Côte d’Ivoire : présentez… armes ! (et déposez-les !)

Le processus de désarmement, démobilisation et réinsertion prend officiellement fin le 30 juin. Beaucoup a été fait, mais tout n’a pas été réglé, et les élections approchent.

Opération de DDR dans le quartier de Yopougon, à Abidjan. © SIA KAMBOU/AFP

Opération de DDR dans le quartier de Yopougon, à Abidjan. © SIA KAMBOU/AFP

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Publié le 29 juin 2015 Lecture : 3 minutes.

Ils étaient 74 068. Principalement issus des ex-Forces nouvelles (FN), des milices d’autodéfense, mais aussi des ex-Forces de défense et de sécurité (FDS, fidèles à l’ancien président Laurent Gbagbo), ils avaient pris part aux conflits qu’a connus la Côte d’Ivoire de 2002 à 2011. Le 30 juin, date marquant la fin du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR), tous n’auront sans doute pas abandonné leurs treillis et leurs kalachnikovs pour l’anonymat de la vie civile. Début juin, malgré les efforts fournis par l’Autorité pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration (ADDR), 10 000 ex-combattants manquaient toujours à l’appel.

Pour la grande majorité des observateurs, l’ADDR a pourtant réussi là où beaucoup ont échoué. Il y a un an, une partie importante de ces ex-combattants demeuraient récalcitrants et exigeaient d’être réintégrés dans l’armée. Il ne se passait pas une semaine sans qu’un incident les impliquant ne vienne défrayer la chronique. « Ils constituaient une véritable menace pour la sécurité du pays », estime un fin connaisseur du dossier. Le bras de fer a finalement tourné en faveur des autorités, comme l’illustre l’opération Bonheur. Lancée début juin, elle a permis de libérer les sites (hôtels, université et autres lieux publics) occupés par les 3 000 à 5 000 ex-associés aux FRCI (nom donné aux éléments utilisés par l’armée mais ne bénéficiant pas de matricule) à Abidjan et dans le reste du pays.

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« Finalement, et personne ne s’y attendait vraiment, les ex-combattants ont été plutôt coopératifs. Le mérite revient pour beaucoup aux équipes de l’ADDR, dont la communication et le travail ont été très efficaces », explique un diplomate en poste à Abidjan.

Prime « d’installation » de 800 000 F CFA

De toutes les phases du programme – désarmement, démobilisation, resocialisation (qui, selon l’ADDR, répond aux besoins de rééducation civique et psychologique des anciens soldats) et réintégration -, la dernière est aussi primordiale qu’incertaine. Après une période de formation, chacun a reçu 40 000 F CFA (61 euros). Certains ont ensuite été reversés dans l’administration, d’autres dans le secteur privé. La Sotra (Société des transports abidjanais), le groupe Sifca ou la société Cocitam, spécialisée dans la distribution de matériel industriel et pétrolier, ont été mis à contribution. Mais la majorité doit se débrouiller seule en piochant dans la prime « d’installation » de 800 000 F CFA qui leur est donnée.

« L’argent est versé en trois fois. Souvent, les ex-combattants n’en reçoivent qu’une partie. Surtout, cette somme permet tout juste de couvrir leurs dettes, leurs soins de santé, et de s’occuper de leur famille », se plaint Kaba Sory, président de l’Association des démobilisés de Côte d’Ivoire. « Nos camarades qui ont eu à déposer leurs armes […] nous accusent de les avoir trompés », écrivait-il dans une lettre envoyée le 11 novembre 2014 à l’ADDR et à la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire. « Aujourd’hui, beaucoup d’ex-combattants sont déçus. Leurs chefs leur avaient promis qu’ils seraient intégrés à l’armée. Ils doivent maintenant se battre seuls pour se reconstruire », conclut-il.

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Une situation qui, compte tenu de la profusion des armes toujours en circulation et de la proximité des prochaines élections (la présidentielle se tiendra en octobre), pourrait perturber le processus de paix, se sont inquiétés les experts de l’ONU dans un rapport publié en avril. Selon eux, ce sont par exemple des éléments ayant pris part aux opérations de DDR qui contrôlent la mine d’or non répertoriée de Gamina (Ouest) pour le compte du lieutenant-colonel Issiaka Ouattara, dit Wattao. Pour les enquêteurs onusiens, ces « ex-combattants qui opèrent sous le contrôle d’anciens ‘comzones’ demeurent un défi pour les autorités ivoiriennes et pourraient être utilisés pour déstabiliser » le pays.

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