Soudan du Sud: l’avenir du pays menacé après l’interdiction faite aux étrangers de travailler

Après l’interdiction faite par le Soudan du Sud aux entreprises privées et aux ONG d’employer des étrangers, prédominent la consternation et l’inquiétude de voir le pays, ravagé par neuf mois de guerre civile, complètement s’effondrer.

Soudan du Sud: l’avenir du pays menacé après l’interdiction faite aux étrangers de travailler © AFP

Soudan du Sud: l’avenir du pays menacé après l’interdiction faite aux étrangers de travailler © AFP

Publié le 17 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Mardi, dans une circulaire publiée dans la presse locale, le gouvernement du Soudan du Sud, plus jeune pays du monde et aujourd’hui au bord de la famine, a sommé entreprises et ONG de remplacer, sous un mois, tous leurs employés étrangers – à des postes de responsabilité ou non – par des Sud-Soudanais.

Censée « protéger les droits et intérêts » des Sud-Soudanais, cette décision abrupte est potentiellement désastreuse pour la population, dont une importante partie dépend de l’aide humanitaire pour se nourrir: selon les Nations unies, 1,8 million de personnes ont été chassées de chez elles depuis le début du conflit mi-décembre, sur quelque 11 millions d’habitants.

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Pour l’ONG britannique Oxfam, qui fournit eau potable et nourriture aux plus démunis dans le pays, cette directive aura des effets dévastateurs.

« Elle va massivement perturber les programmes d’aide à travers le pays, qui permettent de nourrir plus d’un million de personnes », estime Tariq Riebl, chef de mission de l’ONG au Soudan du Sud.

« Le Soudan du Sud est sur le fil du rasoir et pourrait facilement basculer dans la famine en 2015 », ajoute-t-il. « Nous avons besoin d’étendre nos programmes d’aide au Soudan du Sud, pas de les restreindre ».

Médecins sans frontières (MSF) dit de son côté avoir pendant des mois tenté de recruter des Sud-Soudanais, mais n’avoir pas réussi à pourvoir des « postes chroniquement vacants ».

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Pour le secteur privé aussi, l’annonce a fait l’effet d’une bombe.

Des dizaines de milliers de travailleurs qualifiés venant d’Ethiopie, du Kenya, du Soudan et d’Ouganda sont employés dans le pays. Ils font notamment fonctionner les télécommunications, les banques, l’extraction pétrolière ou encore l’hôtellerie.

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Car le Soudan du Sud, né sur les ruines du plus long conflit d’Afrique, souffre d’une pénurie de travailleurs qualifiés. Seul environ un quart de sa population sait lire et écrire.

– Triste exemple d’Idi Amin Dada –

Pour Mwangi Kimenyi, directeur de l’Initiative pour la croissance de l’Afrique à l’Institut de recherche américain Brookings, la décision sud-soudanaise rappelle Idi Amin Dada, l’ex-dictateur ougandais et tyran sanguinaire.

« Une telle mesure nous rappelle l’action d’Idi Amin, qui, en début de règne, a expulsé les étrangers et même saisi leurs investissements », dit-il. « Les conséquences de ces actions – l’effondrement du secteur privé ougandais – sont notoires ».

La décision sud-soudanaise est « stupide » et n’a « aucun fondement », poursuit-il, perplexe de voir Juba décider d’une mesure qui ne fera « qu’accélérer la spirale à la baisse de la croissance économique et du développement humain ».

Jok Madut Jok, un ancien haut responsable gouvernemental, juge le décret « embarrassant ».

« Personne ne peut se réveiller un matin, aller au bureau et d’un trait de plume publier un ordre, sans discussion, sans changer les lois sur le travail, sans débat sur l’immigration, rien », estime-t-il.

« Faudrait-il, par exemple, expulser les enseignants kényans et ougandais, alors que, localement, nous n’avons pas de professeurs ? », lance-t-il, conseillant au gouvernement de « réfléchir avant d’agir ».

Le gouvernement sud-soudanais pourrait cependant être déjà lui-même embarrassé par la publication de cette directive et tenter de rétropédaler.

Cité dans l’un des principaux quotidiens kényans, The Nation, le porte-parole du ministère sud-soudanais des Affaires étrangères, Mawien Makol Ariik, a affirmé qu’il n’y aurait pas d’expulsions.

« Nous demandons aux organisations de penser aux postes pour lesquels les Sud-Soudanais sont qualifiés », a-t-il dit, plus nuancé.

Le Soudan du Sud a plongé le 15 décembre dernier dans un sanglant conflit opposant les troupes loyales au président Salva Kiir et les rebelles dirigés par son ancien vice-président Riek Machar, sur fond de vieiles rancoeurs ethniques.

Les combats, accompagnés de massacres ethniques, ont débuté dans la capitale Juba mais se sont rapidement étendus à une grande partie du pays.

Le Soudan du Sud a accédé à l’indépendance en juillet 2011 après des décennies de guerre contre Khartoum qui l’ont privé d’infrastructures, de services éducatif et de santé et ont poussé à l’exil de nombreux habitants.

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