Premiers pas vers une économie émergente

Nouveau vœu pieux ou réelle volonté, le pays est en train de revoir ses méthodes de gestion. Objectif : parvenir, enfin, à diversifier l’économie.

Gisement de manganèse de Moanda (Sud-Est), exploité par la Comilog © Pascal Maître/Eramet

Gisement de manganèse de Moanda (Sud-Est), exploité par la Comilog © Pascal Maître/Eramet

Publié le 12 mars 2010 Lecture : 4 minutes.

Gabon : changement d’ère
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Gabon : changement d’ère

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L’équation gabonaise est connue. « L’économie du pays reste trop dépendante du pétrole et des autres matières premières. De plus, l’agriculture, qui aurait dû générer des emplois, contribue trop peu à la création de la richesse nationale et à la réduction de la pauvreté. » Ce constat sans appel figurait en bonne place dans le programme économique du candidat Ali Bongo Ondimba, baptisé « L’avenir en confiance ».

Les chiffres parlent d’eux-mêmes et traduisent le paradoxe gabonais. Dans ce pays pétrolier depuis une soixantaine d’années, qui assure un revenu par habitant supérieur à 4 000 dollars, l’espérance de vie est seulement de 56 ans, 33 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté (moins de 1,25 dollar par jour), seuls 900 kilomètres de routes sont goudronnés, le système de santé est à bout de souffle et la scolarisation en chute libre dans le secondaire… Il y a donc urgence à redresser la barre, pour en finir avec l’économie de rente et les facilités aux douces odeurs de brut.

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Gros Investissements dans le manganèse

Le nouveau chef de l’État a promis une transformation sociale et une mutation vers une économie à forte valeur ajoutée. « Omar Bongo Ondimba a géré le pays en bon père de famille. Les choses vont changer, et les Gabonais vont devoir apprendre à travailler », décrypte, sans précaution, un proche du président.

Le pétrole représente 53 % du produit intérieur brut (PIB) mais, à défaut d’investissements importants et de nouvelles découvertes (les espoirs portent éventuellement sur des gisements offshore), le niveau de production maximal pourrait être atteint en 2012. Si cette manne permet encore d’assurer le présent, elle n’incarne donc plus vraiment l’avenir.

En revanche, l’exploitation minière – emmenée à ce jour par la production de manganèse de la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog, filiale gabonaise du groupe français Eramet) sur le site de Moanda, dans le Haut-Ogooué (Sud-Est) – a tout pour assurer de beaux jours aux Gabonais. Le secteur ne représente que 5 % du PIB, mais le pays commence à voir grand. Ses atouts sont réels, pour peu que l’on sache les valoriser.

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Les dessous de Belinga

Les effets de la crise passés, avec une production qui a chuté à 2 millions de tonnes en 2009, la Comilog prévoit de retrouver rapidement un niveau supérieur à 3 millions de tonnes, tiré vers le haut, notamment, par la demande chinoise, qui a repris de plus belle. Les investissements annoncés pour la construction du futur complexe métallurgique de Moanda sont donc maintenus, tandis que les réserves laissent entrevoir encore entre soixante et soixante-dix ans d’extraction. « Les fondamentaux sont bons », explique Marcel Abéké, le patron de la Comilog, qui va devoir compter sur l’arrivée de concurrents.

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Au début du mois de février, le géant BHP Billiton a estimé à 60 millions de tonnes un autre gisement de manganèse exploré dans la même région de Franceville. Initialement, la barre des 100 millions était fixée par le groupe pour se lancer dans une phase de production. Mais « nous sommes satisfaits et confiants pour l’avenir », a glissé Peter Beave, le président du département manganèse de BHP Billiton.

La compagnie brésilienne Vale (ex-CVRD) prospecte, elle, dans la province du Haut-Ogooué, les Chinois de Sinostel ont obtenu un permis à Mbigou (Sud), et deux autres sociétés de l’empire du Milieu se sont installées à Njolé, près de Libreville.

Chinois qui ont également remporté le gigantesque projet ferreux de Belinga dans le nord-est du pays (3 milliards d’euros d’investissements). Pour l’heure, les choses n’avancent pas à la vitesse espérée, et le dialogue chaotique entre la partie gabonaise et le consortium chinois fait naître de légitimes inquiétudes. Voire des regrets quant au dossier présenté par les Brésiliens de Vale « techniquement plus solide et sans doute plus fiable », déplore un habitué du Palais du bord de mer, dénonçant après coup les intrigues qui ont poussé Omar Bongo Ondimba à faire le mauvais choix. « La convention de Belinga fera l’objet d’un réexamen approfondi et juste. Si la nécessité est avérée, des mesures correctives seront prises », a expliqué le Premier ministre, Paul Biyoghe Mba, dans son discours de politique générale, en novembre dernier.

Avec ses investissements ­connexes d’infrastructures (notamment le barrage de Grand Poubara et le port en eau profonde de Santa Clara, au nord de Libreville), la sous-traitance induite et le potentiel en termes d’emplois, « Belinga est très importante pour l’économie gabonaise », assure Henri-Claude Oyima, administrateur-directeur général de BGFIBank. Et d’ajouter que « l’éducation, la santé et les infrastructures » doivent être les trois axes prioritaires pour aboutir à une économie ­émergente.

Au-delà des mines

Avec quelle méthode ? « Un schéma directeur. » Et quels moyens ? « Des économies dans la fonction publique, un règlement de la question de la dette et des investissements », énumère le banquier, toujours très écouté par la présidence.

Une réduction drastique du train de vie de l’État, des audits lancés dans les ministères depuis le mois de novembre, la promesse de consacrer 40 % des dépenses publiques aux investissements, les chantiers lancés pour la prochaine Coupe d’Afrique des nations (CAN), en 2012… Les premiers pas du nouvel exécutif sont de nature à remettre le pays en ordre de marche.

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