Affaire Bourgi : les dessous d’un grand déballage

Les révélations de Robert Bourgi étalent au grand jour les financements occultes en France en provenance du continent. Quelle est la crédibilité de ces accusations ? Pourquoi ce « porteur de valises » s’est-il mué en imprécateur ? Jusqu’où ira-t-il ? Enquête exclusive.

Robert Bourgi pendant son entretien avec Jeune Afrique, le 13 septembre 2011. © Jacques Torregano, pour J.A.

Robert Bourgi pendant son entretien avec Jeune Afrique, le 13 septembre 2011. © Jacques Torregano, pour J.A.

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Publié le 29 septembre 2011 Lecture : 14 minutes.

Affaire Bourgi : tempête sur la Françafrique
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Affaire Bourgi : tempête sur la Françafrique

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Il fait beau sur Paris en ce jour de septembre, mais les épais voilages aux fenêtres du bureau de son bureau sur cour demeurent obstinément tirés. Tapi dans son antre de l’avenue Pierre-Ier-de-Serbie, Robert Bourgi s’est toujours méfié du soleil et de ses brûlures contre lesquelles son mentor Jacques Foccart l’avait mis en garde.

Dans la pénombre, les lieux semblent encombrés de fétiches. Grigris napoléoniens, bric-à-brac gaulliste, capharnaüm de dossiers, dessins d’enfants à leur grand-père bien aimé, clichés dispersés aux quatre coins. Bien en vue, un portrait de Nicolas Sarkozy dédicacé : « Pour Robert, avec toute mon amitié. » Relégué à l’autre bout de la pièce, un autre de Jacques Chirac. Entre les deux, des photos du maître de la case en compagnie de Foccart, de Ouattara, de Bongo père, d’Ahmadinejad, de condisciples de la fac de droit de Dakar et même de Karim Wade, qu’il vient pourtant de traîner dans le marigot.

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L’Aston Martin, c’est un cadeau d’Ali Bongo ; la Maserati, c’est papa qui me l’a offerte.

Robert Bourgi, Avocat

Dehors, un agent de sécurité d’une société privée veille devant la porte, les bras croisés, à deux pas d’une limousine vert bouteille. « L’Aston Martin, c’est un cadeau d’Ali Bongo ; la Maserati, c’est papa qui me l’a offerte », explique, un brin provocateur, Me Bourgi. « Papa » : depuis des lustres, c’est ainsi que notre hôte nomme Omar Bongo Ondimba, celui qui l’initia à la lecture des cauris africains. Que pense « papa », là où il se trouve aujourd’hui, de l’extraordinaire impudence de son fils blanc ? « Il en sourit, il sait que j’ai fait cela pour venger sa mémoire », jure notre homme. Bourgi a donc tous les talents, y compris celui de faire parler les morts…

"La bataille suprême est engagée"

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En s’exposant volontairement, et avec quelle violence, au soleil des médias, Robert Bourgi a contrevenu aux prescriptions de Jacques Foccart et de ce qui lui reste d’amis, pour qui il s’est en quelque sorte immolé en public, mais il assume, non sans crânerie.

Gaullien (et citant le général le 6 juin 1944) : « La bataille suprême est engagée ! J’accuse MM. Chirac, de Villepin et Le Pen d’avoir touché l’argent des chefs africains. » Cabotin : « Maintenant que la grenade est dégoupillée, je vais me retirer en Corse, dans le village de ma femme, et assister au spectacle. » Pensif : « Je suis soulagé, j’ai accompli mon chemin de Damas, je suis un repenti heureux. » Angoissé : « Maintenant, je me sens seul. Quel vide autour de moi ! » Joueur : « Tout le monde a peur de ce que j’ai gardé dans ma manche, tout le monde croit que je peux faire sauter la République. » Menaçant : « Je n’ai pas révélé le dixième de ce que je sais. » Grisé : « Si vous saviez ce qu’Elkabbach [Europe 1], Field [LCI] et Elkrief [BFM] m’ont dit hors antenne ! Robert, vous êtes un transgresseur, quel courage ! »

