Morts d’Ebola ou d’autres maladies, au Liberia, « on les brûle tous »

A 15 kilomètres de Monrovia, la camionnette chargée de cadavres s’arrête devant une enceinte aux hauts murs noirâtres, en pleine campagne. Depuis quelques semaines, à cause d’Ebola, les morts de la capitale libérienne sont amenés ici, au crématorium.

Morts d’Ebola ou d’autres maladies, au Liberia, « on les brûle tous » © AFP

Morts d’Ebola ou d’autres maladies, au Liberia, « on les brûle tous » © AFP

Publié le 1 octobre 2014 Lecture : 3 minutes.

Sous un toit de tôle posé sur des poteaux de béton, un tas de cendres de deux mètres de haut, dont émergent ce qui ressemble à des os, fume encore.

Une double porte métallique est ouverte par un jeune homme qui porte un masque de papier sur le visage et le véhicule entre dans une grande cour, contournant un empilement de bois servant de combustible.

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Qu’ils soient morts de cette fièvre hémorragique ou d’une autre maladie, « on les brûle tous, ce sont les instructions du ministère de la Santé », explique Victor Lacken, porte-parole de la Croix-Rouge, qui est chargée du ramassage dans la capitale.

C’est au moment du décès qu’un corps devient le plus contagieux, explique Laurence Sailly, coordinatrice d’urgence pour Médecins sans frontières (MSF), en pointe dans la lutte. « Le corps devient alors un milieu magnifique pour le virus Ebola pour continuer à se répliquer, car le système immunitaire ne fonctionne plus ».

« On ne sait pas combien de temps les corps restent contagieux. C’est pour cela qu’il faut les brûler le plus vite possible, ou les enterrer à plus de deux mètres de profondeur. Ici, décision a été prise de les brûler car la nappe phréatique est très haute. En juillet, certains avaient été enterrés dans des zones marécageuses et ils sont remontés. . . « , ajoute-t-elle.

Pourtant, même si l’épidémie flambe, surtout au Liberia, qui concentre plus de la moitié des quelque 3. 000 morts en Afrique de l’Ouest, même si les ONG comme l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) prédisent des milliers, voire des dizaines de milliers de morts supplémentaires dans les prochains mois, « la crémation reste culturellement mal acceptée », remarque Laurence Sailly.

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« C’est dur d’expliquer aux gens qu’ils ne doivent pas soigner leurs proches et les enterrer de manière traditionnelle », a reconnu mardi le ministre libérien de l’Industrie et du Commerce Axel Addy, qualifiant ces pratiques d’ »autoroute pour la propagation ».

Ce qui complique grandement le travail des collecteurs de corps.

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– Salaire de la peur –

« Il y a beaucoup de protestations, de résistance des familles », raconte Alex Wiah, chef d’une équipe, en revêtant une combinaison étanche avant d’aller chercher un corps dans le quartier de Mamba Point, au centre de Monrovia.

« Parfois, les gens sont agressifs. Ils ont peur et ne font pas confiance au gouvernement », renchérit Johnson Chea, un travailleur social de l’ »unité spéciale Ebola » (« Ebola task force ») du quartier.

« Alors on leur parle, pour les calmer. Les gens commencent à comprendre que c’est nécessaire de ramasser les corps », ajoute Alex Wiah.

L’homme de 32 ans ne semble pas traumatisé par son nouveau métier: « Avant l’épidémie, j’étais embaumeur » dans les pompes funèbres, rigole-t-il.

Pour ses collègues moins endurcis, le salaire facilite l’acceptation de l’horreur quotidienne et des risques: 1. 000 dollars américains (788 euros) par mois, une fortune au Liberia.

La saison des pluies entrave considérablement leur tâche. « C’est beaucoup plus dangereux quand il pleut. Le virus (qui se transmet par les liquides mais pas par voie aérienne, NDLR) se répand grâce à l’eau », explique Alex Wiah.

L’équipe attend donc la fin d’une averse torrentielle. Une heure passe, le ciel se dégage. Les ramasseurs, revêtus de leurs combinaisons blanches, peuvent approcher.

Dans une petite maison de parpaings peinte en bleu repose Theresa Jakobs, 24 ans. Elle a rendu l’âme la veille. Les ramasseurs aspergent de désinfectant l’intérieur du bâtiment et le corps, qu’ils emballent dans un sac mortuaire et posent sur une civière, puis ressortent.

Ils déposent le sac à l’arrière d’une petite camionnette, ensuite commence la fastidieuse opération du déshabillage. Le maniement des combinaisons de protection exige une procédure précise pour éviter une contamination accidentelle: un quart d’heure pour les mettre, autant pour les enlever.

Ces précautions semblent ici superflues: « Elle est morte d’un cancer du foie. Elle était malade depuis des années », confie Johnson Chea.

Pour ce seul corps, l’ensemble de l’opération aura duré presque deux heures. Le convoi des ramasseurs s’ébranle vers un nouveau site, pour continuer sa sinistre tâche sans fin.

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