Cameroun: diplômés et candidats à l’immigration, une « génération sacrifiée » qui rêve d’Europe

Ils voulaient « travailler » et « nourrir » leur famille, mais se retrouvent vendeurs à la sauvette dans les rues de Yaoundé: « sans avenir » malgré leurs diplômes, de jeunes Camerounais se disent prêts à tenter l’aventure de l’immigration clandestine.

Cameroun: diplômés et candidats à l’immigration, une « génération sacrifiée » qui rêve d’Europe © AFP

Cameroun: diplômés et candidats à l’immigration, une « génération sacrifiée » qui rêve d’Europe © AFP

Publié le 5 mai 2015 Lecture : 3 minutes.

Accessoires d’ordinateurs et téléphones portables exposés à même le sol, costumes bon marché, portraits du président Paul Biya: l’avenue Kennedy, dans le centre de Yaoundé, grouille d’activités informelles et les jeunes vendeurs interpellent les passants à la volée.

Etudiant en licence de psychologie, Pascal a 26 ans, Comme beaucoup de ses camarades, il vend des vêtements quand il ne se rend pas au campus.

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Quatre ans qu’il arpente le goudron de 7h à 18h au milieu de la circulation, dans l’espoir de gagner quelques pièces pour manger. « Il arrive qu’une journée s’achève sans que j’ai vendu le moindre vêtement. Mais on est obligé de se battre », dit-il.

Les frustrations de la jeunesse sont immenses dans un pays gangréné par le clientélisme et la corruption, où le taux de pauvreté avoisine 40%, selon l’Institut national de la statistique (INS) camerounais.

A force d’échecs successifs dans ses recherches d’emploi, sans illusion sur l’utilité de son diplôme, Pascal ne cache pas sa « tentation » de partir pour l’Europe.

-‘Rêve éteint’-

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« Le rêve (de s’en sortir au Cameroun) s’est éteint. Je pensais qu’à mon âge, je serais en train de travailler, mais les choses vont de mal en pis », explique Pascal.

« La plupart des jeunes que vous apercevez en face sont prêts à partir. Toutes les semaines, il y en a qui partent en Europe dans la clandestinité », dit-il: « nous sommes une génération sacrifiée ».

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Il énumère les innombrables obstacles qui se dressent devant un jeune Camerounais « lambda » pour passer en classe supérieure, ou réussir un concours de la fonction publique.

« Avant, il fallait négocier (corrompre, ndlr) pour l’avoir, mais il faut actuellement, en plus de cela, être pistonné. Le gouvernement a instauré une bourse réservée aux meilleurs dans les universités, mais dans les faits son attribution est faite selon des critères autres que ceux du mérite ». Sans parler des « magouilles dans l’attribution des logements au campus », explique-t-il.

Quant au plan académique, « il n’y a pas de suivi », dit Pascal. « Il arrive souvent qu’il y ait des erreurs sur les notes, mais quand tu fais une requête, elle peut ne pas aboutir ».

Pour Carlos, un autre étudiant, aller à l’université est une « perte de temps ». « Nous sommes abandonnés à nous-mêmes. Après des années d’études, tu n’as pas la possibilité d’accéder à un emploi (. . . ) Beaucoup de camarades veulent partir à l’étranger ».

Un peu plus loin, Jean répète inlassablement les mêmes questions: « besoin d’un téléphone portable? Vous voulez qu’on mette Internet dans votre téléphone? ». Mais les clients sont rares. Lui a dû arrêter l’école après le BEPC pour nourrir sa famille, et à 34 ans, il n’a qu’une seule idée en tête: partir.

– Vie de ‘tombola’ –

« Le Cameroun m’énerve. Notre pays est fait pour ceux qui ont de bonnes positions dans l’administration. Si tu n’as pas de soutien tu ne réussis pas. . . « , accuse-t-il.

« J’ai tout fait (vente à la sauvette, agriculture, dépannage d’appareils électriques. . . ), mais ça ne marche pas. Au Cameroun, on mène une vie de +tombola+ (incertaine, ndlr). . . +Mieux tu meurs+ (autant mourir) », affirme-t-il.

« On vit endetté. Quand tu réussis à rassembler 100. 000 FCFA (150 euros) dans le mois, tu as des problèmes de l’ordre de 300. 000 FCFA. Il y a la maladie des enfants, la famille qui te sollicite. . . « , explique le rabatteur.

Jean a déjà tenté à deux reprises de gagner la Belgique. Lors de la première, en 2005, « je suis allé jusqu’en Algérie », dit-il. « Il y a trois ans, je suis allé jusqu’au Niger, mais j’ai dû rebrousser chemin parce que l’aventure était devenue intenable », trop risquée et épuisante.

Pas découragé pour autant, le jeune homme s’apprête à repartir. Son itinéraire? Passer au Nigeria, traverser le Niger et le Mali pour ensuite atteindre le Maroc. De là, trouver un bateau pour l’Europe.

« Même si je trouve la mort en route, je me dirais que c’est mon sort », dit-il, fataliste, en référence aux naufrages qui ont tué des centaines de migrants clandestins depuis le début de l’année en Méditerranée.

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