Cuba – Venezuela : Castro lâche-t-il Maduro ?

Depuis que Chávez est mort, que l’économie vénézuélienne vacille et que les Cubains ont renoué avec les États-Unis, la solidarité révolutionnaire cède la place au chacun pour soi.

Le président vénézuélien, Nicolás Maduro (à g.), et le leader cubain, Raúl Castro, célébrant ensemble le 1er mai, sur la place de la Révolution, à La Havane, en 2015. © Ramon Espinosa/AP/SIPA

Le président vénézuélien, Nicolás Maduro (à g.), et le leader cubain, Raúl Castro, célébrant ensemble le 1er mai, sur la place de la Révolution, à La Havane, en 2015. © Ramon Espinosa/AP/SIPA

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Publié le 31 août 2016 Lecture : 3 minutes.

Il est loin le temps où Raúl Castro séjournait régulièrement à Caracas pour se féliciter des prétendus acquis sociaux de la révolution bolivarienne, lors de grandes embrassades à la soviétique avec le Comandante. À l’époque, le pétrole vénézuélien coulait à flots dans les raffineries cubaines, gratuitement ou à des prix dérisoires. En échange, des médecins cubains dispensaient leurs loyaux services dans les quartiers populaires de Caracas, via la mission Barrio Adentro.

Depuis la mort de Hugo Chávez, en mars 2013, les visites du dirigeant cubain se font de plus en plus rares. Et Nicolás Maduro, le successeur de Chávez, a beau avoir été formé à La Havane, où il étudia dans les années 1980, les relations bilatérales semblent nettement moins chaleureuses.

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Un soutien modéré

Ainsi, La Havane adopte un ton de plus en plus mesuré lorsque Maduro dénonce « des tentatives de coup d’État fomentées par les États-Unis ». Et la dernière visite de Raúl Castro au Venezuela remonte à mars 2015, lors d’un sommet extraordinaire de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (Alba), qui réunissait d’autres dirigeants acquis à la cause socialiste.

« La position de notre pays demeure inchangée. Je souligne la totale solidarité de la révolution cubaine avec la révolution bolivarienne, avec le président Nicolás Maduro et l’union civico-militaire qu’il dirige, ainsi que notre fidélité absolue à la mémoire de Hugo Chávez, meilleur ami de la révolution cubaine », avait déclaré Raúl Castro lorsque Washington avait adopté des sanctions contre Caracas. En somme, La Havane est davantage fidèle à Chávez qu’à son successeur…

De fait, depuis 2014, Cuba a négocié un virage à 180 degrés en se rapprochant des États-Unis et des pays européens, notamment pour sauver son économie, fragilisée par la faillite du Venezuela, son principal soutien. Le rétablissement de ses relations diplomatiques avec Washington, en juillet 2015, a été suivi huit mois plus tard d’une visite de Barack Obama – la première d’un président américain depuis quatre-vingt-huit ans. « Maduro n’a même pas été prévenu de ce rétablissement. Il l’a vécu comme un coup de poignard », relate la Vénézuélienne Paula Vásquez, chercheuse au CNRS, à Paris, et auteure de Chavisme, un militarisme compassionnel.

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Le Vénézuela affaibli par la chute du prix du baril

Pris dans la spirale d’une grave crise économique due en partie à l’effondrement du prix du baril de brut, le Venezuela a d’ailleurs fermé en partie le robinet pétrolier. Il n’existe pas de statistiques officielles, mais, selon la chercheuse, les exportations de brut à destination de Cuba « sont sans doute passées de 120 000 barils en 2006 à 70 000 ou 85 000 aujourd’hui ». Une baisse d’au moins 30 % à 40 % confirmée par les économistes. Quant aux 25 000 coopérants du programme de santé Barrio Adentro, ils sont, pour la plupart, rentrés chez eux. À première vue, l’idylle semble bel et bien appartenir au passé.

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« Certes, les relations commerciales se sont effondrées, mais Maduro continue de se rendre régulièrement à La Havane, tempère Janette Habel, spécialiste de Cuba et enseignante à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (IHEAL), à Paris. Il n’y a pas de divergences sur le fond. N’oublions pas que Maduro était le candidat de La Havane lors de l’élection présidentielle de 2013. » Et il était encore l’invité d’honneur au quatre-vingt-dixième anniversaire de Fidel Castro, le 13 août dernier.

« Beaucoup de “patriotas cooperantes” sont encore présents au Venezuela », rappelle Paula Vásquez. L’opposition accuse ces « fonctionnaires du renseignement » cubain d’encadrer l’armée et d’aider Maduro à mettre la main sur les médias. Voire de manœuvrer pour contrecarrer la destitution du président, qu’elle tente d’obtenir par le biais d’un référendum révocatoire. Une chose est sûre : au Venezuela, la « cubanisation des esprits » a volé en éclats.

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