RD Congo : les trois raisons du blocage électoral

Organiser un scrutin, cela implique de recenser les électeurs, de s’entendre sur les échéances et de mobiliser les ressources nécessaires. Or aucune de ces conditions n’est encore satisfaite…

Kinshasa, novembre 2011. Un agent électoral vérifie la liste des votants. © GWENN DUBOURTHOUMIEU POUR J.A.

Kinshasa, novembre 2011. Un agent électoral vérifie la liste des votants. © GWENN DUBOURTHOUMIEU POUR J.A.

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Publié le 27 janvier 2016 Lecture : 3 minutes.

Kabila contre Katumbi. © Gwenn Dubourthoumieu/J.A.
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RDC : Kabila contre Katumbi

Ni l’un ni l’autre n’ont dévoilé leurs intentions pour l’élection prévue en novembre, mais nul doute que leur affrontement rythmera l’année 2016.

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Avant même de démarrer, la machine électorale s’est enrayée. Près d’un an après la publication du « calendrier global des élections », aucune échéance majeure n’a été tenue. Prévues fin octobre 2015, les provinciales (élection des députés provinciaux), les communales (conseillers municipaux) et les locales (conseillers de secteur) ont été reportées sine die. Même sort pour les sénatoriales et pour l’élection des gouverneurs de province, initialement fixées entre le 13 et le 31 janvier.

Dans ces conditions, il devient de plus en plus difficile d’organiser les législatives et la présidentielle dans les délais constitutionnels, soit au plus tard fin novembre, comme le prévoit le chronogramme actuel. Se dirige-t-on vers un « glissement » du calendrier électoral ? L’hypothèse est plus que probable. De fait, plusieurs obstacles empêchent le processus de se relancer.

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1. Un fichier corrompu

Constitué en 2005 et révisé en 2011, le fichier électoral contient quelque 30,5 millions d’inscrits, déduction faite des près de 1,3 million de doublons relevés après l’audit de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). « Mais la Ceni n’étant pas l’état civil, il nous est impossible d’en extraire les personnes décédées », souffle Jean-Pierre Kalamba, son porte-parole.

Le fichier électoral n’est donc plus crédible. D’autant que les nouveaux majeurs (entre 6 millions et 8 millions de personnes) n’ont jamais été enregistrés et que, depuis la réforme de la loi électorale, en janvier 2015, des Congolais de l’étranger (qui possèdent désormais le droit de vote) n’ont toujours pas été enrôlés. Que faire ? Deux plans s’opposent, défendus l’un par le camp Kabila et l’autre par le Front citoyen 2016, auquel appartient Moïse Katumbi.

« Nous avions proposé le recensement de la population, mais l’opposition nous a prêté de mauvaises intentions et a incité les gens à descendre dans les rues », explique Barnabé Kikaya Bin Karubi, conseiller diplomatique du chef de l’État. Joseph Kabila s’est finalement rangé derrière l’idée d’une « révision partielle » du fichier électoral : le nettoyer, inclure les nouveaux électeurs majeurs et éventuellement les Congolais de la diaspora. Une solution insuffisante pour le Front citoyen : le fichier électoral étant corrompu, le mouvement plaide pour sa « révision intégrale ». Soit reprendre tout de zéro.

2. Un chronogramme contesté

Dans le calendrier global publié par la Ceni en février 2015, les locales devaient précéder les législatives et la présidentielle. Aujourd’hui encore, le camp Kabila reste favorable à ce schéma, soutenant que « toutes les élections sont importantes » et que « la démocratie commence à la base ». Mais avec le découpage du territoire en 26 provinces en 2015 (contre 11 auparavant), l’opposition craint que ces élections locales, « complexes à organiser dans un pays-continent », ne retardent la tenue des législatives et de la présidentielle. Ces dernières devraient se tenir en premier, selon elle, puisqu’elles sont liées à des délais constitutionnels.

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3. Des financements limités

« La communauté internationale n’a toujours rien donné », se plaint Jean-Pierre Kalamba, de la Ceni. Jusqu’ici, c’est donc le gouvernement qui a mis la main au portefeuille pour financer le processus. Il a prévu de débloquer quelque 500 millions de dollars en 2016 (soit plus de 450 millions d’euros), mais le coût des onze scrutins prévus, évalué initialement à 1,2 milliard de dollars, frôlerait les 800 millions, selon une source au sein de la Ceni.

En attendant, sur fonds propres du gouvernement, la Ceni a acquis 97 jeeps neuves et affirme détenir, pour la première fois, une « carte électorale » du pays « avec les coordonnées GPS » de chaque ville ou village où des bureaux de vote seront installés. Ce qui pousse la commission à croire que les élections sont encore possibles : « Il suffit que la classe politique s’entende », soutient son porte-parole. Kabila appelle au dialogue, mais Katumbi et l’ensemble du Front citoyen lui ont adressé une fin de non-recevoir.

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