Mauritanie – Ely Ould Mohamed Vall : « L’insécurité est flagrante, le pays est en ébullition »

Le cousin et néanmoins grand rival du chef de l’État ne trouve rien de positif dans l’action du gouvernement. Et ne se prive pas de le faire savoir.

Ely ould Mohamed Vall est le cousin et le rival de Mohamed Ould Abdelaziz. © Sean Gallup / GETTY IMAGES EUROPE / AFP

Ely ould Mohamed Vall est le cousin et le rival de Mohamed Ould Abdelaziz. © Sean Gallup / GETTY IMAGES EUROPE / AFP

Publié le 27 novembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Mohamed Ould Abdelaziz a bien des atouts en main pour atteindre ses objectifs. © Michał Huniewicz/flickr
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Réélu en juin 2014 pour un dernier mandat, Mohamed Ould Abdelaziz a bien des atouts en mains pour atteindre ses objectifs. Même si plusieurs inconnues subsistent, à commencer par la menace terroriste ou la mise en place du dialogue avec l’opposition.

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Depuis plusieurs mois, l’ex-président de la transition (d’août 2005 à avril 2007) ne décolère pas. Ely Ould Mohamed Vall, 61 ans, dénonce "la mascarade électorale" de la présidentielle de juin, qui a reconduit au pouvoir son cousin germain, Mohamed Ould Abdelaziz, devenu son ennemi intime. S’il n’appartient à aucun parti, il est proche des leaders de l’opposition et se pose en allié de leur coalition, le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU).

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Ely Ould Mohamed Vall : Le pouvoir semblait clairement décidé à se maintenir en utilisant pour cela tous les moyens de l’État. Dans ces conditions, comment voulez-vous qu’on aspire à se présenter et, surtout, qu’une candidature comme la mienne puisse aboutir ? Dans un tel contexte, il n’y a pas d’alternance possible.

L’opposition a-t-elle eu raison de boycotter le scrutin ?

Oui. Pendant plusieurs mois, ses représentants ont tenté par tous les moyens de négocier une sortie de crise politique. Or on s’est progressivement aperçu que le pouvoir, en apparence ouvert à la discussion, n’avait en réalité aucune envie de négocier : dès le départ, il souhaitait organiser et remporter cette élection, que l’opposition y participe ou non. Celle-ci avait déjà fait l’erreur d’y participer en 2009, elle ne s’est pas laissée reprendre !

Croyez-vous à la relance du dialogue entre majorité et opposition ?

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Je n’y crois pas, pas avec le pouvoir actuel, car il a prouvé qu’il n’avait aucune envie de discuter. Pour mettre définitivement fin à cet antagonisme et obtenir un consensus de la classe politique, il ne s’agit pas de négocier une légalisation du mandat actuel, mais de réorganiser des élections municipales, législatives et présidentielle transparentes.

Lors de son investiture, en août, Mohamed Ould Abdelaziz a assuré qu’il ne modifierait pas la Constitution pour briguer un troisième mandat. Qu’en pensez-vous ?

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Je n’y crois pas du tout non plus. En fait, je vois déjà les prémices de ce qui se trame. D’abord, Mohamed Ould Abdelaziz renforce son parti pour remporter une confortable majorité, puis il négociera une élection à la Vladimir Poutine – en en portant un autre au pouvoir -, avant de revenir pour la présidentielle suivante. Donc, bien que cela reste envisageable, il n’a pas de raison de modifier la Constitution.

Ne lui reconnaissez-vous pas un bon bilan sécuritaire ?

De quel bon résultat peut-on parler ? Jusqu’en 2008, il n’y avait jamais eu d’attentat en Mauritanie. À partir du moment où il en a pris la tête, nous avons assisté au massacre de nos soldats à Tourine [en septembre 2008], à l’assassinat d’un Américain [en juin 2009], à un attentat près de l’ambassade de France [en août 2009], à plusieurs attaques d’Al-Qaïda, notamment contre des casernes [à Nema, en août 2010, à Bassiknou, en juillet 2011]… Sans compter que, durant cette période, Al-Qaïda au Maghreb islamique a recruté la moitié de ses hommes en Mauritanie. Aujourd’hui, il n’y a plus ni sécurité intérieure ni extérieure. Et le pays est en ébullition.

Entretenez-vous de bonnes relations avec l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou [cousin d’Aziz, il a financé sa campagne en 2009, puis, brouillé avec le pouvoir, s’est exilé au Maroc en 2010] ?

C’est un ami de jeunesse, que je considère comme un frère. Je n’ai jamais eu de problème personnel avec lui. Il a choisi de soutenir l’actuel président lors de l’élection de 2009, à laquelle je m’étais présenté. Je respecte son choix et je ne lui en ai jamais voulu. Depuis, il a pris ses distances avec le régime et nos rapports sont redevenus amicaux. Je suis toujours en contact avec lui.

Pourquoi vous exprimez-vous davantage aujourd’hui ?

Je n’ai jamais cessé de parler. Et que je marche ou que je coure, c’est toujours avec le même objectif : parvenir à une réelle solution politique pour le pays. Dès lors que le pouvoir a décidé d’organiser unilatéralement la présidentielle, j’ai décidé de m’opposer à lui jusqu’à son départ. Il n’y aura plus de pause.

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Propos recueillis à Nouakchott par Justine Spiegel

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