Afrique du Sud: dur d’être un immigré africain

Depuis les récentes violences xénophobes, de nombreux Africains en Afrique du Sud vivent une sorte de couvre-feu, évitant de circuler en taxi collectif ou la nuit en attendant un retour à une vie normale, pourtant souvent faite de vexations ou d?agressions.

Afrique du Sud: dur d’être un immigré africain © AFP

Afrique du Sud: dur d’être un immigré africain © AFP

Publié le 21 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

Attaque de magasins, menaces ou harcèlement policier: la vie au pays de Nelson Mandela n’est pas simple pour les immigrés, dont les représentants accusent les autorités de légitimer la xénophobie.

Alice, coiffeuse d’origine ghanéenne de 31 ans, habite un quartier de Johannesburg suffisamment estudiantin pour se sentir à l’abri. Elle partage une chambre en co-location avec des Africains et des Sud-Africains.

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Mais, dit-elle, « parfois les chauffeurs de taxi ne veulent pas parler anglais et ils vous déposent au mauvais endroit. A l’hôpital, je me suis disputée avec une Blanche, c’était mon tour et elle a sauté devant moi en me traitant d’+imbécile de Noire+ ». En venant au pays de Nelson Mandela il y a quatre ans, « je ne m’attendais pas à ça d’eux. Chez nous, on adore les étrangers », assure-t-elle.

Lydia, couturière congolaise de 34 ans, originaire de Lubumbashi où elle a laissé sa fille de 12 ans, habite un faubourg populaire de Johannesburg.

« Depuis que je suis ici, c’est la première fois que j’ai eu peur à cause d’un message qui disait que les Zoulous avaient quitté Durban pour Johannesburg et allaient chasser et tuer les étrangers », raconte la jeune femme qui a préféré se terrer chez des amis dans un quartier calme, en proie à ce qui ressemble à une psychose alimentée par les réseaux sociaux.

« J’habite près d’un magasin tenu par des étrangers qui vendent des habits et tout près d’une station de taxis. Tout le monde avait très peur », dit-elle, préférant ne plus emprunter les minibus taxi. « Avant on était à l’aise et on faisait tout normalement ».

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– Vilipendés au quotidien –

A Durban, la grande métropole de l’est de l’Afrique du Sud où les violences ont débuté avant Pâques, Aimée Bebedi s’impose la même discipline.

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« Dans le taxi, nous éteignons notre téléphone, on ne veut pas s’exprimer dans notre langue et on ne prend pas de taxibus, nous marchons à pied et avant 17h00 ou 18h00, il faut déjà être à la maison », explique cette Congolaise.

« Nous avons des problèmes, nos frères zoulous nous agressent mais même en temps normal si nous allons à l’hôpital nous sommes maltraités. Même si vous vous exprimez en anglais, vous êtes malentendus », poursuit Aimée, qui se « débrouille » comme coiffeuse.

« On nous appelle des +kwere, kwere+ (négros, négros). Si on ne peut pas s’exprimer en zoulou, pour avoir des traitements c’est tout un problème. Si un enfant a la toux, on vous envoie acheter des citrons et on vous dit qu’il faut mélanger avec le miel pour soigner l’enfant. Cela m’est déjà arrivé », dit-elle.

Nigussie Bezuayehu, un Ethiopien de 27 ans, fan de foot, qui tenait un magasin à KwaMashu dans l’agglomération de Durban, ne sait pas s’il va rouvrir sa boutique.

« Même si le gouvernement dit de rouvrir, les gens vont continuer à venir et à nous dire des mots mauvais », dit-il dans un anglais moins assuré que son zoulou, qu’il affirme très bien parler.

Depuis dix jours, il campe avec des dizaines de compatriotes dans un immeuble désaffecté du centre-ville où tout le monde a pu entreposer de la marchandise sauvée des pillages et dont ils supplient les journalistes de ne pas révéler l’adresse.

Sodas, lessive, sucre, farine tout s’entasse à côté de matelas posés à même le sol où chacun se relaie pour dormir. Nigussie enfonce son bonnet sur la tête: « Soit je mets un bonnet, soit je me rase les cheveux, sinon ils vont m’attaquer », dit-il, montrant ses boucles de cheveux lisses qui rendent aisément reconnaissable son physique d’Ethiopien.

En fait, expose Bram Hanekom, directeur de Passop, une ONG d’aide aux réfugiés, « les étrangers sont vilipendés au quotidien, accusés de délinquance et cette diabolisation au long cours a créé un environnement propice à ces attaques insensées ».

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