Ebola: face à la menace d’une épidémie, les Nigérians en appellent à une aide internationale
Dans le quartier animé d’Obalende, à Lagos, où un Libérien est décédé récemment du virus Ebola, les passants, peu confiants en leurs dirigeants, comptent sur une aide internationale pour empêcher la propagation du virus tueur dans la ville la plus peuplée d’Afrique.
« C’est vraiment la pagaille au Nigeria », estime John Ejiofor, un ingénieur de 40 ans. « Nous n’avons pas la capacité de faire face à une telle situation ».
Patrick Sawyer, un employé du gouvernement libérien, âgé de 40 ans, est mort vendredi à Lagos du virus Ebola, devenant le premier cas répertorié au Nigeria de cette fièvre mortelle qui a déjà fait plus de 670 morts au Liberia, en Guinée et au Sierra Leone en quelques mois.
M. Sawyer, qui a sans doute été contaminé par sa soeur, décédée de l’Ebola récemment, était au Nigeria pour assister à une conférence régionale.
Il est décédé en quarantaine à la clinique privée First Consultants d’Obalende, laissant craindre un début d’épidémie à Lagos, qui compte plus de 20 millions d’habitants.
« S’il y a une épidémie d’Ebola au Nigeria aujourd’hui, nos autorités sanitaires vont être débordées (. . . ) le gouvernement doit collaborer avec l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) » pour prévenir une propagation du virus, estime M. Ejiofor.
Elizabeth Akinlabi, une institutrice de 30 ans, est du même avis. Quatre jours après le premier décès d’Ebola au Nigeria, « un grand nombre de gens ignorent toujours l’existence de la maladie, sans parler des mesures de prévention », encore inexistantes d’après elle.
– Des hôpitaux publics « pas préparés » –
Le Nigeria, premier producteur de pétrole d’Afrique, avec deux millions de barils par jour, n’est pas un pays qui s’appuie généralement sur l’aide extérieure.
Mais les habitants de Lagos, la capitale économique, et ceux du reste du pays, savent qu’ils ne peuvent pas compter sur leur système de santé, en piteux état, pour faire face à une potentielle épidémie Ebola, dont le taux de mortalité atteint parfois 90%.
La plupart des hôpitaux publics nigérians sont mal équipés et en sous-effectif. Certains n’ont même pas de générateur électrique, dans un pays où les coupures de courant durent plusieurs heures par jour.
Une grève nationale des médecins du secteur public, depuis le 1er juillet, vient encore compliquer la situation.
Les responsables de l’Association des médecins nigérians (NMA), à l’initiative du mouvement social, ont été convoqués en urgence samedi à Abuja mais ont finalement reconduit leur grève, malgré la menace de l’Ebola.
A Lagos, très souvent, les habitants préfèrent avoir recours aux cliniques privées –des établissements hors de prix avec des médecins formés à l’étranger, pour les plus fortunés, aux petites cliniques à l’hygiène approximative et au personnel peu ou pas qualifié pour les autres.
Yewande Adeshina, la conseillère spéciale du gouverneur de Lagos pour la Santé, avoue elle-même être soulagée que le Libérien atteint d’Ebola ait fait le choix de la clinique privée First-Consultant et non celui d’un hôpital public.
« Je remercie Dieu qu’il ait été à cet hôpital » a-t-elle déclaré mercredi sur la chaîne privée nigériane Channels, « parce que je ne suis pas sûre que beaucoup de nos hôpitaux soient vraiment préparés ».
– Messages contradictoires des autorités –
Les autorités nigérianes, qui ont tenté d’éviter un mouvement de panique, dans le pays de 170 millions d’habitants, lors de l’annonce de la mort de M. Sawyer, ont au contraire semé la confusion, en relayant des messages contradictoires.
Le ministre de la Santé Onyebuchi Chukwu a d’abord affirmé que le ressortissant libérien était arrivé au Nigeria le 22 juillet, alors que les autorités de l’Etat de Lagos insistaient sur la date du 20 juillet –date finalement retenue aussi par le ministre.
M. Chukwu a aussi assuré que tous les passagers du vol ASKY entre Lomé et Lagos, emprunté par M. Sawyer, avaient été contactés et étaient suivis de près, mais Abdullahi Nasidi, du centre nigérian de contrôle des maladies, a ensuite déclaré que seuls quelques passagers avaient été retrouvés pour l’instant.
Pour Francis Atufe, un banquier de 36 ans, père de deux enfants, les messages contradictoires publiés par les autorités sont « préoccupants ».
Comme beaucoup d’habitants d’Obalende, il espère que des experts étrangers vont être déployés à Lagos en grand nombre, et « demande à l’OMS de venir ».
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