Start-up africaines : le portable, couteau suisse de la santé

E-diagnostics par des infirmiers itinérants, conseils en ligne pour diabétiques, dialyse nomade pour patients isolés… « JA » a identifié des projets innovants qui ont su tirer profit du smartphone.

Un agent de santé durant une visite à domicile au Mali. © djantoli

Un agent de santé durant une visite à domicile au Mali. © djantoli

Publié le 22 septembre 2016 Lecture : 5 minutes.

Dans le hall du CHU d’Angondjé, à Libreville. © David Ignaszewski
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Santé : état des lieux

Alors qu’on prévoit une explosion du nombre de cancers d’ici à 2020, l’oncologie reste une discipline jeune sur le continent. Les États prennent peu à peu conscience du défi, mais il reste beaucoup à faire en matière de formation et d’équipement.

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En moins de dix ans, le téléphone portable est devenu en Afrique l’outil idéal pour parer à toutes les urgences. Transfert d’argent, paiement de factures, télévision en ligne… À chaque besoin répond une nouvelle application. Et le secteur de la santé ne fait pas exception. À tel point que le continent serait l’un des premiers laboratoires de recherche et développement d’e-santé dans le monde, à en croire mHealth Alliance, le centre de recherche américain spécialiste de la question.

Avec l’ambition de rattraper un peu du retard pris dans des pays où les dépenses publiques en faveur de la santé restent très faibles : 2,31 % pour l’Afrique subsaharienne en 2014, selon les données de la Banque mondiale. Les groupes privés figurent parmi les premiers observateurs de ces innovations. Dernière illustration en date : la création, début juillet, par la fondation du laboratoire pharmaceutique Pierre Fabre, d’un Observatoire de l’e-santé dans les pays du Sud, avec l’objectif de faire passer aux start-up le cap souvent difficile du financement.

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Si l’on attend beaucoup dans ce domaine de la part des opérateurs de télécoms, dont le chiffre d’affaires cumulé a atteint 53,5 milliards de dollars (environ 49 milliards d’euros) en 2015, force est de constater que la plupart des projets peinent à rassembler des fonds. Pourtant, les bonnes idées ne manquent pas. Jeune Afrique a sélectionné six innovations qui mériteraient plus de reconnaissance.

Djantoli, le suivi des petits par e-diagnostics au Burkina et au Mali

Avec pour pari, dans les cinq ans à venir, de réduire la mortalité infantile (un enfant sur six en Afrique de l’Ouest), Djantoli, « veille » en bambara, est une association active au Mali et au Burkina Faso. Son modèle ? Des rondes d’agents itinérants qui auscultent les nouveau-nés à domicile, moyennant un abonnement de 700 F CFA (soit 1 euro) par enfant et par mois. Ces infirmiers d’un nouveau genre sont équipés d’une application pour smartphones, dans laquelle ils renseignent le poids et la température du nourrisson, mais aussi d’éventuels symptômes d’infections respiratoires, de diarrhée ou de paludisme.

Autant d’e-diagnostics qui sont envoyés dans les centres de santé à Bamako et à Ouagadougou. Là, des médecins peuvent ordonner des consultations en temps et en heure via l’application, quand souvent les familles tardent à consulter. Le service est couplé à une offre de micro-assurance (700 F CFA, au Burkina), censée couvrir des consultations gratuites et certains médicaments. En 2015, la structure a permis de suivre 2 500 enfants dans les deux pays.

