Hayatou et la bêtise humaine

Trois mois après la tragique attaque du bus togolais qui a coûté la vie à deux membres de la délégation dans l’enclave de Cabinda, Issa Hayatou a enfin rompu le silence dans une interview au quotidien français Le Figaro parue le 1er avril.

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Publié le 2 avril 2010 Lecture : 2 minutes.

À sa manière, la morgue n’étant pas la moindre de ses caractéristiques, avec un aplomb à la limite de la décence et la froideur d’un tueur à gages, le président de la Confédération africaine de football (CAF) persiste et signe : « Les Togolais sont venus par la route, sans prévenir. Le règlement leur donnait l’obligation de venir par avion. Nous leur avons fourni trente billets pour cela. » Mensonge ! Car si les Togolais n’avaient pas prévenu les organisateurs, comment expliquer qu’une escorte militaire les ait accompagnés tout au long du trajet ? Quant à la précision sur les billets fournis, elle est d’une rare élégance !

Comme si cela ne suffisait pas, Hayatou enchaîne : « Nous ne pouvons pas gérer la CAF sur des bases émotionnelles. […] Trois matchs ont sauté avec le retrait du Togo. Nous avons des sponsors et des télévisions qui ont signé des contrats pour un certain nombre de rencontres. » Business is business… Et de poursuivre : « C’est le comité exécutif de la CAF qui a pris cette décision [de sanctionner le Togo, NDLR]. Et elle est juste. Ce n’est pas la première fois qu’il y a des morts dans une compétition internationale… » Se souvient-il seulement que, dans un bref élan de compassion, il avait promis aux Togolais qu’il n’y aurait pas de sanctions à leur encontre ? Autre mensonge et belle leçon de cynisme, sa passe d’armes avec le chef de l’État togolais. Dans une interview à J.A., Faure Gnassingbé livrait son sentiment sur l’affaire : « M. Hayatou fait fausse route. La victime, c’est le Togo […]. Et puis il y a eu le ton, inutilement provocateur, de M. Hayatou, qui n’a même pas jugé utile d’envoyer une délégation aux obsèques des victimes. » Réponse de l’intéressé, toujours aussi élégante : « La CAF a envoyé [au président togolais, NDLR] une lettre de condoléances, et nos représentants se sont rendus auprès de la délégation togolaise pour en faire de même. Alors qu’il ne dise pas le contraire ! » Bel effort, en effet…

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On aurait pu penser que, avec le recul, Hayatou aurait compris que la gestion de ce drame par la CAF avait été désastreuse. Après avoir dit tout et son contraire, fait « respecter » une minute de silence d’une durée de… dix-huit secondes lors du match d’ouverture de la CAN, déclaré « qu’il y a eu des petits incidents qui arrivent partout ailleurs », sanctionné une équipe endeuillée (une première dans l’histoire du sport), Hayatou a donc choisi de confirmer le mot d’Einstein : « Deux choses sont infinies : l’univers et la bêtise humaine. » Seul éclair de lucidité au cours de cette interview : l’androïde du football africain annonce qu’il ne briguera pas la présidence de la Fifa en 2011. Heureusement que le ridicule, lui, ne tue pas…
 

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