Amel Boubekeur : « L’intégration maghrébine est une nécessité »

La chercheuse algérienne au Carnegie Middle East Center, basé à Beyrouth, nous explique l’intérêt qu’ont les pays du Maghreb à s’unir.

Amel Boubekeur. © D.R.

Amel Boubekeur. © D.R.

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Publié le 20 juillet 2010 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : L’idée d’une intégration maghrébine est-elle en train de gagner du terrain ?

Amel Boubekeur : En fait, nous sommes face à un paradoxe. Le Maghreb n’est pas une notion abstraite : c’est un ensemble régional homogène, qui connaît aujourd’hui une certaine dynamique économique et démocratique. Pour expliquer la non-intégration de cet ensemble, on se contente souvent de citer la fermeture de la frontière entre l’Algérie et le Maroc. En réalité, le problème de la liberté de circulation est beaucoup plus profond : les Maghrébins se déplacent très peu, non seulement chez leurs voisins, mais même à l’intérieur de leur pays. D’où des échanges et des communications très faibles dans un espace où l’on partage pourtant la même langue et la même religion.

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Pour les dirigeants, la question de l’union maghré­bine ne représente pas une valeur ajoutée et ils ne l’ont d’ailleurs pas intégrée à leur agenda. Les seuls vrais domaines de coopération sont la lutte antiterroriste et les quelques échanges économiques. Si les politiques européennes ne prennent pas dans cette région c’est aussi parce que chaque pays veut être un pôle et que personne ne veut céder de la place à son voisin.

Est-ce que cette intégration est inéluctable ?

C’est en tout cas une nécessité. Et la société civile maghrébine en est peut-être la plus consciente. Depuis quelques années, les associations et les ONG, mais aussi les étudiants, communiquent beaucoup plus et participent à une propagation des idées et des tendances au sein du Maghreb. De leur côté, les patrons sont de plus en plus nombreux à penser qu’une intégration économique sera le préalable à une plus grande intégration politique et sociale et plaident en ce sens auprès des politiques.

L’élément qui me paraît fondamental est aussi le changement des générations. Celles de l’indépendance ont laissé la place à de jeunes élites qui veulent se définir régionalement. À ce titre, la solidarité maghrébine qui a prévalu lors des matchs de football de l’Algérie est tout à fait remarquable. Nos jeunes se sentent beaucoup plus maghrébins qu’on ne le croit.

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Les indicateurs montrent que les conditions de vie des Maghrébines s’améliorent. Cette évolution est-elle pérenne ?

Oui, mais il ne faut pas oublier que les femmes sont des citoyens comme les autres et qu’elles souffrent de la même manière, voire plus que les autres, du contexte politique, économique et social.

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La Tunisie reste une pionnière en la matière, car elle a eu le plus tôt le cadre législatif le plus avancé. Mais elle ne doit pas se reposer sur ses lauriers. Avec le chômage, la cherté de la vie et le retour à des valeurs refuges, les femmes accordent moins d’importance aux diplômes et, partant, à leur indépendance. Cette fragilisation touche d’ailleurs les trois pays, quels que soient les efforts qu’ils ont faits pour améliorer le statut de la femme sur le papier.

On dispose de plus en plus d’indicateurs sur la qualité de vie au Maghreb, mais les enquêtes et sondages d’opinion restent néanmoins très rares…

Et c’est très dommageable. Les chercheurs qui travaillent sur le Maghreb ne sont d’ailleurs pas assez nombreux. Ce n’est pas un hasard si, même dans les facultés du Maghreb, on préfère faire sa thèse sur l’Europe et sur le Moyen-Orient. C’est à la fois dû à un manque de liberté politique et au fait qu’il n’y a pas assez d’émulation, de débats d’idées de l’élite intellectuelle, autour de la question du Maghreb.

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