Burundi: journée cruciale sur fond de fracture au sein de l’armée

Le Burundi entrait lundi dans une journée et une semaine critiques, avec la fin de la « trêve » décrétée par les opposants au 3e mandat du président Pierre Nkurunziza et l’apparition de fractures claires dans l’appareil sécuritaire et au sein de l’armée.

Burundi: journée cruciale sur fond de fracture au sein de l’armée © AFP

Burundi: journée cruciale sur fond de fracture au sein de l’armée © AFP

Publié le 4 mai 2015 Lecture : 3 minutes.

« Nous avons deux camps arc-boutés sur leurs positions et aucun n’est prêt à reculer », a expliqué à l’AFP un diplomate ayant requis l’anonymat.

Comme attendu, le président Nkurunziza n’a pas renoncé au cours du week-end de trêve à sa candidature à la présidentielle, ce que lui demandait le « Collectif contre le 3e mandat » qui avait expliqué que la suspension de la contestation devait notamment lui permettre de « mieux s’organiser » en vue de nouvelles protestations.

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Les manifestations semblaient donc devoir reprendre lundi dans les quartiers périphériques de Bujumbura, en effervescence depuis le 26 avril et où la police cantonne les protestataires afin de les empêcher de converger vers le centre de la capitale burundaise où ils souhaitent se rassembler, provoquant des heurts.

La répression par la police, qui tire parfois à balles réelles, a déjà fait six morts et 66 blessés.

Samedi soir, le général Pontien Gaciyubwenge, ministre de la Défense, s’était démarqué en termes sibyllins de son homologue de la Sécurité publique qui avait annoncé un durcissement de la répression et qualifié la contestation d’ »entreprise terroriste » après deux attentats meurtriers à la grenade visant la police, vendredi soir.

Le général Gaciyubwenge a affirmé la neutralité de l’armée et demandé que cessent « les atteintes aux droits » constitutionnels des Burundais, semblant viser notamment celui de manifester pacifiquement.

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Des proches du ministre de la Défense ont expliqué à l’AFP que des hauts gradés de l’armée l’avaient pressé de refuser de faire participer l’armée à la répression, de rappeler la neutralité des militaires et de se démarquer publiquement du ministre de la Sécurité publique.

Depuis le début du mouvement, l’armée s’interpose régulièrement entre la police et les manifestants pour éviter les dérapages. Les protestataires considèrent que les soldats sont neutres et les protègent des abus des policiers, acquis selon eux au Cndd-FDD, parti du président Nkurunziza.

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Mais dimanche soir, le chef d’état-major de l’armée burundaise a garanti que les militaires resteraient loyaux aux institutions et aux autorités du pays. La Force de défense nationale (FDN) « reste et restera une armée républicaine, loyaliste et respectueuse des lois et règlements du Burundi et de ceux qui la régissent », a affirmé le général Prime Niyongabo.

Il a mis « en garde tout ceux qui voudraient utiliser la FDN à des fins politiciennes qui la conduiraient à agir en dehors de la loi et du professionnalisme » et rappelé que l’armée « reste attachée à la mission confiée par la loi », appelant les soldats à rester « unis ».

– ‘Divergences assez sérieuses’ –

La mise au point du chef d’état-major entérine l’hypothèse d’une division au sein même de l’armée, partagée entre respect des institutions et fidélité à l’accord d’Arusha – qui fonde une armée « non partisane », sur fond de loyautés politiques héritées de la guerre civile (1993-2006) à laquelle cet accord historique avait permis de mettre fin.

Durant la guerre civile, qui hante toujours les esprits au Burundi, le général Niyongabo était membre du Cndd-FDD, qui était alors un groupe rebelle combattant l’armée dominée par les Tutsis, à laquelle appartenait le général Gaciyubwenge.

« Il y a des divergences assez sérieuses au sein de l’appareil sécuritaire » qui « concernent la gestion de la crise dans son ensemble », a expliqué le diplomate, soulignant que des opposants au troisième mandat existaient au sein des forces de sécurité, armée comme police.

La contestation a éclaté le 26 avril, au lendemain de la désignation de M. Nkurunziza par le Cndd-FDD pour être son candidat à la présidentielle. Les opposants à cette candidature estiment qu’un nouveau mandat du président Nkurunziza, élu en 2005 et réélu en 2010, serait inconstitutionnel et contraire à l’accord d’Arusha qui limite leur nombre à deux.

La Cour constitutionnelle doit se prononcer dans les jours à venir sur la validité d’un troisième mandat du président Nkurunziza, mais ceux qui s’y opposent ont d’ores et déjà accusé les juges d’être aux ordres et d’avoir été saisis uniquement pour valider la candidature du chef de l’Etat.

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