Face au trafic des faux médicaments, la mobilisation de tous est indispensable !

Publié le 27 avril 2015 Lecture : 5 minutes.

Marc Gentilini, de la Fondation Chirac, est délégué général pour l’Accès à une santé et des médicaments de qualité.

Bien que source de nombreux progrès, la mondialisation présente également ses dérives. La contrefaçon de produits médicaux est l’un de ces phénomènes faisant peser une menace majeure sur nos sociétés, singulièrement les plus pauvres.

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Les chiffres sont parcimonieux et difficiles à vérifier avec certitude. Cependant, il convient de retenir que selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) environ 15% des médicaments dans le monde sont faux, et que dans certaines régions ce taux peut facilement dépasser les 60% ! Ce fléau frappe avant tout les régions les plus défavorisées car ce sont celles constituées par des populations démunies et aux structures étatiques défaillantes.

Alors que les pandémies transmissibles et non transmissibles affectent déjà gravement ces populations, les producteurs et trafiquants de médicaments falsifiés commettent un double crime : celui de tromper les patients dans leur espoir de pouvoir se soigner grâce à une prise médicamenteuse de qualité et celui de mettre en danger la vie de ceux recourant à un médicament au mieux sans effet, au pire toxique, voire mortel.

Face à cette menace insidieuse trompant la vigilance des différents maillons des chaînes d’approvisionnement de médicaments et servant les intérêts financiers de groupes criminels très bien organisés, la mobilisation de tous est indispensable !

Tous les maillons de la chaîne de santé doivent être mobilisés afin de contribuer à une lutte sans merci.

Celle-ci passe avant tout par la responsabilisation des décideurs politiques insuffisamment engagés et par la sensibilisation des populations quant aux risques encourus, rarement conscientes de cette nouvelle forme de criminalité. Tous les maillons de la chaîne de santé doivent être mobilisés afin de contribuer à une lutte sans merci. Il y va de la mobilisation des autorités, des médecins, des professionnels de santé, des pharmaciens, des vétérinaires, des industriels, de la société civile, des patients et de tout citoyen se sentant concerné.

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En 2006, la Conférence internationale des ordres de pharmaciens francophones a fait une première déclaration à Beyrouth (Liban) s’adressant aussi bien aux pharmaciens qu’aux pouvoirs publics et aux patients. Les pharmaciens y dénonçaient le paradoxe d’investir dans la recherche de médicaments utiles pour la santé alors que les systèmes de distribution ne sont pas assez contrôlés et de plus en plus souvent dans les mains de mafieux.

L’Appel de Cotonou lancé le 12 octobre 2009 par le président Jacques Chirac, en présence de nombreux chefs d’État et de gouvernement, notamment africains (l’Afrique étant le continent le plus meurtri), a introduit la dimension politique nécessaire afin de mener à bien ce combat. L’objectif était de rassembler les décideurs politiques contre cette menace et les inciter à aider davantage les acteurs de la santé publique.

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Ce plaidoyer politique n’a pas pour vocation à remplacer les acteurs de la santé mais d’impliquer les décideurs politiques contre ce trafic portant un préjudice croissant à leurs populations.

Depuis, plusieurs "injections de rappel" ont eu lieu telles la table-ronde de Ouagadougou en septembre 2011, ou bien la Déclaration de Niamey en novembre 2013 de cinq Premières dames africaines (Burkina Faso, Centrafrique, Guinée, Mali, Niger) dans laquelle elles s’engageaient à poursuivre ce plaidoyer politique auprès des chefs d’État et de gouvernement. A également été lancée la campagne internationale de sensibilisation Fight The Fakes en novembre 2013, rassemblant aujourd’hui plus de 25 partenaires (représentants les professionnels de la santé, les grossistes, des associations, des partenariats de développement de médicaments, des fondations, des institutions de financements, les grossistes , des services d’application mobiles, des coalitions de protection des consommateurs ainsi que l’industrie générique et de recherche et développement du médicaments. Cette campagne constitue un exemple concret d’une prise de conscience commune.

Renforcer la coopération internationale entre États et de développer une harmonisation des règlementations.

L’autre impérieuse nécessité qui s’impose est de renforcer la coopération internationale entre États et de développer une harmonisation des règlementations. L’impunité résultant de / découlant de la quasi absence de mesures coercitives et pénales dans certaines régions, ainsi que la déconcertante rentabilité de ce trafic le rendent de plus en plus attractifs pour certains groupes criminels. Il y a donc une réelle urgence à réagir afin de combler ces vides juridiques profitant aux malfaisants.

En 2011, lors d’une conférence à Moscou, la convention Médicrime du Conseil de l’Europe était ouverte à la signature des États. Cette convention protège la santé publique en criminalisant et sanctionnant la production, le trafic, et la vente de faux médicaments, tout en assurant une coopération entre les États pour lutter contre ce fléau.

La convention Médicrime est le premier instrument juridique international mis à la disposition de tous les États car ouverte à la signature et à la ratification d’États non membres du Conseil de l’Europe. Elle est aujourd’hui l’opportunité d’instaurer cette coopération internationale dont l’absence fait cruellement défaut dans le combat contre la falsification de médicaments et compte actuellement 23 États signataires, dont 3 États-Tiers au Conseil de l’Europe (Guinée, Israël, Maroc). Il ne lui manque plus que la ratification d’un seul État signataire pour entrer en vigueur, ce qui relancera indéniablement la mobilisation.

Les initiatives régionales sont également primordiales, car elles impliquent des responsables, des élus et des individus plus proches de la réalité du terrain. Tout comme l’Union européenne qui s’est dotée d’une directive en ce sens en 2011, les États africains devraient également s’investir dans une harmonisation de leurs règlementations.

En Afrique, un intérêt croissant des autorités et des professionnels se manifeste pour être mieux informés sur les régulations et initiatives pouvant être transposées dans leurs systèmes de santé.

Dans cette lignée, DIA (Drug Information Association), la fondation Chirac et l’IFPMA (International Federation of Pharmaceutical Manufacturers & Associations) s’associent pour organiser un atelier le 29 avril 2015 à Dakar dont le thème sera "Pour une approche intégrée contre les faux médicaments". Cet événement rassemblera des professionnels des affaires règlementaires, de représentants des autorités de santé et d’autres professionnels impliqués dans la lutte contre la falsification de produits médicaux.

Les discussions porteront sur le paysage règlementaire actuel en Afrique, les initiatives et les mesures permettant de renforcer l’intégrité et l’inviolabilité des chaînes de distributions, et termineront sur les possibilités de coopération inter et intra étatiques.

Cette réflexion et cette démarche doivent déboucher sur une prise de conscience plus générale et plus intense au service d’une mobilisation générale contre les faux médicaments qui s’en prennent aux plus pauvres.

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