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E-diabete.org, le Mooc pour contrer le diabète en Afrique

On connaissait les moocs (cours gratuits en ligne) académiques, voici e-diabete.org, un site qui joue sur un registre beaucoup plus pratique : santé publique, urgence, traitement, complications chroniques. Des spécialistes africains et européens partagent, grâce à internet, leurs connaissances avec leurs confrères et livrent des conseils de prise en charge du diabète au travers de vidéos, accessibles même en bas débit. L’initiative, développée par l’Université numérique francophone mondiale (UNFM, un réseau qui utilise internet pour diffuser un enseignement de qualité dans un environnement de pénurie), a d’abord débuté en Côte d’Ivoire, sous la houlette de l’Institut national de santé publique (INSP). Dans ce pays, on ne dénombre que 15 diabétologues en exercice, alors même que l’hyperglycémie chronique touche quelque 2 millions d’Ivoiriens. Depuis ses débuts en 2009, environ 2 000 professionnels de santé ont bénéficié de ces conférences en Afrique francophone.

Jokkosanté, l’armoire à pharmacie du Sénégal

Des sociétés – comme Sodipharm, Bolloré ou la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Sénégal (Bicis) – ont déjà crédité les comptes des particuliers les moins favorisés. À l’aide de leur portable et sur ordonnance, les bénéficiaires de ce service acquièrent in fine des médicaments bien plus sûrs que ceux achetés dans la rue, pour une somme modique. La start-up a démarré son activité en février 2015 à Passy, dans le centre-ouest du Sénégal, grâce à un financement de 25 000 euros dont 20 000 fournis par l’opérateur Orange.

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Aujourd’hui, elle envisage de se déployer dans tout le pays et, pour y parvenir, projette de collecter 150 000 euros, qui s’ajouteront à la bourse de 150 000 dollars (environ 133 000 euros) décrochée auprès de la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE) fin 2015.

jokko santé © L’équipe de Jokkosanté.

jokko santé © L’équipe de Jokkosanté.

Medtrucks, la dialyse nomade du Maroc

Ce sont les camions de dialyse mobile Desert Dyalisis, créés en Australie pour prodiguer les traitements aux aborigènes d’Ayers Rock, dans le centre rouge du pays-continent, qui ont inspiré le jeune entrepreneur Anass El Hilal. Si le Maroc est dix fois plus petit que l’Australie, les déserts médicaux y sont tout aussi présents, et les dialysés nombreux (10 000 personnes au moins).

À sa sortie de l’École polytechnique universitaire de Montpellier (France), l’ingénieur a conçu le projet Medtrucks, dont la première caravane, composée de cinq lits, peut traiter jusqu’à dix patients par jour. Le prototype d’une flotte que le fondateur espère répliquer ailleurs en Afrique, avec l’objectif de le commercialiser auprès des cliniques et des hôpitaux. Un système aidé par une technologie de géolocalisation des patients inscrits et un algorithme d’optimisation du parcours des camions.

OPISMS, le carnet de vaccination électronique de la Côte d’Ivoire

Tuberculose, tétanos, diphtérie, poliomyélite, coqueluche, rougeole : en Côte d’Ivoire, 51 % des enfants de 12 à 23 mois ne reçoivent pas l’ensemble de ces vaccins de base, selon une étude du programme « Demographic and health surveys » pour l’Agence américaine pour le développement international (Usaid). Pour améliorer la situation de ces enfants mais aussi celle des adultes, la société informatique Ivocarte-Abyshop, dirigée par Noel Etché N’Drin, a développé un carnet de vaccinations et d’alertes par SMS.

Après un test en 2011 à l’Institut d’hygiène publique, le carnet électronique de vaccinations, baptisé OPISMS – qui coûte 1 000 F CFA (1,52 euro) par an quand il n’est pas subventionné –, a bénéficié d’une convention du ministère de la Santé pour être lancé au niveau national en 2013. Trois ans plus tard, promu par une campagne publicitaire télévisée, il revendique une couverture de 500 000 personnes dans 135 centres de santé.

Ces derniers, rétribués par OPISMS, sont chargés de consigner les dates des vaccins et les lots administrés ; des données qui sont ensuite saisies par la petite équipe de la start-up de Treichville (Abidjan). Une tâche fastidieuse qui pourrait être améliorée en équipant chaque centre de santé d’un smartphone, peut-être via des partenariats avec des opérateurs de téléphonie.

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