Madi Seydi

Attachée parlementaire à 28 ans, cette jeune Française originaire du Sénégal est aussi porte-parole du mouvement des jeunes du parti de Nicolas Sarkozy.

Publié le 30 mars 2009 Lecture : 5 minutes.

Sénégalaise jusqu’au bout de ses ongles manucurés, Madi Seydi aime la République française, travaille pour l’un de ses élus et défend les idées de son président. Tous les matins ou presque, elle prend les transports en commun puis traverse à pied un vaste square passablement désolé pour rejoindre un bureau étroit et encombré dans une annexe de la mairie de Neuilly-Plaisance. À 28 ans, elle est depuis un peu plus d’un an attachée parlementaire de Christian Demuynck, le sénateur-maire de cette ville populaire de la banlieue est de Paris.

Quand elle n’est pas « en circonscription », elle joue, depuis son élection en août 2008, son rôle de porte-parole nationale des jeunes de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), le parti de Nicolas Sarkozy, en binôme avec Aurore Bergé : vadrouilles entre les fédérations de province, distributions de tracts sur les marchés, comptes rendus aux ténors du parti… Le tout de 9 heures à 23 heures, week-ends compris.

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Femme, jeune, noire et africaine : dans une France qui rêve d’intégrer ses minorités, Madi Seydi pourrait être la preuve que, ici comme ailleurs, « Yes we can ». Dans le récit de sa vie entre la Rose des vents, une cité d’Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, où elle a grandi jusqu’à ses 14 ans, et Dakar, où elle a vécu ensuite jusqu’à l’obtention de son bac, en 1998, nulle trace de compromis, de renoncement ou d’amertume.

TITULAIRE DE DEUX MASTERS, l’un en droit public, l’autre en relations internationales, elle n’a pas le look rat de bibliothèque, ose assortir un mini-short avec des chaussures à talons rose fluo et, « comme toutes les filles », aime le shopping. Son enfance, elle l’a passée avec ses parents et huit frères et sœurs dans un appartement à loyer modéré de quatre chambres. Sans pour autant, se souvient-elle, « avoir l’impression d’être serrés ». Ses études à la Sorbonne, pour « faire comme Senghor », elle les a menées de front avec divers petits boulots : à la caisse d’un supermarché, au comptoir d’un McDo, au téléphone pour recouvrer des créances…

Rien que de très normal dans une famille où « on nous a toujours appris à aller chercher les choses avec les dents ». Musulmane pratiquante, elle fait le ramadan, mais jeûne aussi pour kippour. Par solidarité avec Mike, son fiancé, lui aussi attaché parlementaire de Demuynck.

La voix grave, le visage sérieux et impassible, même à l’évocation de la mort de son père, Peul de Casamance qui quitta le Sénégal à la fin des années 1950 pour devenir employé dans une collectivité territoriale, la jeune femme n’a rien d’une Pasionaria extravertie et vindicative.

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Certes, elle connaît les galères de la banlieue, aide quelques amis sans-papiers à remplir leurs dossiers et envoie de l’argent à ses oncles et tantes restés au Sénégal, mais elle fustige aussi l’assistanat : « C’est aberrant que certains qui ne travaillent pas puissent gagner plus que d’autres qui travaillent ! » Du Sarkozy dans le texte. « Oui, je suis sûre qu’il m’a piqué mon discours ! » plaisante-t-elle, avant de raconter comment elle et Mike ont été empêchés, par un élu UMP qui cherchait à placer ses amis, de présenter leur liste (UMP, bien sûr) pour conquérir la mairie communiste de Saint-Ouen, lors des municipales de mars 2008. De cette injustice – ou de cette absurdité puisque, finalement, aucune liste UMP n’a été présentée –, elle prétend tirer son énergie : « Plus il y a d’adversité, plus j’ai envie de gagner. »

Mais c’est au Sénégal, que, pour la première fois, Madi s’est essayée à la politique, à l’époque où Abdou Diouf était encore chef de l’État. Elle militait dans les rangs du Parti démocratique sénégalais (PDS), alors dans l’opposition. De temps en temps, un voisin, l’emmène à des meetings du futur président Abdoulaye Wade…

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De retour à Paris pour ses études, elle continue de faire la pub du PDS auprès des jeunes immigrés. Sa méthode : s’inscrire dans une tontine du 19e arrondissement, le quartier où elle vit à l’époque, et « faire du militantisme de l’intérieur ».

Wade élu (en 2000), elle commence à fréquenter le Rassemblement pour la République (RPR), qui deviendra l’UMP en 2002. D’abord simple sympathisante, elle prend sa carte quand Sarkozy devient président du parti, fin 2004.

Difficile de comprendre l’engagement d’une jeune femme qui a tour à tour rêvé d’être médecin et avocate. « Cela m’a plu », dit-elle de ses premiers meetings au Sénégal. L’explication est un peu courte, venant de quelqu’un qui consacre tout son temps à la politique… « Elle a eu conscience qu’il y avait un créneau à prendre », explique l’un de ses amis, ancien conseiller ministériel.

De 2005 à 2007, le sociologue d’origine algérienne Azouz Begag est ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances. Recommandée par un ami militant, Madi entre à son cabinet comme stagiaire. Elle est préposée aux discours. Deux mois plus tard, coup de chance : un membre de l’équipe démissionne, Madi le remplace et s’occupe des questions parlementaires. Elle découvre le milieu et ne le quittera plus. Après quelques mois de flottement, elle ne laisse pas passer l’occasion de travailler avec Demuynck.

Madi Seydi assure avoir des convictions de droite, mais, à l’entendre critiquer le discours de Dakar ou le caractère moutonnier de trop de militants, toujours avides de la parole du chef, on finit par se dire qu’elle a d’abord choisi le camp du pouvoir. Un camp qui a le vent en poupe auprès des électeurs, et qui, à l’heure où la diversité est à la mode, lui a offert une place de choix. Madi sait qu’elle doit son élection comme porte-parole des jeunes UMP autant à ses origines qu’à son engagement. Est-elle un alibi ? En tout cas, elle en prend son parti : « Je suis invirable et j’ai l’occasion de faire carrière. »

Une carrière qu’elle mène « sans ménager sa peine », selon un ami, et dont l’objectif n’est, pour l’heure, pas clairement défini. Maire ? Pourquoi pas, mais alors autant arracher la place aux communistes : « La tâche étant ardue, les candidats potentiels – et donc les concurrents – ne se bousculent pas à l’UMP », explique-t-elle. Sénatrice des Français de l’étranger la tente aussi. Parce qu’elle aime voyager, et que, lorsqu’elle est rentrée au Sénégal avec ses parents, « on ne connaissait rien, on avait besoin d’être guidés ».

Mais son grand rêve, dit-elle, est de représenter l’Afrique dans une organisation internationale. D’être, un jour, la « porte-parole du continent ». « Pour l’instant, je construis ma crédibilité », assure-t-elle. Rendez-vous dans cinq ans, l’échéance qu’elle s’est fixée pour ce retour aux sources. À moins que, d’ici là, une autre occasion se présente, ailleurs…

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