Sharlote, 20 ans, l’âge de la démocratie sud-africaine

« Cela prend tellement de temps d’avoir une vie meilleure. . .  » Dimanche, Sharlote Mona aura 20 ans, comme la démocratie sud-africaine. Cette jeune Noire est à l’image de son pays: pleine d’espoir, mais impatiente de voir les promesses se réaliser.

Sharlote, 20 ans, l’âge de la démocratie sud-africaine © AFP

Sharlote, 20 ans, l’âge de la démocratie sud-africaine © AFP

Publié le 24 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

« La vie meilleure pour tous » promise par Nelson Mandela, Sharlote, née le jour des premières élections multiraciales, essaie de la construire. Elle cherche un emploi, « n’importe quoi », pour financer ses études.

Cette jolie fille pleine de vie fait partie des « Born Free » (« Nés libres »), ces jeunes Sud-Africains qui n’ont jamais connu le régime raciste de l’apartheid.

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Elle a vu le jour dans une campagne reculée du Mpumalanga (est) le 27 avril 1994. « Ma mère a eu ses contractions le jour de l’élection, ils l’ont emmenée à l’hôpital mais elle a réussi à voter. Elle ne savait pas signer son nom! », raconte-t-elle dans la cuisine de son oncle, dans le township d’Olievenhoutbosch, près de Pretoria.

Le quartier est misérable mais elle assure: « Tout va bien, j’aime la vie! (. . . ) Quand vous faites la queue maintenant, vous faites la queue avec les Blancs. Avant 1994, les Blancs ne faisaient pas la queue du tout, ils passaient devant! »

La vie ne l’a pourtant pas épargnée. Sa mère, femme de ménage, meurt en 2002. Le père chômeur abandonne ses sept enfants l’année suivante pour une autre femme, puis meurt à son tour en 2006.

– « Une belle voiture »

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Sharlote est recueillie par ses aînés. « La vie était dure, au Mpumalanga, très dure. Parfois, on n’avait pas de chaussures pour aller à l’école, pas de pull l’hiver », frissonne-t-elle encore.

Mais les choses se passent plutôt bien à l’école et elle décroche son bac – une performance dans la famille.

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Sharlote quitte sa province l’an dernier pour faire ses études et s’installe chez son oncle. Mais en ratant sa première année en logistique, elle perd sa bourse. Elle n’avait jamais touché un ordinateur avant l’université et s’est sentie désavantagée.

« Je veux simplement une vie meilleure. . . Ils nous font croire que tout est possible. Mais la vie est dure, parfois vous pensez même que rien n’est possible. « 

Elle sourit cependant en pensant à l’avenir. Dans 10 ans, « je me vois conduire une belle voiture, avoir une grande maison, une famille, avoir une vie agréable, être une assistante sociale qui résout les problème des gens ».

Chez l’oncle professeur de mathématiques, elle partage une chambre avec ses cousins de 4 et 11 ans. La maisonnette de briques au toit de tôle est banale, sans aucune décoration, mais on s’y entasse moins que dans la plupart des baraquements alentours et on y mange à sa faim. Il y a l’eau, l’électricité, la télé, un lecteur de DVD, une chaîne hi-fi, l’oncle à une voiture. . .

– « Mandela était comme Jésus » –

La jeune femme veut maintenant étudier pendant quatre ans les sciences sociales, par correspondance, à l’Université d’Afrique du Sud.

La seule première année lui coûtera 13. 000 rands (900 euros) – sacrée somme dans un pays où le salaire médian des Noirs est de 2. 400 rands. Depuis janvier, Sharlote cherche donc un travail pour payer ses cours.

Plus de la moitié des jeunes Noirs sont sans emploi en Afrique du Sud, mais son cas est moins désespéré: pour les bacheliers, le chômage n’atteint « que » 10%.

Aux élections législatives et municipales du 7 mai, Sharlote ne votera pas. Comme les deux tiers des « Born Free » de 18 et 19 ans qui ne pensent pas que leur voix changera grand-chose, elle ne s’est pas inscrite sur les listes électorales. Le regrette aujourd’hui. Aurait volontiers soutenu l’ANC, le parti qui a tant fait pour libérer l’Afrique du Sud de l’apartheid et gouverne depuis 20 ans.

« L’ANC nous a construit une maison, l’ANC nous a donné des rations de nourriture, et à l’école il nous a donné des uniformes. L’ANC est vraiment un bon parti! », s’enflamme-t-elle, disant tout ignorer des accusations de corruption contre ses dirigeants.

Et Nelson Mandela, disparu en décembre? « Il était comme Jésus en Afrique du Sud. Il était si bon, il a lutté pour nous comme Jésus a payé pour nos péchés. Il va toujours nous manquer. « 

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