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À l’infini, on pourrait multiplier ainsi les facettes du comédien et les rôles du tragédien, tant cet homme les endosse avec brio, gourmandise et conviction. Robert Bourgi est un formidable acteur de sa propre vie, c’est une évidence, un caméléon adaptable à toutes les saisons. Mais qui peut prétendre posséder les clés de sa sincérité ? Qui peut dire quand il imagine, affabule ou s’apprête à faire volte-face, qui peut savoir vraiment où il dit vrai, met ses tripes sur la table et se confie sans mentir ? Nul autre que lui. C’est sa part d’ombre savamment entretenue. « Vous ne connaissez pas Robert Bourgi », répète-t-il d’ailleurs en prenant congé. Mélange de mystère et de malice, cocktail jouissif pour cet amateur de coït bling-bling, Robert le diable, Robert le preux, Robert le porteur de mallettes de la Françafrique vient d’enfiler un énième costume. Celui de Robert la balance. Et il s’y sent bien…

J’ai vu Chirac et Villepin compter les billets.

Selon son propre récit, Me Bourgi a lui-même contacté Le Journal du dimanche et choisi le journaliste qui allait l’interviewer, sans l’avertir au préalable du sujet de l’entretien. La rencontre a eu lieu le 9 septembre, pour une parution le surlendemain, en une, sous un titre choc : « J’ai vu Chirac et Villepin compter les billets. » L’ancien président et son Premier ministre y sont accusés d’avoir bénéficié de financements occultes de la part d’Omar Bongo Ondimba, d’Abdoulaye et de Karim Wade, de Blaise Compaoré, de Laurent Gbagbo, de Denis Sassou Nguesso et de Teodoro Obiang Nguema.

Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, est aussi mis en cause, via le Club 89, qu’il a fondé. Jean-Marie Le Pen pas encore. C’est le 12 septembre que, interrogé à la télévision, Bourgi ajoutera son nom à la liste. L’avocat reconnaît n’avoir aucune preuve ni aucune trace de ce qu’il avance, mais il a un témoin de poids : lui-même. Puisque, seul ou accompagné de l’« envoyé spécial » de tel ou tel président africain, il aurait personnellement apporté l’argent liquide à son destinataire. Ces révélations font l’effet d’une bombe, d’autant qu’elles accréditent les informations que tous les journalistes détenaient déjà – ou croyaient détenir – sans oser les publier. « L’affaire Bourgi » commence, nul ne sait quand elle s’arrêtera, ni jusqu’où elle ira.

Qui est Robert Bourgi ?

Né à Dakar le 4 avril 1945 – il a 66 ans – dans une famille d’origine libanaise implantée au Sénégal depuis le début du siècle, Robert est le frère de deux personnalités connues du « paysage » franco-africain.

Albert, son aîné, professeur à la faculté de droit de Reims, est un homme de gauche proche de Laurent Gbagbo, d’Alpha Condé et des partis socialistes sénégalais et français. Le discret Rasseck, son cadet, est avocat au barreau de Paris. Tous trois sont les fils de Mahmoud Bourgi, grand commerçant chiite installé à Dakar, qui fut un ami de confiance de Jacques Foccart.

Comme ses frères, Robert a embrassé une carrière de juriste. Il fait son droit dans la capitale sénégalaise, puis à Nice et à Paris. Sa thèse de doctorat en sciences politiques, obtenu en 1978, porte sur « le général de Gaulle et l’Afrique ». Déjà, ce gaulliste fana de Napoléon travaille pour Foccart, qu’il a connu enfant.

Enseignant aux universités de Cotonou, d’Abidjan et de Nouakchott, Robert Bourgi intègre en 1986 le cabinet de Michel Aurillac, ministre de la Coopération, en tant que conseiller. C’est à cette époque qu’il fait la connaissance de Jacques Chirac, mais aussi de Nicolas Sarkozy, alors secrétaire général à la jeunesse du Rassemblement pour la République (RPR).

En 1988, il s’inscrit au barreau de Paris. L’année suivante, Alain Juppé le nomme délégué national pour l’Afrique du Club 89, fonction qu’il remplit déjà pour le compte du parti gaulliste. Parallèlement, il joue et jouera pendant un quart de siècle un rôle de conseiller et de consultant auprès de plusieurs chefs d’État africains (Mobutu, Bongo, Sassou Nguesso, puis Wade, Compaoré, Gbagbo et, plus récemment, Abdelaziz et Rajoelina), mais aussi de quelques opposants (Cellou Dalein Diallo, Adrien Houngbédji, Idrissa Seck…).

