Aqmi : Mokhtar Belmokhtar, le trafiquant

Mokhtar Belmokhtar, Algérien, 40 ans, est le chef d’une des deux principales katibas au Mali.

Mokhtar Belmokhtar, chef d’une des 2 principales katibas au Mali. © DR

Mokhtar Belmokhtar, chef d’une des 2 principales katibas au Mali. © DR

Publié le 3 octobre 2012 Lecture : 3 minutes.

Jihad : les nouveaux maîtres du Mali
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Mokhtar Belmokhtar, ou l’histoire d’un hadj qui a mal tourné. Adolescent, le jeune Mokhtar quitte son Algérie natale, en 1990, pour se rendre en Arabie saoudite où il accomplit le petit pèlerinage. Il n’a alors que 18 ans. Fasciné par les combats menés par les moudjahidine afghans contre l’occupant soviétique, il décide d’aller lui aussi mener le jihad. Accompagné de trois camarades, il s’envole pour l’Afghanistan un an plus tard.

Là-bas, il rejoint les fondamentalistes du Hezb-e-Islami dirigés par Gulbuddin Hekmatyar. Belmokhtar construit sa légende. Le fanatique en herbe aurait rencontré Abou Moussab al-Zarqaoui (qui deviendra le chef d’Al-Qaïda en Irak) : impossible à vérifier. Il aurait perdu son oeil lors de combats contre les Soviétiques : les derniers chars russes ont quitté les montagnes afghanes en février 1989, il s’agit donc plus vraisemblablement d’une blessure au cours d’un entraînement. Quoi qu’il en soit, Belmokhtar songe à rentrer au pays. Le Hezb-e-Islami a embrigadé de nombreux combattants étrangers et jouit de fortes complicités au Pakistan. L’Algérie demande à Islamabad d’intervenir. C’est chose faite en avril 1993, lorsque la police pakistanaise arrête et expulse plusieurs centaines de personnes. Mais le jeune jihadiste est déjà parti.

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"Le Borgne"

De retour chez lui, fin 1992, il bénéficie d’une relative autonomie, met sur pied une katiba estampillée Groupe islamique armé (GIA), qui rapidement rayonne au-delà des frontières algériennes, dans le Sahara. En 1998, il intègre le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). C’est au cours de ces années que « le Borgne » gagne son autre surnom, Mister Marlboro, en référence aux trafics de cigarettes, d’armes, de 4×4, de drogue, de diamants et de migrants… qu’il a mis en place. Difficile d’établir à qui revient la paternité de ce surnom : aux services de renseignements ou bien aux autochtones avec qui il travaille… Quoi qu’il en soit, ses juteux trafics lui permettent de sillonner toute la région, de se constituer un trésor de guerre et de tisser des liens privilégiés avec les populations – dont les chefs traditionnels et certains membres des forces de sécurité -, le long de ces pistes caravanières.

Mais le businessman n’a pas que des partisans au sein du GSPC, surtout après la chute de Hassan Hattab, en août 2003. Il suscite des jalousies – les rivalités avec Abderrazak el-Para sont à leur comble – et provoque la polémique sur son attachement aux valeurs religieuses. Sa parade : s’enraciner et se planquer dans le désert malien, se déplacer en permanence avec sa katiba, éviter les confrontations avec l’armée, se marier avec des filles de chefs locaux… et distribuer de l’argent pour acheter le silence des uns, la complicité des autres. Ainsi transforme-t-il le Nord-Mali en sanctuaire d’où il peut aisément assurer la protection de ses convois, et d’où il peut s’affranchir de la tutelle de Droukdel. Il peut aussi se comporter en « patron intraitable ». C’est vraisemblablement sa katiba qui est responsable de l’enlèvement et de l’exécution de 11 soldats mauritaniens en septembre 2008. « Nous considérons que c’est une erreur et des instructions ont été données par mon frère, l’émir Abou Moussab Abdelwadoud [l’émir Droukdel, NDLR], pour ne plus répéter de tels actes », déclare-t-il en janvier dernier.

Libye

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Au même moment, le déclenchement de la rébellion touarègue l’oblige à se positionner. En mars 2012, il passe trois semaines en Libye pour, notamment, acheter des armes. En avril et mai 2012, il rencontre au moins à deux reprises, à Tombouctou, les chefs du mouvement Ansar Eddine et ceux du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Il connaît déjà vraisemblablement Iyad Ag Ghali pour l’avoir sans doute côtoyé lors de négociations pour la libération d’otages. Hamada Ould Mohamed Kheirou est un ancien compagnon d’armes au sein d’Aqmi. Tous se répartissent les rôles et les zones d’influence.

En renard du désert, Mokhtar Belmokhtar sait être indispensable, ou tout du moins incontournable. Est-il pour autant récupérable ? La sincérité de son engagement jihadiste étant sujette à caution, certains spécialistes estiment que oui. Pas sûr que l’Algérie – où il est condamné à mort par contumace – et la Mauritanie soient de cet avis. L’autre possibilité consisterait à le désolidariser d’Aqmi, contre de sérieuses garanties. Quitte à le neutraliser une fois la crise résolue… 

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Laurent Touchard avec Baba Ahmed (à Bamako), Cherif Ouazani

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