Centrafrique: ravagée depuis un an par des violences, Bangui va mieux

La peur est encore forte et les nuits sont toujours déchirées par des tirs d’armes à feu, mais Bangui, ravagée depuis plus d’un an par de terribles affrontements, exactions, traques et pillages va mieux. Un peu mieux.

Centrafrique: ravagée depuis un an par des violences, Bangui va mieux © AFP

Centrafrique: ravagée depuis un an par des violences, Bangui va mieux © AFP

Publié le 31 juillet 2014 Lecture : 3 minutes.

Signe révélateur de cette très lente amélioration, la réouverture d’une agence bancaire au PK-5, grand centre commercial et seule enclave musulmane restante dans la capitale centrafricaine après l’incessante traque des musulmans, assimilés à l’ex-rébellion Séléka par les milices à dominante chrétienne anti-balaka, dans la plupart des quartiers.

« Face à la demande croissante des habitants du PK-5 qui réclamaient la réouverture de l’agence pour effectuer les transactions, nous avons consulté l’Eufor et Sangaris qui ont estimé que l’agence pouvait reprendre ses activités. Pour le moment, seuls les versements sont autorisés, les clients peuvent faire des retraits avec leur carte bancaire », explique à l’AFP Didace Sabone, chargé du marketing et de la communication d’Ecobank.

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Depuis la mi-juin, les soldats de la force européenne (Eufor), venus appuyer dans Bangui les forces française Sangaris et africaine Misca, sont déployés dans le 3ème arrondissement où se trouve le PK-5 et le 5ème, deux quartiers où des violences intercommunautaires ponctuelles provoquent encore des victimes civiles.

« Nous avons fêté l’Aïd sans problème. Malheureusement, les femmes et les enfants ne sont pas là », témoigne Abou Ataïrou, commerçant au PK-5. La plupart des musulmans encore présents ont en effet envoyé femmes et enfants à l’étranger pour leur éviter d’être tués comme tant d’autres par les anti-balaka. Beaucoup d’entre eux se retrouvent, après un exode chaotique, dans des camps de réfugiés dans les pays voisins.

Ici, les principaux marchés de produits frais ont rouvert, comme les kiosques, les échoppes, les quincailleries et même les boulangeries.

« Je prend mes baguettes de pain chaque après-midi à la boulangerie du PK-5. Elles sont bien faites et les enfants adorent ça pour le petit déjeuner », explique Agnès Yatènè, qui, bien qu’habitant le 2ème arrondissement, vient s’approvisionner au PK5.

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– « J’ai encore peur » –

Mais Isabelle Yazoniko, auparavant vendeuse de légumes au PK-5, n’ose pas y retourner et s’est installée sur un marché du 2ème arrondissement depuis l’éclatement des grandes violences en décembre dernier.

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« J’ai encore peur. Ces gens là, il faut se méfier d’eux: anti-balaka, ex-séléka et musulmans, ils sont les mêmes. Ils provoquent des tensions qui dégénèrent en violences et nous payons les pots cassés. Je vais rester ici au marché Simbanza dans le 2ème arrondissement jusqu’à ce que tout redevienne normal », assure-t-elle.

Une peur partagée par l’enseignant Daniel Yémbi, réfugié au quartier de Bimbo, dans le sud de Bangui: « Plus question de repartir au PK-5. Je n’arrive pas à me débarrasser de la peur. Je me sens bien ici à Bimbo. J’y suis et j’y reste pour de bon ».

Les grands axes reliant les différents quartiers sont particulièrement sensibles, parsemés de check-point formés de sacs de sable et de herses, progressivement tenus par des policiers et gendarmes centrafricains qui fouillent les véhicules de plus en plus nombreux à circuler.

La longue et dangereuse avenue Koudoukou qui traverse le PK-5, longtemps restée déserte en raison des combats et des pillages, « recommence à être desservie par les taxis et motos taxis. Mais il faut rester prudent », relève l’un d’eux, Arthur Babango.

Autre signe de normalisation, l’exigence faite aux motards de porter des casques. Et le réveil d’un front social avec la reprise de quelques grèves comme à l’Université de Bangui, où un mouvement des enseignants du supérieur paralyse les cours depuis plus d’un mois pour des revendications salariales envers un Etat failli aux caisses vides, qui survit de l’aide internationale.

Plusieurs éléments concourent à cette lente amélioration : la mort ou la fuite de la plupart des musulmans de la ville, objets des attaques par les anti-balaka, le contrôle progressif du terrain par Sangaris, la Misca et l’Eufor, ainsi que l’engagement des anti-balaka et de la Séléka à cesser les hostilités pris au récent Forum de Brazzaville.

Mais, si dans les quartiers anciennement mixtes du sud, la vie a retrouvé un brin de normalité avec des poignées de musulmans toujours présents, protégés par des amis ou parents chrétiens, la tombée de la nuit interrompt toujours la circulation dans le centre-ville.

« Les gens n’osent pas sortir le soir au centre ville. Tout est fermé à partir de 18 heures, à part quelques pâtisseries, pharmacies. Seuls les véhicules des Nations unies et des humanitaires sont visibles. Les taxis et motos taxis s’arrêtent, faute de clients », constate Henri Ngaté, un jeune qui se déclare « désoeuvré ».

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