Kenya: un an après l’attaque du Westgate, les Somali toujours stigmatisés

Entre arrestations de masse et extorsions, les Somali se disent toujours victimes au Kenya de harcèlement et d’intimidation, un an après l’attaque du centre commercial Westgate de Nairobi par un commando islamiste lié aux insurgés somaliens shebab.

Kenya: un an après l’attaque du Westgate, les Somali toujours stigmatisés © AFP

Kenya: un an après l’attaque du Westgate, les Somali toujours stigmatisés © AFP

Publié le 19 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

La population somali au Kenya regroupe à la fois les Kényans d’ethnie somali et les Somaliens, pour la plupart réfugiés depuis que leur pays, frontalier du Kenya, a sombré dans le chaos en 1991.

« La population somali au Kenya a fermement condamné l’attaque du Westgate, mais elle a été collectivement punie », explique Aden Ahmed, réfugié somalien vivant à Eastleigh, vaste quartier majoritairement somali de Nairobi, surnommé « Little Mogadiscio », en référence à la capitale somalienne.

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Le nombre de réfugiés somaliens au Kenya est estimé à 450. 000, pour la grande majorité entassés dans l’immense complexe de camps de Dadaab, près de la frontière somalienne (nord-est). La plupart ont fui les sécheresses et la guerre civile qui rongent le pays depuis plus de deux décennies. Le nord-est du Kenya est majoritairement peuplé de Kényans somali, souvent des commerçants qui jouent un rôle clé dans l’économie nationale.

Les quatre membres du commando qui ont pris d’assaut le centre commercial à Nairobi il y a un an, eux-mêmes identifiés par les enquêteurs comme somali, avaient passé du temps à Eastleigh avant l’attaque, s’y entraînant dans un club de gym.

Le 21 septembre 2013, ils ont traversé Nairobi jusqu’au Westgate, un bâtiment bondé le week-end de familles de la classe moyenne kényane et d’expatriés, où ils ont lancé des grenades et froidement abattu hommes, femmes et enfants avant de tenir tête quatre jours aux forces de l’ordre kényanes. Au total, 67 personnes sont mortes.

« Nous souffrions des shebab chez nous en Somalie, mais au Kenya, les forces de sécurité, dans la façon dont elles nous traitent, se sont transformées en un autre +shebab+ », poursuit Aden Ahmed.

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– Solidarité –

Pendant les quatre jours qu’a duré l’attaque, des hommes d’affaires d’Eastleigh ont apporté eau et nourriture aux soldats qui combattaient le commando et aux équipes médicales déployées autour du bâtiment.

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Des Kényans somali ont aussi risqué leur vie pour secourir des gens pris au piège dans le centre commercial.

Cela n’a pas empêché les autorités kényanes de rafler en avril dernier des milliers de Somali – Kényans et Somaliens – à Eastleigh, officiellement pour débarrasser le quartier des sympathisants shebab, après de nouvelles attaques contre des bus attribuées aux islamistes somaliens.

Par milliers, ils ont été entassés à l’arrière de camions de l’armée et de la police et transportés dans un stade de la périphérie de Nairobi, où ils ont été détenus et interrogés. Aucune inculpation pour terrorisme n’a été prononcée à l’issue de ces gardes à vue.

Sur la côte kényane, la communauté musulmane s’est dit elle aussi victime de représailles policières après des attaques attribuées aux shebab, notamment dans la deuxième ville du pays, Mombasa.

« La police comprend très bien que la plupart d’entre nous n’ont rien à voir avec les shebab, mais nous sommes des vaches à lait, comme des distributeurs automatiques d’argent », explique un homme d’affaires d’Eastleigh, Idris Cheikh Abdurahman. « Une fois que vous êtes arrêtés, la seule façon de vous en sortir, c’est de payer, votre innocence ne vaut rien ».

Les Kényans somali vivent avec la peur d’être harcelés ou arrêtés par la police. Les réfugiés somaliens craignent aussi d’être renvoyés dans les tentaculaires camps du nord-est du pays: les autorités kényanes les ont sommés de rejoindre ces camps, certains responsables appelant même à leur retour dans leur pays, suscitant l’indignation des défenseurs des droits de l’Homme et du HCR.

« Ces initiatives ouvrent la voie à davantage d’abus, d’extorsion, de harcèlement des réfugiés par la police kényane », a estimé l’ONG américaine Refugees international au début du mois, soulignant que les conditions ne sont pas remplies pour leur retour en Somalie.

Selon l’ONU, la population manque cruellement de nourriture dans de vastes portions de territoire somalien où, trois ans après une famine qui a fait plus de 250. 000 morts, sévit de nouveau une forte sécheresse.

« L’attaque du Westgate a été menée par les shebab, mais tous les Somali ont été punis – arrêtés, maltraités et illégalement déportés », résume Asha Jaji Mumin, une mère de six enfants vivant à Eastleigh. « Certains ont disparu après avoir été arrêtés ».

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