Le township de Soweto aujourd’hui à la mode

Comme tous les townships sud-africains, Soweto a son lot de bidonvilles et de misère. Mais ce lieu emblématique de la lutte anti-apartheid où l’on se battait il y a vingt ans est aujourd’hui devenu furieusement à la mode.

Le township de Soweto aujourd’hui à la mode © AFP

Le township de Soweto aujourd’hui à la mode © AFP

Publié le 17 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Au début des années 1990, Soweto était une zone de guerre, où plusieurs factions se déchiraient, et où les habitants affrontaient les balles de la police de l’apartheid.

La ségrégation raciale s’accompagnait d’une ségrégation géographique, le régime raciste de l’apartheid rejetait ses populations noires dans des quartiers périphériques des grandes villes, les townships tel que Soweto.

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On s’y presse désormais le week-end, et les cars de touristes ont du mal à avancer dans les rues étroites encombrées de grosses cylindrées et de berlines élégantes. Soweto, acronyme de « South Western Townships », townships du sud-ouest de Johannesburg, est devenue une attraction improbable pour tous ceux qui veulent goûter à ce nouveau rêve sud-africain.

Dans les shebeens, ces anciens débits de boisson clandestins devenus des tavernes à la mode, les résidents retrouvent d’autres Noirs partis dans les anciennes banlieues blanches de Johannesburg ou venus d’ailleurs en Afrique du Sud, et aussi des touristes en mal d’exotisme, avides de humer l’air si particulier du township le plus célèbre du monde. Histoire par exemple de vibrer devant une version raffinée du mogodu, le ragoût de tripe traditionnel.

« Je viens à Soweto pour me détendre, rien ne vaut l’expérience d’être parmi les gens d’ici », note Sandile Mashiyane, un comptable qui a quitté le township il y a cinq ans. « C’est le week-end que c’est le mieux! »

Oubliés, les passeports intérieurs que devaient porter les Noirs sous l’apartheid. Place aux centres commerciaux, aux concessionnaires automobiles, aux hôtels de luxe, aux golfs et aux centres équestres.

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Quant à la lutte contre l’apartheid, rendue célèbre ici par le soulèvement de la jeunesse qui, en juin 1976, a refusé un enseignement en afrikaans – une langue considérée à l’époque comme celle de l’oppresseur -, elle est devenue prétexte à un pèlerinage touristico-historique.

Tout comme bien sûr la petite maison de Nelson Mandela sur Vilakazi, devenue un musée où l’on se prend en photo, à quelques dizaines de mètres de la résidence de Desmond Tutu, autre prix Nobel de la paix sud-africain.

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« Nous ne sommes pas libres » –

« Nous n’aurions jamais rêvé que ça soit comme ça », s’exclame Zodwa Kubheka, 76 ans, qui voit encore les images saisissantes de cadavres jonchant les rues.

« Les nôtres, ils couraient la nuit. Les Blancs, ils leur tiraient dessus. Un homme est mort dans ma cour. Mais aujourd’hui je crois que tout va bien, parce que vous ne voyez plus ça. Maintenant à Soweto, c’est 100% mieux! »

Plus de 500 milliards de rands (35 milliards d’euros) publics et privés ont été déversés sur Soweto depuis la fin de l’apartheid en 1994, selon la municipalité de Johannesburg, dont fait partie le township.

Les rues ont été goudronnées, l’éclairage public étendu, les écoles modernisées, un théâtre monumental a même été construit. . . Les 1,3 million d’habitants de Soweto – d’après le dernier recensement – auraient selon la mairie un pouvoir d’achat non négligeable. Des nouveaux riches, et aussi une classe moyenne en pleine croissance.

Mais comme ailleurs en Afrique du Sud, d’importantes poches de pauvreté subsistent. Et les baraquements de tôle, les « shacks » des bidonvilles sud-africains, n’ont pas disparu, loin de là.

Selon Trevor Ngwane, un membre du Comité de crise de l’électricité de Soweto, un « système de classes nouvelles » est apparu.

« Cette nouvelle culture de la consommation ostentatoire m’inquiète », dit-il, ajoutant que ça ne donne pas « une bonne image du township ». « La vérité est que, loin du bling-bling et du glamour, beaucoup de gens sont encore très pauvres! »

L’ »hostel » de Dube est tout sauf réjouissant. Ses habitants vivent dans des dortoirs délabrés et surpeuplés, qui avaient été conçus pour des travailleurs migrants – des hommes célibataires -, mais abritent aujourd’hui des familles entières. Qui se sentent abandonnées.

« Nos vies n’ont pas changé. Beaucoup d’entre nous ici n’ont pas l’eau courante. Nous devons faire la cuisine avec de la paraffine », soupire Milton Mvelase, arrivé à Johannesburg il y a vingt ans.

« Nous ne sommes pas libres ici », s’emporte-t-il alors que le pays célèbre les vingt ans de la fin de l’apartheid.

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