Ebola: les singes de compagnie indésirables en Côte d’Ivoire

Les cages peintes en vert sont remplies d’animaux mais interdites aux visiteurs : depuis des semaines, l’espace de quarantaine du zoo d?Abidjan affiche complet, de nombreux particuliers abandonnant leurs singes de crainte d’attraper le virus d’Ebola, pourtant absent de Côte d’Ivoire.

Ebola: les singes de compagnie indésirables en Côte d’Ivoire © AFP

Ebola: les singes de compagnie indésirables en Côte d’Ivoire © AFP

Publié le 16 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Ils sont cinq à gesticuler dans un brouhaha joyeux. Aucun n’a le virus, affirme l’encadrement. Mais l’isolement est d’usage pour éviter toute contamination infra-animale.

Julie, chimpanzé de 2 ans, gambade, pataude, en quête de caresses. Charlotte, babouin roux, bondit frénétiquement. Loulou, pétauriste gris au ventre et nez blancs, demeure assise, stoïque sur un bâton. Deux autres mâles, à qui on n’a pour l’instant pas donné de nom, sautillent inlassablement.

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Le plus jeune, un petit singe rouge, qui doit mesurer une trentaine de centimètres, est arrivé début septembre au zoo. Son cas est emblématique de la psychose provoquée par Ebola en Côte d’Ivoire, un virus qui a fait chez les voisins libérien et guinéen près de 1. 800 morts.

Daouda Soro, le vétérinaire du zoo, se souvient de s’être rendu en hâte à l’hôpital militaire d’Abidjan, où « un animal semait la panique », pour trouver sur place « un tout petit (singe) qui avait sommeil, qui grelottait de faim ». « C’était surtout Ebola qui créait la panique », estime-t-il.

Charlotte, elle, a été abandonnée en pleine rue par son propriétaire. Averti par des passants, le Dr Soro s’est rapidement rendu sur place, retrouvant le babouin acculé par des habitants « affolés », munis de « pierres et de bâtons », qui « voulaient le tuer », raconte-il.

Trois semaines plus tard, la femelle de trois ans se porte mieux. A nouveau en confiance, elle s’essaie à épouiller le dos de Charles Aby Yapi, un soigneur.

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Les nouveaux arrivants « ne sont pas agressifs », sourit M. Yapi, seul employé habilité à s’occuper des animaux en quarantaine. Lorsqu’il entre ou sort des cages, le soigneur, muni de gants, désinfecte systématiquement ses bottes dans une sorte de pédiluve.

Car même s’ils n’ont pas Ebola, les pensionnaires arrivés en août pourraient avoir d’autres maladies et contaminer les occupants arrivés avant eux, et vice-versa.

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– Propriétaires harcelés –

« Dès que nous pourrons, ils seront placés dans le zoo » avec leurs congénères, affirme Richard Champion, adjoint au directeur des lieux, soulignant que « la durée de la quarantaine dépend de l’espèce ».

Des cris stridents se font subitement entendre. Julie appelle à l’aide. Ce chimpanzé frileux s’inquiète de voir disparaître M. Yapi, qui l’a déplacée dans une cage plus confortable, pour qu’elle y passe la nuit lovée dans une couverture.

Julie, que son propriétaire a tristement apporté au zoo parce que ses voisins, effrayés par le virus, le harcelaient inlassablement à ce sujet.

« Nous avons déjà dû refuser une dizaine d’animaux », observe le Dr Soro. Car la place manque et le dispositif est strict. Des conseils sont donnés aux propriétaires pour qu’ils continuent à s’occuper de leurs singes, jusqu’à ce que la quarantaine se vide et que des places se libèrent.

Le système pourrait toutefois atteindre ses limites si Ebola venait à être diagnostiqué en Côte d’Ivoire. « Cela va certainement créer la panique. Donc les gens vont abandonner leurs animaux », imagine Samouka Kané, le directeur du zoo.

Le nombre de pensionnaires potentiels pour sa structure s’annonce astronomique, tant l’habitude est tenace de vouloir faire d’un animal sauvage un animal de compagnie. La plupart des pensionnaires du zoo, à l’exception de l’éléphant, mais en comptant le léopard, ont ainsi été donnés par des particuliers, incapables de gérer leurs animaux devenus grands, note Richard Champion.

Les visiteurs en profitent, même si la fréquentation du zoo diminue – la crainte que tout animal sauvage ne véhicule l’épidémie étant vive.

M. Kané se souvient d’une femme paniquée, entrée dans le zoo « sur la pointe des pieds », qui lui avait confié « regarder partout » si elle ne voyait pas le virus. « Je lui ai raconté qu’Ebola ne se cache pas dans les arbustes », raconte-t-il dans un éclat de rire. « Ni dans les yeux d’un animal. « 

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