Oncle Jacques (Foccart) et Tonton Lee (Kuan Yew)

Beaucoup d’encre, de temps de parole, de grésillements d’antenne et un colloque de deux jours pour assez peu de chose finalement que cette très médiatique publication de l’inventaire du fonds Foccart par les Archives nationales françaises.

Jacques Foccart, secrétaire général de l’Élysée aux affaires africaines et malgaches, en 1968. © STF / AFP

Jacques Foccart, secrétaire général de l’Élysée aux affaires africaines et malgaches, en 1968. © STF / AFP

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 30 mars 2015 Lecture : 2 minutes.

Aucune révélation particulière, aucun scoop, mais des confirmations de ce que l’on savait déjà sur les réseaux, les méthodes, les complots, les petits secrets et les grands fantasmes d’un homme viscéralement fidèle à l’idée de la France que se faisait son mentor, Charles de Gaulle, et qui ne voyait l’Afrique qu’à travers ce prisme. Certes, le travail d’archéologue réalisé par le conservateur de ce fonds, Jean-Pierre Bat, est remarquable.

L’auteur de La Fabrique des barbouzes (Nouveau Monde éditions), plongée au coeur du Brazzaville des années 1960, ne cherche d’ailleurs pas à survendre ce qui est avant tout un reliquaire pour historiens : il ne se prend pas pour Indiana Jones.

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Dans les sept tomes de Foccart parle et du Journal de l’Élysée, coédités à la fin des années 1990 par Jeune Afrique et Fayard sous la direction de Béchir Ben Yahmed et de Philippe Gaillard, celui que ses affidés surnommaient parfois "le chanoine" s’était déjà très largement confessé, ce qui explique qu’on ne trouve rien dans ces linéaires d’archives qui bouleverse l’histoire de la Françafrique.

Encore faut-il, pour le savoir, avoir lu ces ouvrages et en confier le commentaire à ceux qui ont connu et pratiqué Jacques Foccart plutôt qu’à des journalistes spécialisés dans l’enfilage de poncifs africains. Apparemment, personne n’a songé à inviter Gaillard, encore moins à l’écouter. Sans doute ne répondait-il pas aux critères de la mémoire périssable et de l’urgence médiatique…

Les chefs d’État, hélas, ne sont pas non plus de grands lecteurs. "Pas le temps", s’excusent-ils, contre toute évidence. Pas le courage, surtout, car lire est parfois une ascèse. Combien d’entre eux, sur le continent, ont-ils ainsi ne serait-ce que parcouru les 1 500 pages de The Singapore Story, l’autobiographie (traduite en français en 2012) de Lee Kuan Yew, artisan visionnaire du miracle singapourien, décédé le 23 mars ?

En dehors de Paul Kagamé, pour qui l’ex-Premier ministre est un modèle, je l’ignore. On est pourtant là au coeur du débat essentiel et jamais tranché sur la primauté du développement ou de la démocratie.

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Le Singapour de Lee Kuan Yew et de son fils Lee Hsien Loong (aux commandes depuis onze ans), c’est, d’un côté, l’extraordinaire réussite économique et la stabilité d’un dragon asiatique, de l’autre, l’autoritarisme paternaliste d’un inamovible parti au pouvoir. Sécurité, corruption minimale et bien-être social versus châtiments corporels, ordre moral et soupçons de népotisme – le tout sur un ex-confetti d’empire britannique de 700 km² pour 6 millions d’habitants.

Pour Lee Kuan Yew, du haut de ses trois décennies à la tête de cet État mégapole climatisé, la cause a toujours été entendue : il n’est pas de démocratie viable sans prospérité préalable. L’inverse, il faut le reconnaître, n’a jamais été prouvé. Surtout pas en Afrique.

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