Pourquoi le Rwanda en veut à la Cour africaine des droits de l’homme

Le pays prend ses distances avec la Cour africaine des droits de l’homme. Selon Kigali, elle « déroule le tapis rouge » à un génocidaire.

Le président rwandais Paul Kagame à l’université de Tufts, à Melford, aux États-Unis,  le  22 avril 2014 © Steven Senne/AP/SIPA

Le président rwandais Paul Kagame à l’université de Tufts, à Melford, aux États-Unis, le 22 avril 2014 © Steven Senne/AP/SIPA

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Publié le 1 avril 2016 Lecture : 2 minutes.

Un fugitif condamné à perpétuité pour génocide et sous le coup d’un mandat d’arrêt international saurait-il, à bon droit, saisir la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) ? Parmi les organisations de défense des droits de l’homme ayant exprimé leur désapprobation à la suite de la décision récente du Rwanda de se retirer partiellement du protocole régissant la CADHP, aucune n’a évoqué cette épineuse question, pourtant au cœur du débat.

Le Rwanda ne veut désormais plus souscrire à certaines dispositions de ce protocole auxquelles elle adhérait depuis 2013, permettant aux individus ainsi qu’à des ONG, et plus seulement aux États et aux organisations intergouvernementales, de saisir la juridiction continentale.

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En cause, l’un des six dossiers pendants devant la CADHP visant Kigali : une requête déposée contre l’État rwandais en juillet 2015 par sept ressortissants en exil. Ces derniers demandaient à la Cour, basée à Arusha, en Tanzanie, d’imposer des mesures conservatoires pour empêcher le Sénat et le gouvernement de procéder à une révision constitutionnelle devant permettre à Paul Kagamé de briguer un troisième mandat présidentiel – ou davantage.

Une question de principe

Parmi eux, deux « fugitifs » lourdement condamnés au Rwanda. Faustin Kayumba Nyamwasa, un ancien chef d’état-major de l’armée condamné à vingt-quatre ans de prison en 2011, notamment pour « atteinte à la sécurité de l’État ». Et Stanley Safari, un ancien sénateur condamné en 2009 par un tribunal populaire gacaca en tant qu’organisateur du génocide dans la préfecture de Butare.

Le ministère rwandais de la Justice a transmis ses objections préliminaires le 18 novembre 2015, demandant à la CADHP d’écarter « l’intérêt à agir » des deux hommes. Et insistant particulièrement sur le cas de Stanley Safari : « Jamais, jusqu’à ce jour, une personne soupçonnée ou condamnée pour génocide ne s’est vu dérouler le tapis rouge par une cour de justice. »

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La CADHP n’ayant pas donné suite à cette requête, se contentant de communiquer une date d’audience, le Rwanda a décidé, le 24 février, de ne plus souscrire à la saisine élargie de cette juridiction – à laquelle n’adhèrent d’ailleurs que six autres États sur cinquante-trois. « Une question de principe », selon le ministre de la Justice, Johnston Busingye.

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