Crise au Burundi: l’Eglise catholique se retire du processus électoral
A moins d’une semaine du début des élections générales au Burundi, l’influente Église catholique a annoncé jeudi son retrait du processus électoral, un coup dur pour le président Pierre Nkurunziza, toujours contesté dans la rue plus d’un mois après avoir déclaré sa candidature à un troisième mandat.
« Après avoir considéré la manière dont ces élections sont organisées et leur évolution actuelle (. . . ), nous, évêques de l’Église catholique, avons estimé qu’il convenait que les prêtres démissionnent et cèdent leur place à ceux qui peuvent continuer le travail », a annoncé la conférence des évêques burundais, alors que de nombreux prêtres occupent des fonctions importantes au sein des commissions électorales au niveau des provinces et des communes du pays.
Malgré son retrait, l?Église catholique burundaise a rappelé que ces élections « constituent la seule bonne voie pour un renouvellement des institutions ».
Cette annonce hypothèque encore un peu plus des élections législatives et des communales censées se tenir le 5 juin, suivies du scrutin présidentiel le 26 juin, puis des sénatoriales le 17 juillet.
Le Burundi est plongé dans une grave crise politique depuis l’annonce fin avril de la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat. Le pouvoir fait face à un vaste mouvement de contestation populaire, avec des manifestations quotidiennes dans les rues de Bujumbura, émaillées de nombreux affrontements avec la police.
Les protestataires estiment que la volonté du président de briguer un troisième mandat viole les termes de l’accord de paix d’Arusha, qui avait mis fin en 2006 à une sanglante guerre civile (1993-2006) et limité le nombre de mandats présidentiels à deux.
Le camp présidentiel juge cette candidature parfaitement légale, M. Nkurunziza ayant été élu par le parlement pour son premier mandat en 2005 et non au suffrage universel comme en 2010.
Les violences ont fait plus d’une trentaine de morts en un mois et ne cessent de s’intensifier, la police faisant un large usage des armes à feu. Jusqu’ici concentrées dans la capitale, des manifestations ont également été signalées en province, avec là aussi une sévère répression policière.
– « Déficit de légitimité » –
Jeudi, comme chaque jour depuis plus d’un mois, les manifestations anti-troisième mandat ont repris dans les habituels quartiers contestataires, malgré l’imposant dispositif policier déployé depuis plusieurs jours. Alors que les forces de l’ordre occupent désormais grandes avenues et rues principales, et tirent à vue au dessus de tout groupe suspect, les manifestants se rassemblent plus en profondeur dans les quartiers, dans le labyrinthe des ruelles et pistes de latérite.
Dans ce contexte jugé par beaucoup bien peu propice à des élections apaisées, et alors que la communauté internationale ne cesse de faire pression pour un report, la décision du clergé catholique est « un coup dur pour le processus électoral », a jugé l’analyste Willy Nindorera, spécialiste du pays.
En particulier « après la suspension des financements (des élections) par les partenaires internationaux, le retrait de l’opposition et de la société civile, ainsi que les très fortes réserves émises par la communauté internationale », a-t-il énuméré.
« Le processus électoral souffrait déjà d’un déficit de légitimité, l’Eglise catholique – autorité morale très respectée au Burundi- vient d’enfoncer le clou », selon M Nindorera.
Mercredi, l’opposition avait jugé « impossible » la tenue des élections en raison du « désordre » et de l’insécurité dans le pays. « Cautionner un tel processus revient à soutenir une prévisible guerre civile » a mis en garde l’opposition, en appelant la communauté internationale à « ne jamais (en) reconnaître les résultats » si elles devaient tout de même se tenir sous la pression du pouvoir.
Dans la nuit, une majorité des quinze pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU, à l’exception notable de la Russie, s’est prononcée pour un report des scrutins.
Les chefs d’Etat des pays d’Afrique de l’Est (EAC: Burundi, Rwanda, Ouganda, Tanzanie et Kenya) se réuniront dimanche en Tanzanie, à Dar es Salaam, pour tenter de trouver une position commune sur la crise.
Ils devraient sans doute de nouveau demander un report des élections, à défaut de se prononcer publiquement sur la question du troisième mandat, dont le camp présidentiel a d’ores et déjà prévenu qu’elle était une « ligne rouge » non-négociable.
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