Mali : Amadou Sidibé, un architecte aux mains vertes

Quand Amadou Sidibé pose papier et crayons, c’est pour travailler la terre. Ses fermes sont devenues des modèles d’un genre très particulier.

Publié le 4 octobre 2011 Lecture : 3 minutes.

À le voir chaussé de godillots, plongeant les mains dans la tourbe ou parcourant sa ferme à grandes enjambées, on a du mal à l’imaginer coincé dans un bureau à dessiner des plans. Pourtant, depuis 2002, Amadou Sidibé mène de front ses deux activités d’architecte et d’agriculteur, avec, avoue-t-il, une nette préférence pour la seconde. Il n’a aucune formation en agronomie, mais ses yeux s’illuminent lorsqu’il raconte son enfance dans les champs de son père, où il passait beaucoup de temps. « C’est de là que me vient ce besoin d’être en contact avec la terre », et de parcourir tous les jours la vingtaine de kilomètres qui séparent son cabinet d’architecte, à Bamako, de ses exploitations situées à Samaya et Kalibougou.

Bénin, Tchad, Niger, Guinée… On vient de loin pour découvrir ses techniques innovantes.

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L’agronome amateur aime tenter de nouvelles expériences, prouver aux gens que « c’est possible ». « Cela fait des années qu’on parle d’augmenter la productivité et de moderniser l’agriculture malienne. Mais les initiatives en la matière restent timides, explique-t-il. Je veux prouver à tout le monde qu’on peut à la fois améliorer les techniques agricoles et la production, tout en diversifiant les cultures sur une petite surface. » Ses 5 hectares ne représentent pas grand-chose en termes d’exploitation agricole. Pourtant, les succès d’Amadou Sidibé attirent des visiteurs d’autres pays africains qui viennent découvrir ses installations.

Depuis 2008, il cultive du raisin de table sous serre. Une idée qui lui vient d’un séjour en Tunisie. « Personne n’y croyait, se souvient-il. On me disait qu’il faisait trop chaud et humide pour que les ceps s’adaptent chez nous. » Et pourtant ses 2 hectares de vigne donnent chacun 50 tonnes d’un raisin de table « succulent », disponible toute l’année sur le marché local, puisque Amadou Sidibé échelonne sa production. Aujourd’hui, il élève des vaches et produit des agrumes, de la papaye solo, de l’ail, des oignons ainsi que des melons.

Un nouveau défi

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Chaque aire de culture est arrosée grâce à un procédé de goutte à goutte très élaboré et les engrais sont directement injectés dans l’installation hydraulique. Des panneaux solaires alimentent les pompes à eau et fournissent la ferme en électricité, mettant un terme à l’épineuse question des factures électriques.

Fort de ses succès, l’agriculteur s’est lancé un nouveau défi : produire des tomates – fruit que le Mali doit importer une bonne partie de l’année en raison du climat – douze mois sur douze. « Elles pousseront en serre, dans des substrats de noix de coco posés sur des filets. L’atmosphère sera stérile et la température maintenue autour de 20 °C, avec un système d’irrigation au goutte à goutte dont l’eau sera recyclée. » Coût de l’investissement : 150 millions de F CFA (presque 229 000 euros), en partie financés par le Programme compétitivité et diversification agricoles (PCDA), une initiative du gouvernement malien et de la Banque mondiale pour accompagner la modernisation du secteur et soutenir les projets innovants.

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« Cette façon de produire commence à intéresser de jeunes entrepreneurs qui veulent se lancer dans l’agriculture. Ils visitent les sites et posent beaucoup de questions sur l’investissement et la rentabilité », raconte l’architecte qui, en vient même à réaliser des exploitations « clés en main ». « Vous avez l’espace, vous savez plus ou moins ce que vous voulez produire, et moi je m’occupe d’installer les serres, le système d’irrigation, les panneaux solaires… » Le modèle est si séduisant que des ministres béninois, tchadiens, nigériens, guinéens et congolais ont fait le déplacement pour étudier la possibilité de l’importer chez eux. S’il en est fier, Amadou Sidibé déplore un manque d’intérêt dans son propre pays. « Je ne fais même pas partie de l’association des maraîchers de Bamako », raille-t-il. Alors que, à deux minutes de son exploitation, une zone de 100 hectares aménagée pour la production maraîchère en zone périurbaine, mise en place par le gouvernement pour près de 2 milliards de F CFA, reste désespérément vide.

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