Egypte: une affaire d’enregistrements clandestins n’ébranle pas Sissi

Depuis des mois, l’opposition islamiste en Egypte diffuse des enregistrements attribués à de hauts gradés de l’armée du temps où Abdel Fattah al-Sissi la commandait, mais si ces « fuites » sont embarrassantes, elles semblent ne pas affecter la popularité du chef de l’Etat.

Egypte: une affaire d’enregistrements clandestins n’ébranle pas Sissi © AFP

Egypte: une affaire d’enregistrements clandestins n’ébranle pas Sissi © AFP

Publié le 6 mars 2015 Lecture : 3 minutes.

Ces « fuites » sont régulièrement distillées par des chaînes installées à l’étranger, notamment en Turquie, et affiliées aux Frères musulmans dont est issu le président Mohamed Morsi -destitué en juillet 2013 par M. Sissi- avec l’objectif de dévoiler à l’opinion certaines pratiques douteuses des autorités.

Le pouvoir conteste l’authenticité de ces enregistrements, accueillis quasiment dans l’indifférence par la majorité de la population qui voit en M. Sissi le « sauveur » capable de restaurer la stabilité du pays et relancer une économie au point mort.

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Il s’agit de l’ultime stratégie des islamistes, principalement la confrérie des Frères musulmans déclarée « terroriste » en Egypte, pour tenter de délégitimer le régime de M. Sissi, élu président en juin 2014 et qui poursuit sa répression des pro-Morsi.

Dans le dernier enregistrement rendu public le 1er mars, une conversation entre un adjoint de M. Sissi et un haut responsable militaire révèlerait ainsi que l’armée aurait reçu des fonds des Emirats arabes unis destinés à financer une campagne de mobilisation pour les manifestations monstres du 30 juin 2013 ayant conduit à la destitution de M. Morsi.

Pour des experts, ces « fuites » pourraient révéler des failles importantes dans les services de sécurité, qui sont d’autant plus inquiétantes vu le rang élevé des responsables concernés.

« Ces fuites sont embarrassantes pour les mesures de sécurité » protégeant les communications « à ce niveau de l’Etat », souligne H. A. Hellyer, de la Brookings Institution, un think-tank basé à Washington.

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Mais, au delà, se posent aussi les questions de savoir « comment ces fuites ont-elles pu se produire? Et qui avait intérêt à les divulguer », selon lui.

– ‘L’argent, comme du riz’ –

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L’enregistrement qui a fait sortir de son mutisme le pouvoir a été diffusé début février. On y entend un homme présenté comme étant M. Sissi et son adjoint s’apprêtant à réclamer de nouveaux financements aux riches monarchies du Golfe, précieux alliés des dirigeants égyptiens à qui ils avaient offert des milliards de dollars après l’éviction de M. Morsi.

« Nous avons besoin de 10 pour le compte bancaire de l’armée (. . ) Nous voulons 10 des Emirats, et 10 du Koweït, » affirme celui qui est présenté comme M. Sissi. « Plus quelques sous pour la Banque centrale », poursuit-t-il avant de lancer: « l’argent chez eux, c’est comme du riz ».

M. Sissi est lui sorti de son silence le 22 février en dénonçant « une guerre d’information » et estimant que grâce à la technologie, n’importe qui « pouvait prendre des propos et en faire ce qu’il voulait ».

« Nos frères dans le Golfe doivent savoir que nous les estimons, respectons et aimons », a-t-il ajouté.

Le roi saoudien Salmane et le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohamed Ben Zayed Al-Nahyane, s’étaient d’ailleurs empressés, après les enregistrements, de rassurer M. Sissi sur la solidité de leurs relations.

– ‘Intérêts stratégiques’ –

Car pour Gamal Abdel Gawad Soltan, professeur de Sciences politiques à l’université américaine du Caire, « les relations et intérêts stratégiques qui unissent l’Egypte et les pays du Golfe sont trop importants pour être affectés par les propos d’un responsable, durant une conversation privée ».

L’Egypte et ses alliés du Golfe, outre leur lutte contre les Frères musulmans, cherchent ensemble à contrer l’influence grandissante de l’Iran et la montée en puissance des jihadistes du groupe Etat islamique, explique-t-il.

En Egypte, où les médias et une grande partie de la population applaudissent la répression des pro-Morsi, les enregistrements sont passés quasi-inaperçus.

Dans l’un de ces enregistrements diffusés en décembre, des hommes présentés comme de hauts gradés discutent de la falsification de documents officiels pour « légaliser » la détention de M. Morsi, dont l’emprisonnement, à l’époque, dans une base militaire était en violation de la loi.

« L’opinion publique en Egypte soutient dans sa grande majorité M. Sissi. Elle est donc disposée à minimiser l’importance de certaines questions ou tolérer certains abus », commente M. Abdel Gawad Soltan.

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