La danse des popotins

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  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 23 octobre 2014 Lecture : 2 minutes.

La danse des popotins "Nous sommes les hommes de la danse dont les pieds reprennent vigueur en frappant le sol dur." Ce vers, vous vous en êtes rendu compte, n’est pas de moi, mais bien de Léopold Sédar Senghor. Il se promène allègrement dans les allées de ma mémoire quand, le coeur en peine, je pense à mon royaume d’enfance.

Pourtant, vous ne me croirez sans doute pas, je n’ai pas, comme vous ou certains d’entre vous, la danse dans les veines. Je mentirais si j’affirmais le contraire. Adolescent, je rêvais de devenir… Jaaaaamesssss Browwwwnnnn. Las, je n’y suis pas parvenu parce que je croyais que le seul fait d’y penser me transformerait en Mister Dynamite.

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La danse. Je ne crois pas à la "théorie" selon laquelle "les Africains, les Noirs… ont la musique et la danse dans le sang". Même si j’ai toujours été bluffé par la capacité de certains de mes congénères à transformer, sans le moindre effort, leur corps en objet artistique. C’est dire que chacun est unique sous toutes les latitudes.

Ces derniers temps, les fêtards, tout comme les téléspectateurs du continent africain, découvrent sans cesse de nouvelles façons de danser. Dont celle de ces danseuses fessues (je ne suis pas contre) aux ventres en accordéon, moulées dans des collants pleins à craquer, mais qui ne craquent jamais. Mais quelle élasticité pour des poids lourds ! Quelqu’un m’a dit qu’elles étaient minces au départ. À force d’être traitées de planches à repasser, elles ont fini par craquer et dire : "Vous voulez que je grossisse ? Chiche !" Pour y arriver, elles ont dû, dit-on, prendre des produits fabriqués pour cela.

Et puis certaines sont devenues danseuses. Pour se venger, elles mettent leur ventre et leur popotin en évidence, au grand bonheur de ces messieurs, bien sûr. Y compris les bigots, qui, tout en se rinçant l’oeil au vu de déhanchements, de tortillements de fesses à vous envoyer en enfer ou au ciel, condamnent "la dépravation des moeurs". Évidemment ! Le moment le plus délicat, c’est lorsque les danseuses tournent le dos au public, le buste penché en avant, le postérieur relevé, les hommes sont aux anges. Savent-ils qu’ils sont en train d’être maudits ? Je n’invente rien, c’est ce que me disait ma grand-mère. Bien entendu, cette façon de voir n’engage qu’elle. Dommage qu’elle ne soit plus ici-bas pour se défendre.

Revenons à la danse. Parmi les plus en vogue, on m’a parlé de celle où, en boîte ou lors d’un concert, le public est invité à se déshabiller de la tête aux pieds. Les tabous sont brisés et en avant l’amusement ! Je me demande toujours qui se cache derrière chaque danse et à qui en attribuer la paternité. Et c’est là que j’admire l’inventivité des jeunes du continent africain.

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À partir de rien, ils créent des instants magiques qui méritent d’être considérés comme de l’art, dans toute sa noblesse, nonobstant le fait que les consommateurs en font un usage beaucoup plus érotique. Ce qui, en définitive, leur porte préjudice car ces créations sont vite classées par les bien-pensants dans la case vulgarité. Ils ont peut-être raison. Mais quel mal y a-t-il à tortiller le popotin si on ne tombe pas dans l’obscénité ? Pour ma part, la messe est dite : je ne serai jamais James Brown. Ni quelqu’un d’autre d’ailleurs. Je ne sais pas danser.

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