Des enquêtes qui menacent la réconciliation franco-marocaine

La France et le Maroc scelleront leur réconciliation jeudi à Paris mais des enquêtes judiciaires sur des accusations de torture continuent de troubler leurs relations.

Des enquêtes qui menacent la réconciliation franco-marocaine © AFP

Des enquêtes qui menacent la réconciliation franco-marocaine © AFP

Publié le 27 mai 2015 Lecture : 3 minutes.

Aussi inattendue que violente, une brouille de près d’un an entre proches alliés est née d’accusations visant notamment le chef du contre-espionnage marocain (DGST), Abdellatif Hammouchi, dont celles portées par l’ancien boxeur Zakaria Moumni. Elles sont rejetées avec indignation par Rabat, qui dénonce affabulations et diffamation.

La visite en février 2014 à la résidence de l’ambassadeur du Maroc, à Paris, de policiers venus remettre une convocation d’une juge à Abdellatif Hammouchi avait entraîné la rupture de la coopération judiciaire, avec des conséquences lourdes sur la coopération sécuritaire et antiterroriste.

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En janvier, la signature d’une nouvelle convention judiciaire marquait la fin de la brouille.

En février, Paris annonçait l’élévation au rang d’officier de la Légion d’Honneur d’Abdellatif Hammouchi, par ailleurs nommé courant mai directeur général de la Sûreté nationale marocaine sur décision du roi Mohammed VI.

Pour « rallumer tous les moteurs » de la relation, selon Matignon, le Premier ministre marocain, Abdelilah Benkirane, et une douzaine de ses ministres seront reçus jeudi à Paris. Une vingtaine d’accords doivent être signés et divers entretiens bilatéraux sont prévus, notamment entre les ministres de la Justice, Christiane Taubira et Mustafa Ramid.

Une rencontre qui intervient au moment où le Parlement français examine la nouvelle convention d’entraide judiciaire franco-marocaine, vivement critiquée par des organisations de défense des droits de l’Homme qui y voient un moyen de rendre quasi impossible toute poursuite en France de ressortissants marocains. Cette convention « favoriserait l?impunité pour les présumés responsables marocains de graves violations des droits humains », affirment ces associations (ACAT, Amnesty, FIDH, LDH et HRW) dans un communiqué mercredi.

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– ‘Des noms de policiers’ –

C’est dans ce contexte, au terme de ses investigations, que le parquet de Paris a effectué le 27 mars une « dénonciation officielle aux fins de poursuite » à la justice marocaine sur les accusations de Zakaria Moumni.

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Dans un courrier à l’ex-boxeur daté du 11 mai, consulté par l’AFP, Christiane Taubira relève que « s’ils sont avérés », les faits dénoncés « sont d’une particulière gravité ». Si elle refuse d’intervenir dans une enquête, elle ajoute néanmoins qu’elle veillera « à ce que le cours de la justice ne soit en rien entravé dans cette affaire ».

Aux yeux des avocats du Maroc, la dénonciation officielle du parquet « ne signifie en rien une quelconque confirmation du bien-fondé des allégations de Zakaria Moumni ».

Il ressort des investigations « qu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de présumer » que des infractions relevant de la torture « ont été commises et peuvent être retenues », écrivent de leur côté les enquêteurs, dans la synthèse de leurs investigations consultée par l’AFP. A leurs yeux, les expertises médicales et psychologiques sur Zakaria Moumni « indiquent que les propos rapportés par la victime sont en cohérence avec la plainte déposée ».

Champion du monde de boxe thaïe en 1999, Zakaria Moumni avait été arrêté en septembre 2010 à l’aéroport de Rabat. Installé en France depuis 2006, il dit avoir été torturé quatre jours à la prison de Salé avant d’être condamné pour escroquerie lors d’un procès jugé non équitable par des ONG.

Son tort? Selon lui, avoir réclamé un poste d’entraîneur auquel son titre mondial lui donnait droit. Son activisme médiatisé -une manifestation devant une résidence du roi Mohammed VI dans l’Oise, des démarches auprès du secrétaire particulier du souverain- aurait agacé en haut lieu, estime-t-il.

Lors de son audition le 23 avril 2014, Zakaria Moumni a affirmé « que ses tortionnaires obéissaient aux ordres donnés par Abdellatif Hammouchi lui-même agissant sur directives » d’un haut responsable de l’entourage du roi, qu’il cite, selon les conclusions des enquêteurs.

En février, il a fourni le nom de deux policiers reconnus sur internet, dont il affirme qu’ils comptaient parmi ses tortionnaires.

Les enquêteurs relèvent l’impossibilité d’entendre Abdellatif Hammouchi, notant que la Royal Air Maroc « n’a jamais daigné (leur) répondre » sur sa présence en France et que les démarches auprès du Quai d’Orsay ont été vaines.

Le parquet a donc renvoyé la balle aux Marocains. Sa dénonciation officielle vise, selon le Quai, à « solliciter une autorité judiciaire étrangère pour poursuivre l’instruction d’une affaire, sans que le juge français ne soit pour autant dessaisi ». Faute d’une réponse marocaine, la justice française peut donc décider de reprendre la main.

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