Cet entregent, cette influence et ce carnet d’adresses lui permettent d’agir dans les deux sens. Aux Africains, il ouvre les portes des sanctuaires de la République française (quand elle est gouvernée à droite), aux Français, si l’on en croit ses dires, les clés des coffres de l’argent noir, et à ses clients privés – hommes d’affaires, investisseurs – l’accès à des marchés acquis sans appel d’offres.

Rapidement, cet amateur de grands vins et de belles voitures, qui aime l’argent et n’en fait aucun complexe, acquiert une fortune rondelette. Passé de Chirac à Villepin (voir les dédicaces que ce dernier lui adresse, ci-contre), puis de ce dernier à Sarkozy en 2005, tout semble lui sourire. Il a certes beaucoup d’ennemis, à commencer par Villepin, bien sûr, dont il fut l’intime pendant dix ans, Alain Juppé, avec qui il ne s’est jamais entendu, Bernard Kouchner, Jean-Marie Bockel, dont il a obtenu la tête, Michel de Bonnecorse, qui le tint à bout de gaffe, Bruno Joubert, qu’il fit beaucoup souffrir, et, dans une moindre mesure, André Parant, bref tous les Messieurs Afrique de l’Élysée, mais aussi Georges Ouégnin et Jean-François Probst, ses concurrents…

La liste est loin d’être exhaustive et il l’égrène lui-même non sans délectation. Mais Nicolas Sarkozy et Claude Guéant soutiennent vaille que vaille ce personnage à la fois talentueux, incontrôlable et indispensable. Lorsqu’en 2006, à l’occasion de son discours de Cotonou, celui qui était encore candidat à la présidence de la République fustige les « émissaires officieux qui n’ont d’autre mandat que celui qu’ils s’inventent », il prend soin de téléphoner aussitôt à son ami Bob pour le rassurer : « Ce n’est pas toi que je visais. »

Les deux rencontres Sarkozy-Gbagbo de septembre et décembre 2007 à New York puis à Lisbonne, c’est lui. Le coup de fil à Omar Bongo Ondimba, afin qu’il intervienne auprès de Mandela pour que ce dernier consente à se faire photographier aux côtés du président français et de son épouse Carla en février 2008, c’est encore lui. L’hallucinant rite d’allégeance et d’initiation auquel se soumet deux mois plus tard le ministre de la Coopération Alain Joyandet, cornaqué par Claude Guéant, dans le bureau de Bongo à Libreville, c’est toujours lui. Entre-temps, Nicolas avait enfin remis à Robert la Légion d’honneur que lui avait refusée Chirac : « Il a ce jour-là prononcé à propos de mon père des mots que je n’oublierai jamais, confie Robert Bourgi, c’est pour cela que je lui serai toujours fidèle. » Car Robert est aussi un sentimental, prompt à envoyer à ses amis qui, pense-t-il, lui ont manqué de loyauté de longs SMS aussi cinglants que poignants.

Pourquoi a-t-il décidé de "tout dire"?

Première explication, celle que Robert Bourgi lui-même a servie, tant au JDD que sur les radios et télévisions : il ne supportait plus le poids de ces lourds secrets, il ne parvenait plus à se regarder dans un miroir, son passé de convoyeur de fonds le dégoûtait, il n’en dormait plus.

« Cela me taraudait depuis la mort de papa [Omar Bongo Ondimba], en juin 2009, explique-t-il. Les temps ont changé, il fallait que je me débarrasse de ce fardeau. »

Certes, Chirac, Villepin, Juppé, Le Pen, il ne les aime pas (ou plus), et ils n’ont que ce qu’ils méritent, « mais le sentiment de vengeance m’est étranger, en tout cas il n’a pas été déterminant ». À Jeune Afrique, Robert Bourgi livre une motivation complémentaire et pour tout dire assez curieuse :

« Compaoré, Wade père et fils, leur réaction à mes propos, je m’en fiche un peu. Mais Sassou Nguesso, Obiang Nguema et, Dieu ait son âme, papa, ils doivent savoir et comprendre que j’ai réglé les comptes pour eux : ils ont été si généreux envers Chirac et Villepin et ils ont été si mal payés en retour ! N’oubliez pas que l’affaire des “biens mal acquis” a commencé alors qu’ils étaient encore au pouvoir. Ils n’ont rien fait pour l’arrêter. »

Cette thèse du repenti allant à Canossa et du chevalier blanc vengeur de chefs d’État africains floués est romanesque, mais à vrai dire assez peu crédible. À tout le moins, elle n’explique que très partiellement l’« outing » fracassant de Me Robert Bourgi.

