Malick Ndiaye, le gourou à six cordes

À la tête du label ThinkZik ! depuis quinze ans, le mystérieux et exigeant producteur d’Imany et de Faada Freddy attend plus de la musique africaine.

Malick Ndiaye (France – Sénégal), producteur de musique sénégalaise.  A Paris le 12 mai 2014. © Vincent Fournier/J.A.

Malick Ndiaye (France – Sénégal), producteur de musique sénégalaise. A Paris le 12 mai 2014. © Vincent Fournier/J.A.

Publié le 24 octobre 2014 Lecture : 4 minutes.

Un peu dandy et très concentré, Malick Ndiaye caresse fréquemment son bouc bien entretenu. Au Comptoir général, un café associatif et artistique parisien, sous les plantes grimpantes d’un ancien entrepôt vintage, il sirote un jus de bissap en critiquant posément les requins de l’industrie musicale.

« Aujourd’hui, les maisons de disques veulent vendre des produits, mais elles ne connaissent généralement rien à la musique. Il faut revenir aux fondamentaux. Le modèle économique dicte ses règles, mais avant de penser bénéfices ou succès il faut « penser la musique » ! » ThinkZik !, le nom du label de Ndiaye, n’a pas été choisi au hasard.

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Le producteur ne signe que quelques artistes par an avec ThinkZik !, créé il y a une quinzaine d’années. Des chanteuses à guitare (Ayo en 2004, Grace en 2007 et Imany en 2010), ainsi que Wasis Diop, ou Faada Freddy depuis 2012 : les artistes du label ont vendu au total 1,5 million de disques.

La société, qui emploie aujourd’hui une dizaine de personnes, s’est installée à Dakar, où Ndiaye a créé un studio en 2011, dans le quartier Hann Mariste. « C’est important de partir de l’Afrique pour conquérir des marchés ailleurs. Mais je signe des artistes d’où qu’ils viennent, à partir du moment où ils font résonner quelque chose en moi. »

« La musique sénégalaise tourne en rond depuis vingt ans »

Le Franco-Sénégalais est un producteur intransigeant, qui a « revendu » rapidement Grace, et Ayo, « une très belle artiste qui n’a pas encore fait l’album qu’elle pourrait ». Son objectif est aussi d’élever les standards, de former de la main-d’oeuvre et d’importer du matériel pour aider les nouveaux talents.

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« La musique sénégalaise tourne en rond depuis vingt ans, variété ou rap : ce n’est pas du vrai traditionnel et il n’y a pas non plus assez de création. Ceux qui auraient les moyens préfèrent faire de l’argent. » En repensant au cinéma de Sembène Ousmane ou de Djibril Diop Mambéty, son oncle, il s’interroge. « Où est la part d’imaginaire des jeunes Africains ? Ils sont passés de pas de télé du tout à la médiocrité importée. Boire au biberon de Michael Jackson, Fela Kuti ou Stevie Wonder, ce n’est pas ingurgiter du David Guetta ou du Magic System ! »

Jean slim, chaussures et bonnet orange assortis, le longiligne Malick Ndiaye reste pourtant une véritable énigme. Un homme qui philosophe beaucoup, abuse des métaphores liées à la nature et cache ses histoires personnelles dans des réflexions universelles. Un mystère sur pattes dont l’on ne saura ni le lieu de naissance, ni l’enfance, ni les diplômes. « J’ai 10 ans. Ou 90 ans. Je suis né ici et là. Une âme ne naît, ni ne meurt », répond-il avec un sourire amusé.

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Malick Ndiaye, auteur-compositeur du titre « Slow Down » d’Imany

A priori, il approche la quarantaine. Il semble être né au Sénégal. Sa famille compte apparemment quelques artistes. « Seule sa mère doit connaître son âge ! C’est comme ça : il ne donne pas sa date de naissance et ne retire jamais son bonnet ! affirme Imany, chanteuse d’origine comorienne qui a signé pour cinq albums avec ThinkZik ! Il y a de la mystique autour de lui, un peu de superstition et beaucoup de pudeur. On le surnomme le Gourou… »

C’est Imany qui nous apprendra que Ndiaye écrit et joue de la guitare. Il est l’auteur-compositeur du titre « Slow Down », sur le premier album de la chanteuse, paru en 2011, et il publie des disques sous pseudonyme. Lorsqu’on l’avait interrogé sur sa pratique de la musique, il avait préféré claquer des doigts et battre le rythme sur sa poitrine… « Il est professionnel et atypique à la fois, détaille Imany. Lorsque l’on s’est rencontrés, il m’a laissé son fauteuil, s’est assis par terre, et m’a parlé technique de manière très poussée ; je n’ai pas tout compris… »

Avant de se lancer comme producteur, Ndiaye a travaillé chez le créateur de mode malien Xuly Bët entre 1995 et 2000. Il dessinait, cousait, écrivait. « Malick a laissé une forte empreinte à la marque, se souvient Lamine Kouyaté, le couturier de la griffe. Il a un verbe intéressant que l’on a utilisé sur des vêtements sérigraphiés. Il faisait aussi de nos événements des pépinières musicales. Il a énormément d’idées et anticipe tout le temps. Surtout, il donnait corps à notre esprit : faire fleurir dans l’adversité. »­

C’est dans cette même logique qu’il a sorti avec ThinkZik !, en avril dernier, le nouvel opus de Faada Freddy, Untitled, construit uniquement sur la voix et les percussions corporelles. « C’est un des meilleurs chanteurs que je connaisse, et qui ose proposer quelque chose de différent de ce qu’il a fait jusqu’à aujourd’hui », explique Ndiaye, admiratif, qui travaille depuis deux ans sur cet album produit à Dakar. « C’est aussi un message, affirme Ndiaye, dire que l’on peut faire de la musique avec presque rien. Mon but est d’aider les générations suivantes à avancer. »

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