En Ouganda, les autorités épinglées face aux nombreux décès en couches

En octobre 2010, Jennifer Anguko mourait en couches dans un hôpital public de Kampala, se vidant de son sang. Elle « m’a dit qu’elle partait et que (. . . ) personne ne l’avait aidée », se souvient son veuf, Valente Inziku.

En Ouganda, les autorités épinglées face aux nombreux décès en couches © AFP

En Ouganda, les autorités épinglées face aux nombreux décès en couches © AFP

Publié le 19 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Près de quatre ans plus tard, il attend toujours que le gouvernement ougandais prenne la question de la santé maternelle au sérieux.

Il est l’un des quatre citoyens à poursuivre en justice l’Etat ougandais depuis 2011, lui reprochant la pénurie de sages-femmes et de médecins dans le pays, le manque chronique de médicaments de base et de services de soins obstétriques d’urgence.

la suite après cette publicité

En Ouganda, 16 femmes meurent tous les jours en couches. Selon un rapport publié en août par le ministère de la Santé, le taux de mortalité maternelle dans le pays est de 438 pour 100. 000 naissances, l’un des plus élevés au monde. Pour comparaison, le taux n’est que de 9 en moyenne dans les pays développés, selon l’OMS.

Selon des documents judiciaires, la mort d’Anguko a été provoquée par une absence d’ »équipements de soins maternels de base », et d’un manque d’attention de la part du personnel sanitaire. Dans sa plainte, son veuf estime que les « droits à la vie et à la santé (d’Anguko), garantis par la Constitution, n’ont pas été respectés ».

Sylvia Nalubowa était elle aussi enceinte quand elle s’est vidée de son sang en août 2009 dans un hôpital public du département de Mityana, à quelque 80 km de Kampala. Cette mère de sept enfants serait décédée parce que le personnel médical, corrompu, aurait délibérément refusé de la soigner, selon ses proches.

Sa belle-mère, Rhoda Kukiriza, est restée à ses côtés jusqu’au bout. C’est elle qui affirme que l’équipe soignante a abandonné la jeune femme sur son lit quand elle a refusé de leur verser un pot-de-vin. Elle est l’un des quatre plaignants.

la suite après cette publicité

Le ministère de la Santé a mené sa propre enquête et a reconnu qu’Anguko et Nalubowa étaient arrivées à temps à l’hôpital et qu’elles auraient pu être sauvées. Mais en juin 2012, la Cour constitutionnelle ougandaise a rejeté la plainte, estimant que la question était politique et non juridique.

Les plaignants ont fait appel devant la Cour suprême. Les débats ont été clos la semaine dernière sans que soit précisée la date prévue du verdict. Les plaignants accusent la justice ougandaise de se « désintéresser » du dossier.

la suite après cette publicité

– Enjeu électoral? –

Nakibuuka Noor Musisi, troisième plaignant, par ailleurs responsable de projet au Centre pour la Santé, les Droits de l’Homme et le Développement, une ONG ougandaise, reproche aussi au gouvernement son manque d »‘engagement politique ».

« La semaine où nous avons déposé plainte, en mars 2011, le gouvernement achetait des avions de combat », a-t-elle expliqué. « Pour protéger qui, quand des femmes meurent? »

Mais le président Yoweri Museveni, qui briguera un nouveau mandat en 2016, après déjà 30 ans au pouvoir, pourrait avoir intérêt à commencer à prendre le sujet au sérieux: selon un sondage publié récemment par des chercheurs de l’université américaine de Columbia et la Coalition ougandaise contre la mortalité maternelle, un quart des électeurs de ce pays d’Afrique de l’Est en font une priorité.

« La raison pour laquelle nous portons ces affaires devant la justice est que le gouvernement a la responsabilité de fournir des soins à sa population », explique Valente Inziku.

Godfrey Wamala, un autre veuf, raconte que sa femme, Remie, avait eu une grossesse sans problème avant, elle aussi, de se vider de son sang dans un hôpital de Kampala en 2013. Leur bébé a survécu, mais souffre de paralysie cérébrale.

« Une grossesse n’est pas une maladie, mais en Afrique, on la traite comme telle », déplore-t-il, dénonçant des systèmes de santé défaillants.

Sa femme était coordinatrice du Forum parlementaire pour les enfants et avait elle-même fait campagne sans relâche pour les droits à la santé maternelle et infantile. Peu avant sa mort, le Parlement ougandais s’était engagé à former un comité pour s’occuper du sujet. Mais rien n’a jamais abouti.

Godfrey Wamala met désormais en place une organisation, au nom de sa femme, pour poursuivre son travail.

« Je ne suis pas un homme politique, mais je me bats pour la vie des gens », dit-il. « Remie est morte dans la douleur, beaucoup de douleurs, je ne veux pas que d’autres meurent dans ces conditions ».

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires