Les chiens de garde

Publié le 2 juin 2010 Lecture : 3 minutes.

France-Afrique, les nouveaux réseaux
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France-Afrique, les nouveaux réseaux

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La fin des parties de chasse françafricaines dans les forêts du continent, ils y sont pour quelque chose. L’obstruction du tunnel entre la « résidence de France » et celle du président ivoirien, c’est un peu eux aussi. Impossibles au lendemain des indépendances, les aboiements des ONG, intellectuels et « petits juges » contre la Françafrique ne résonnent plus dans le désert.

Chaque visite officielle est une occasion d’apostropher les politiques. En juillet 2009, l’association Survie et sa présidente, Odile Tobner, fustigent la complaisance de l’Élysée à l’égard du Cameroun lors du passage à Paris de Paul Biya. Trois mois plus tard, le chef de l’État mauritanien est à Paris. Jean-Pierre Dubois, à la tête de la Ligue des droits de l’homme (LDH), s’étonne de l’inexécution d’une décision de justice à l’encontre du capitaine Ely Ould Dah. En 2005, la LDH avait réussi à le faire condamner à dix ans de prison pour crimes de torture. Jean-François Julliard, le successeur de Robert Ménard à Reporters sans frontières, profite aussi des séjours parisiens des chefs d’État pour leur rappeler quelques petites règles.

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La société civile frappe plus fort grâce à une organisation en réseau. Quand Jean-Louis Vielajus, le président de Coordination Sud, note que l’aide publique au développement vers l’Afrique diminue – contrairement au discours officiel –, il parle au nom de ses partenaires sur le continent. Idem pour l’avocat Guy Aurenche, président du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), auteur du fameux rapport sur les « biens mal acquis ».

Jadis francs-tireurs, des adversaires de la Françafrique trouvent des armes au Parlement européen. Notamment le député Europe Écologie José Bové, sensibilisé aux causes africaines par ses réseaux dans les milieux altermondialistes malien (l’ex-ministre de la Culture Aminata Traoré­ notamment) et camerounais. Élue députée sur la même liste, Eva Joly lui fait écho. L’ex-magistrate – qui a instruit le dossier Elf – a réussi à faire rejeter la poursuite d’un accord entre la Guinée­ et l’Union européenne.

Les juges d’instruction ne sont plus seuls dans leur croisade. Hier c’était Jean-Louis Bruguière, chargé de l’enquête sur l’attentat contre l’avion du Rwandais Juvénal Habyarimana, prélude au génocide. Il est aujourd’hui remplacé par Marc Trévidic, avec lequel travaillent également Fabienne Pous et Michèle Ganascia. Sophie Clément fait aussi partie de la bande, qui instruit l’affaire Borrel – le magistrat français mort à Djibouti en 1995 – ainsi que Patrick Ramaël. En charge des affaires Medhi Ben Barka – l’opposant à Hassan II, enlevé à Paris en 1965 –, et Guy André-Kieffer, il a auditionné la première dame ivoirienne, Simone Gbagbo, en avril 2009.

Le contexte donne plus de retentissement aux publications des intellectuels. À celles de Jean-François Bayart, qui dénonce l’« obscénité franco-tchadienne » après que Paris a apporté son soutien militaire à N’Djamena, en février 2008 ; de Gérard Prunier, spécialiste de l’Afrique de l’Est et allergique à la complaisance ; ou encore de Georges Courade, auteur de L’Afrique des idées reçues, et de Christian Bouquet, électron libre et bon connaisseur de la Côte d’Ivoire. D’autres universitaires entretiennent des relations avec les autorités, comme les juristes Edmond Jouve et Albert Bourgi (le frère de Robert), proche du président ivoirien Laurent Gbagbo et de l’opposant guinéen Alpha Condé, ou encore Michel Korinman, professeur à la Sorbonne et membre de la commission d’enquête sur les massacres du 28 septembre 2009 en Guinée.

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À couteaux tirés en apparence avec le pouvoir, les chiens de garde sont souvent reçus au Quai d’Orsay et à la cellule Afrique de l’Élysée. Habitants d’un même village, ils échangent des informations, ils s’entraident. En janvier 2009, la France aide à la libération puis à l’évacuation de deux défenseurs soudanais des droits de l’homme – membres de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) – emprisonnés à Khartoum. « Chacun a son rôle, dit Florent Geel, responsable adjoint du bureau Afrique de la FIDH. Mais on essaie de dégager des convergences. »

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