L’explication inverse, celle du « complot » contre Dominique de Villepin soigneusement ourdi avec Claude Guéant sur ordre d’un Nicolas Sarkozy soucieux de porter le coup de grâce à son rival, ne tient pas plus la route, même si le timing de ces révélations a quelque chose de troublant. Vérification faite, nul n’était au courant de l’interview du JDD, et quand Bourgi précise : « pas même ma femme » (l’avocate Catherine Vittori), il dit vrai.

Mais alors, pourquoi ? L’hypothèse la plus vraisemblable, à vrai dire étayée par les confidences de certains de ses proches, est celle d’un coup de poker, un tout pour le tout, joué par un homme qui pressentait – à tort ou à raison –, en tout cas redoutait d’être largué par Nicolas Sarkozy et Claude Guéant, comme il l’avait été par Dominique de Villepin.

« Depuis son retour au Quai d’Orsay en février dernier, Alain Juppé a établi autour de Bourgi une sorte de cordon sanitaire absolument étanche. Il l’a privé d’Afrique et donc des affaires qui vont avec. Guéant a quitté l’Élysée pour la Place Beauvau et le président ne veut rien refuser à Juppé, d’autant que ce dernier a déjà dû avaler la couleuvre Bernard Henri-Lévy. Bourgi s’est retrouvé en apnée », explique un bon connaisseur du Château et de son hôte, lequel ajoute : « N’oubliez pas que l’Afrique n’a jamais été la tasse de thé du patron ; et puis, quand on a comme ami l’émir du Qatar, les chefs africains, on peut s’en passer. »

Résultat : l’étoile de l’avocat a vite pâli sur le continent.

Résultat : l’étoile de l’avocat a vite pâli sur le continent. Au Sénégal, Karim Wade écarte d’un juteux marché une société britannique qu’il tente d’introduire, avec ce commentaire cinglant : « Toi, tu peux attendre » (d’où le courroux de Bourgi, qui se venge en livrant urbi et orbi le contenu présumé de ses conversations téléphoniques avec le fils de Gorgui). À Madagascar et en Mauritanie, les filons Rajoelina et Abdelaziz se tarissent d’un coup. Au Congo, Denis Sassou Nguesso ne le reçoit plus depuis longtemps, tout comme Blaise Compaoré à Ouagadougou. Reste Ali Bongo, certes plus distant et méfiant que son père à son égard, mais avec qui il s’est raccommodé.

Selon Robert Bourgi, le président gabonais aurait même été le seul à oser le prendre au téléphone depuis le séisme du 12 septembre :

« Je devais me rendre à Libreville avec un client britannique et je lui ai dit que, vu les circonstances, il fallait que je repousse ce voyage. Le président Ali m’a proposé de venir quand même, pour me reposer à la Pointe Denis, précisant qu’il allait mettre un hélico à ma disposition. J’ai décliné l’offre. »

« Retenez-moi, ou je continue » : tel pourrait donc être le message subliminal adressé, par médias interposés, à Nicolas Sarkozy par son ancien visiteur du soir. Il est vrai que ni les propos ni l’attitude de Robert Bourgi ne sont vraiment rassurants pour le président, même si ce dernier prend grand soin de préciser – en ayant sans doute conscience de n’être cru qu’à moitié – que la noria des valises de billets a brusquement pris fin en 2005. Au mieux, Nicolas Sarkozy pourrait être jugé par l’opinion coupable de cécité envers un proche collaborateur, même de la main gauche, coupable aussi de ne pas avoir saisi la justice de faits dont il était, de l’aveu même de Claude Guéant, informé depuis six ans.

Au pire : Robert Bourgi a réellement gardé par-devers lui de quoi faire sauter le reste de la République. Reste que pour l’instant, hormis les personnalités françaises nommément citées, les principales victimes collatérales de cette boule puante lancée avec allégresse sont avant tout africaines. Tous les gouvernements concernés ont fermement démenti ces allégations, tous les chefs d’État affectent de traiter leur auteur avec le mépris qui sied aux renégats, mais tous sont touchés et seul Karim Wade a annoncé son intention de porter plainte. Lésé aussi, mais sans comparaison de degré, le journaliste et écrivain Pierre Péan, dont la dernière enquête, La République des mallettes, parue le 14 septembre chez Fayard, et qui comporte un chapitre basé sur les confidences du même Robert Bourgi, se voit en partie « grillé » par l’édition du 11 septembre du Journal du dimanche.

