Tunisie : jasmin fané…

Fawzia Zouria

Publié le 18 septembre 2014 Lecture : 2 minutes.

J’ai failli manquer à mon devoir de vous emmener faire un petit tour du côté de Hammamet, comme chaque été. Puis-je me rattraper ? Voici donc la ville symbole du tourisme tunisien et baromètre de son humeur estivale. Je mentirais si je vous disais que la mer est moins belle ou que le ciel a perdu de son bleu. Et il n’y a pas l’ombre d’une méduse ! Une dame qui se baignait à mes côtés m’a expliqué que "les Juifs, qui avaient coutume de jeter ces bestioles sur nos rivages pour casser notre tourisme, ont eu fort à faire cette année avec le Hamas"…

Cependant – et quitte à passer pour une nostalgique de l’ancien régime -, je me dois de noter l’ambiance morose, la cherté de la vie, l’urbanisme sauvage, l’amoncellement d’immondices dans une ville jadis comparée aux "jardins du paradis". Sans compter l’arrivée massive de nos voisins libyens, qui font flamber les prix des locations et "transforment le visage de la Tunisie", si j’en crois la même voisine : "En guise de touristes, il n’y a plus que des barbes flanquées de niqabs", râle cette dernière à qui je reproche en vain son ostracisme envers nos frères arabes. Elle n’en a cure, en appelle à Bourguiba et se lamente d’une révolution qui a porté un sérieux coup aux allures modernes de son pays.

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Sous ses airs de fête forcés, Hammamet vit dans l’angoisse comme le reste de la Tunisie. Elle a beau afficher des hôtels complets et des bouchons à tous les coins de rue, elle n’en donne pas moins l’impression de couver une abominable fièvre, de filer un mauvais coton. Elle a beau s’efforcer de croire en une sorte de magie qui la protégerait, elle est contrainte de se tourner vers l’arrière-pays, où campent les terroristes.

Elle semble préoccupée à chaque passage d’ambulance, à chaque fumée d’incendie ou à chaque coup de pétard. Son fameux festival tente avec difficulté de couvrir le bruit d’opérations jihadistes dont le président Moncef Marzouki – surnommé le Préposé aux Funérailles – s’emploie à gérer les conséquences depuis son palais, puisque, d’après ma voisine, au palais de Carthage, son boulot se limite à "compter les victimes et à décréter les deuils nationaux".

Ici comme ailleurs, les conversations prennent des accents de devinettes : "Les élections auront-elles bien lieu ?" "Qui est responsable de la situation actuelle d’insécurité et de faillite ?" Ma voisine accuse, pêle-mêle, Ennahdha, la troïka, les partis qui se battent pour les sièges, les vieux qui rêvent du palais de Carthage et nous promettent une "République de chibani", les Américains qui tirent les ficelles, les Européens qui assurent leurs arrières et les Juifs lanceurs de méduses…

C’est dire si Hammamet sent le jasmin fané et la théorie du complot. En attendant mieux. Ou son contraire. Comme ce dimanche 31 août où nous avons craint le pire : le pays tout entier a plongé dans l’obscurité. Coup d’État ? Sabotage ? Qui en est l’auteur ? Et ma voisine d’allumer une bougie en pouffant : "Ne vous inquiétez pas, la panne, c’est provisoire." "Provisoire" est l’autre sobriquet du président Marzouki.

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Ainsi va Hammamet, à l’image d’une Tunisie décidée à rire d’elle-même, à défaut de pleurer.

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