture : 3 minutes.

Son père lui avait offert une canne à pêche pour lui apprendre la patience, mais, au quotidien, Chaima Bouhlel pratique plutôt la chasse au temps. Nommée à la tête de l’ONG Al Bawsala (« la boussole »), observatoire de l’activité parlementaire et gouvernementale, elle reprend pour un mandat de trois ans le flambeau porté d’abord par la fondatrice de l’organisation, Amira Yahyaoui, puis par Ons Ben Abdelkrim.

À quelques mois des municipales, la cadence s’accélère : Al Bawsala, qui a démarré ses activités en 2012 en instaurant une veille citoyenne de l’Assemblée nationale constituante (ANC), gère désormais trois organes assurant le suivi du Parlement, du budget de l’État et de celui des communes.

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Une étape dans la transition démocratique chère à la diplômée en biochimie et en sciences politiques puisqu’elle a intégré Al Bawsala en 2014 pour mettre en place le contrôle des 264 municipalités tunisiennes.

2011 à Harvard

En évoquant ce travail, la jeune femme de 27 ans à la tignasse brune exubérante et aux objectifs bien définis sourit. Rien ne la prédisposait à ce parcours, n’était son amour pour un pays qu’elle connaissait peu. Native de Msaken, Chaima Bouhlel a vécu l’essentiel de sa jeunesse en Arabie saoudite, où ses parents enseignaient l’anglais. « Je ne connaissais de la Tunisie que ma région natale, où nous allions pour les vacances. Je n’avais jamais mis les pieds avenue Bourguiba avant 2011 », révèle celle qui, avec son parler franc et clair, est en passe de devenir une égérie de la société civile.

 La gouvernance est en train de changer, mais il faut de l’endurance.

La distance n’a jamais signifié le détachement, au contraire. Depuis Harvard, aux États-Unis, où elle boucle son Bachelor Degree (l’équivalent d’une licence), elle observe le soulèvement de 2011. Un reportage sur la demeure somptueuse de Sakhr el-Materi, gendre de Ben Ali, la choque et contribue à son retour en Tunisie. « Cette magnificence clinquante et ostentatoire est courante dans les pétromonarchies mais indécente dans un pays aux faibles ressources. Il fallait que je me rende utile, même si je n’avais aucun contact », explique celle qui développe à présent les analyses des données recueillies sur le terrain pour Al Bawsala, jusqu’ici orientée sur une approche juridique.

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Retour en Tunisie

Sa formation scientifique et son intérêt pour les droits de l’Homme propulsent la férue de jogging dans le tissu associatif. Elle décroche un premier emploi en 2011 au sein de l’Institut d’études sur la guerre et la paix, ONG qui promeut un journalisme citoyen et l’indépendance des médias.

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Une occasion pour elle de découvrir les réalités du pays et de se créer un réseau d’amis et de connaissances. Elle consolide son expérience au sein de l’organisme de microcrédit Enda Inter Arabe en 2013 puis entre chez Al Bawsala l’année suivante.

Dans un arabe émaillé d’anglais, elle décrit avec enthousiasme et fierté les avancées de l’ONG : « Notre équipe compte 30 permanents et 1 200 observateurs bénévoles répartis sur tout le territoire », précise l’admiratrice d’Oum Kalthoum, qui lit trois livres à la fois.

Le pouvoir aux citoyens

Son objectif : la transparence, « pour comprendre les schémas des décisions et identifier les intervenants. Une manière de déterminer les responsabilités et de travailler à la redevabilité des dirigeants à l’égard des citoyens ».

Un point qui lui tient à cœur. Elle s’insurge contre le mépris latent des élites à l’égard de M. Tout-le-Monde : « Avoir le droit de vote signifie que chacun peut comprendre et être responsable. Chaque citoyen doit donc avoir accès à l’information. »

Cette pragmatique, qui se bat pour que les données soient rendues publiques, est très optimiste : « La gouvernance est en train de changer, mais il faut de l’endurance. La bataille pour faire appliquer les lois ne fait que commencer. »

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