Commentaire d’un proche de l’avocat : « Robert s’est confié à Péan, puis il s’est aperçu que ce dernier allait tirer tout le bénéfice médiatique de ses révélations. Il l’a donc préempté. » Lui dément, plaidant l’ignorance de ce que Péan allait tirer de leur entretien. Ses ennemis, eux, y voient du « Bourgi pur sucre ».

Comment a réagi Nicolas Sarkozy ?

« Au début, le président a plutôt souri », nous dit l’enquête du Point parue le 15 septembre. Si cela a été le cas, le sourire devait être jaune. Selon nos informations, Nicolas Sarkozy lui aurait téléphoné le dimanche matin vers 10 h 30 : « Robert, tu as mis le feu ! – Oui, Nicolas, comme Johnny au Stade de France. » Puis, c’est Claude Guéant : « Robert, que t’arrive-t-il ? » Ce que Bourgi ne dit pas, mais que d’autres sources racontent, c’est la suite. L’avocat est convoqué à l’Élysée l’après-midi à 16 h 30, après un passage dans le bureau de Guéant, Place Beauvau. Il y entre par la grille du Coq. Le président l’attend, furieux : « C’est du grand n’importe quoi ! Ce que tu dis va servir nos ennemis ! Qu’est-ce qui t’a pris ? »

Puis l’orage passé, on discute, en présence de Guéant, sur le thème du comment limiter les dégâts et peut-être du comment exploiter ce qui peut l’être. Est-ce au cours de cet entretien qu’est mis au point le plan médiatique du lendemain et qu’est échafaudée l’idée d’ajouter Jean-Marie Le Pen sur la liste des bénéficiaires de valises ? Bourgi, on l’a dit, est muet sur cela, mais c’est possible et peut-être probable. Puis on se sépare sur une promesse de l’avocat : à partir du lundi 12 au soir, il fera silence et n’accordera plus aucun entretien. Sait-il seulement à quel point, à ce moment, ses deux interlocuteurs auraient préféré ne jamais avoir croisé son chemin 

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Reste une question. Quand Robert Bourgi a quitté Dominique de Villepin, parce qu’il s’était senti humilié et jeté comme un mouchoir sale, il avait une solution de rechange : Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, si ce dernier le rejette à son tour (ce qui dépend du rapport de forces entre les deux hommes et reste donc à confirmer), où ira-t-il et quelle sera sa planche de secours ? C’est là que notre homme place à nouveau son « vous ne connaissez pas Robert Bourgi ».

Depuis quelque temps, ce Raminagrobis astucieux constamment en quête d’un nouveau rebond a discrètement lancé quelques filets du côté du Parti socialiste. Il y a un an et demi environ, il était d’un dîner secret qui a réuni Claude Guéant et deux députés PS proches de Dominique Strauss-Kahn, Jean-Marie Le Guen et Jean-Christophe Cambadélis. Bourgi travaillait alors pour le camarade Gbagbo, que les deux députés fréquentaient aussi. Plus récemment, il aurait tenté des travaux d’approche en direction de François Hollande auxquels ce dernier, à la fois curieux et interloqué, ne serait pas resté totalement insensible.

Simple bluff ? Revirement de plus ? Nouveau message, en forme de SOS, adressé à l’ami Nicolas ? Ou coup de pied de l’âne d’un homme libre soucieux de démontrer que nul, hormis Foccart et « papa », n’a jamais pu se vanter de le tenir dans sa main ? Pour l’instant, face aux rafales de plaintes présentes ou à venir, Robert Bourgi prépare sa défense, et, pour cela, a pris langue avec un confrère pénaliste grand connaisseur des arcanes juridiques de la Françafrique : Pierre Haïk. « Je veux une France propre, une France de la rupture, une France dont le général de Gaulle serait fier », répète-t-il. Le problème est que la France qu’il dépeint aux yeux du monde, et dont il aura été l’un des rouages les plus troubles, a toutes les allures d’une République bananière. À Colombey-les-Deux-Églises, quelqu’un doit se retourner dans sa tombe.

La Matinale.

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