Moussa Faki Mahamat : « L’Union africaine est à la recherche de personnalités »

En janvier, à Addis-Abeba, les chefs d’État réessaieront de choisir le nouveau président de la Commission de l’UA. Parmi les favoris, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, réputé proche du président Déby Itno.

Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’UA. © Abdoulaye Barry/JA

Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’UA. © Abdoulaye Barry/JA

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Publié le 9 décembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Vous êtes candidat à la présidence de la Commission de l’Union Africaine (UA). Qu’est-ce qui vous différencie des autres prétendants ?

Moussa Faki Mahamat : Le fait que l’UA ne soit pas parvenue à élire un successeur à Nkosazana Dlamini-Zuma, en juillet à Kigali, montre bien qu’elle est à la recherche de personnalités. Je suis, depuis 2008, à la tête de la diplomatie tchadienne, j’ai aussi été Premier ministre [de 2003 à 2005]. Je peux dire, en toute modestie, que j’ai été associé à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un certain nombre de décisions à l’échelle continentale, tant dans le domaine de la sécurité que dans celui du développement.

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Et quelles seront vos priorités si vous êtes élu ?

Le développement et la sécurité. L’Afrique compte à peu près un milliard d’habitants, elle est majoritairement jeune et féminine et recèle de ressources naturelles. Mais le continent est mal géré et sous-représenté au niveau international. Nous ne sommes même pas membres du Conseil de sécurité de l’ONU. Pourtant, nous sommes partout sous la menace d’une internationale terroriste aux ramifications multiples qui met en péril la paix et donc le développement du continent.

La pauvreté et la violence ont amené une bonne partie de la jeunesse à rejoindre les jihadistes ou à prendre le chemin de l’immigration illégale. Il revient à l’UA de tout faire pour lutter contre ces fléaux, en agissant de manière plus solidaire et plus responsable. La gestion des ressources naturelles doit bénéficier aux populations. La bonne gouvernance, la lutte contre la gabegie ou contre la corruption font partie des objectifs.

La libre circulation des biens et des personnes doit devenir effective

Concrètement, comment comptez-vous vous y prendre ?

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Il faut que nous parvenions à agir ensemble. Nous avons vu sur le plan sécuritaire qu’en regroupant nos forces contre Boko Haram nous avons obtenu des résultats probants. Il faut suivre cet exemple dans tous les domaines. Il faut rendre l’UA moins bureaucratique, moins procédurière aussi… La libre circulation des biens et des personnes doit devenir effective. Construisons des routes, des voies de chemin de fer, créons des passerelles entre nous.

La multiplication des conflits post-électoraux, qui menacent parfois la stabilité de régions entières, n’est-elle pas un obstacle ?

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La démocratie pluraliste connaît ses limites en Afrique. Les élections conduisent très souvent à des conflits, et il nous faut avoir une réflexion globale sur le sujet. Certes, l’Afrique a adhéré aux valeurs communes du multipartisme et doit pouvoir continuer à choisir ses dirigeants démocratiquement. Mais on constate trop souvent la remise en question des résultats. Il faut que les acteurs politiques respectent davantage le verdict des urnes et l’ordre constitutionnel. Chaque pays a ses règles. Il faut les respecter.

L’UA peut-elle être véritablement audible sur la scène internationale ?

Quand on regarde ce qui s’est passé en Libye, on voit bien que l’on ne nous a pas écoutés. Nous avions dit et redit qu’il ne fallait pas intervenir militairement. L’histoire a démontré qu’on nous a marginalisés. Je pense que nous, Africains, n’avons plus le droit de nous laisser entraîner dans des situations aux conséquences désastreuses pour nos propres pays…

Et j’espère que nos partenaires ont retenu la leçon. L’Afrique doit prendre son destin en main, et je m’y consacrerai à plein temps. À ce titre, nous nous réjouissons de l’entrée prochaine du royaume chérifien dans l’UA, car cela renforce l’unité africaine, et nous en avons bien besoin.

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