Des vignes françaises en Ethiopie pour changer l’image du pays

Merlot, Syrah, Cabernet, Chardonnay. . . Dans le sud de l’Ethiopie, pays trop souvent associé à la sécheresse et la famine dans la mémoire collective, s’étendent au bout d’une route défoncée 160 hectares de vigne.

Des vignes françaises en Ethiopie pour changer l’image du pays © AFP

Des vignes françaises en Ethiopie pour changer l’image du pays © AFP

Publié le 23 juillet 2014 Lecture : 3 minutes.

Ce vignoble inattendu est perché à 1. 600 m d’altitude. Le groupe français Castel en a tiré cette année sa première cuvée.

N°3 mondial du vin, propriétaire de vignobles en France mais aussi au Maroc et en Tunisie, il s’est lancé en 2007 dans l’aventure vinicole en Ethiopie, où le groupe – également n°2 de la bière et des boissons gazeuses en Afrique – brasse depuis 1998 la bière locale St-Georges.

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C’est l’homme fort de l’époque, le Premier ministre Meles Zenawi, décédé en 2012, qui demande au groupe français de se lancer dans la production d’un vin éthiopien de qualité destiné à l’exportation.

Soucieux d’attirer les investissements étrangers dans le cadre d’un plan d’industrialisation massif destiné à faire de l’Ethiopie un pays à revenu intermédiaire d’ici 2025, Zenawi pense que le vin est susceptible d’améliorer l’image de son pays.

‘Made in Ethiopie’ –

« Les gens qui vivent hors d’Ethiopie ont en mémoire la sécheresse en Ethiopie il y a une dizaine d’années », explique le ministre de l’Industrie Ahmed Abtew. « Mais quand ils voient un vin +made in Ethiopie+, oh!, leur état d’esprit change immédiatement », sourit-il.

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Le pays souffre toujours d’une bureaucratie pesante, d’infrastructures limitées et offre peu de protection aux investisseurs, selon la Banque mondiale.

La tradition vinicole en Ethiopie remonte à la première moitié du XXe siècle, sous le règne de l’empereur Haile Selassie, qui régna de 1930 à 1974 (à l’exception d’un exil de 1936 à 1941 lors de l’invasion italienne).

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Mais les vignobles éthiopiens furent nationalisés par le régime militaire du Derg (1974-1991) et intégrés dans un monopole d’Etat, Awash Wine, qui produit des vins adaptés au goût local pour les breuvages sucrés et sirupeux, pour le moins éloignés des normes ?nologiques mondiales.

En 2007, Castel investit donc 20 millions d’euros dans le premier vignoble à capitaux étrangers en Ethiopie et plante à Ziway, à 160 km au sud d’Addis Abeba, des cépages importés de France.

Ici les vignes profitent de conditions propices, d’un sol sablonneux et d’une saison des pluies courte, mais aussi d’une main d’œuvre abondante et bon marché.

– ‘Pas trop chaud’ –

« Il n’est pas difficile de faire du vin parce que le climat est bon, il ne fait pas trop chaud », explique l??nologue Olivier Spillebout, responsable du vignoble Castel dans la localité de Ziway.

Le site comprend également une unité de vinification, avec cuves modernes en inox et barriques en bois.

Castel produit deux marques: une haut-de-gamme, Rift Valley, monocépage rouge (Merlot, Syrah ou Cabernet-Sauvignon) ou blanc (Chardonnay), et un vin d’assemblage dénommé Acacia.

Le millésime 2014 du vignoble – 1,2 million de bouteilles – est destiné pour moitié à l’exportation, visant surtout la diaspora éthiopienne d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Afrique de l’Est, et pour l’autre au marché intérieur et à une classe moyenne en plein essor, avide de vins de qualité à des prix abordables.

Les vins Acacia et Rift Valley, vendus entre 5 et 7 euros la bouteille, sont meilleur marché que les vins de qualité comparable – voire inférieure – importés d’Afrique du Sud ou d’Italie.

Près du quart de la première cuvée cette année a déjà trouvé preneur depuis avril. Dont, à l’étranger, 24. 000 bouteilles achetées par un importateur chinois. « Pour nous, c’est une grosse surprise parce qu’il n’y a pas d’Ethiopiens en Chine, mais pourquoi pas? », s’amuse Olivier Spillebout.

– Bénéfices en 2016 ? –

Castel estime pouvoir engranger ses premiers bénéfices vers 2016, mais envisage déjà d’agrandir le vignoble, avec pour objectif les trois millions de bouteilles annuelles. « Pour l’export, c’est encore modeste actuellement, mais année après année, ou mois après mois, les ventes vont croître très rapidement ».

Le principal concurrent, l’ancien monopole Awash, privatisé en 2013 au profit du groupe Blue Nile, propriété du fonds d’investissement 8Miles dirigé par l’ex-rockeur Bob Geldolf, produit environ 7 millions de litres, soit 9 millions de bouteilles.

Des chiffres modestes, qui n’empêchent pas Olivier Spillebout de penser que l’Ethiopie a le potentiel pour devenir le premier producteur et exportateur de vin du continent.

Un projet pour le moins ambitieux: la place est actuellement occupée par l’Afrique du Sud qui, en 2013, a produit plus de 900 millions de litres de vin, dont plus de la moitié ont été exportés.

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