-Z-, dessinateur tunisien : « Les barbares sont des clowns monstrueux mais ils restent des clowns »

Sexe, religion, Dieu, le Prophète… Quatre ans après la révolution, il reste encore beaucoup de tabous en Tunisie. Interview du dessinateur -Z-.

Le tunisien se représente par un flamand rose (ici pleurant ses confrères de Charlie Hebdo) © -Z-

Le tunisien se représente par un flamand rose (ici pleurant ses confrères de Charlie Hebdo) © -Z-

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 5 mai 2015 Lecture : 2 minutes.

THAT’S ALL FOLKS © Le Hic
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Bienvenue dans le monde des caricaturistes africains

L’attentat contre leurs confrères de Charlie Hebdo en janvier a fortement ému les dessinateurs africains et rappelé à quel point la liberté d’expression pouvait être fragile, bien souvent encore coincée entre tabous, censure et autocensure.

Sommaire

Jeune Afrique : En Tunisie, comment évolue la caricature ? Depuis la révolution, avez-vous perçu de nouveaux thèmes, de nouvelles figures ?

-Z- : J’ai commencé à dessiner sous une dictature, aujourd’hui on va dire que le pays s’est un peu libéré. On peut caricaturer le président, rire de lui et des hommes politiques, mais le chemin reste encore long parce que beaucoup de tabous demeurent : sexe, religion, Dieu, le Prophète… Après la révolution, il y a eu une explosion de dessinateurs liée à internet notamment, mais ceux qui tiennent les journaux n’ont pas fait évoluer leur ligne éditoriale. Il n’y a pas eu de remise en question. Tout ce petit monde est devenu révolutionnaire du jour au lendemain, mais les dessinateurs n’ont pas changé, le dessin de presse ne s’est jamais vraiment renouvelé dans la presse officielle. Heureusement, on peut constater le contraire dans les médias numériques, dans la presse alternative. Il y a là quelque chose de nouveau, un air neuf, même si ça reste timide.

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>> À lire aussi : La réconciliation tunisienne en suspens et Tunisie : caricatures à la sauce africaine

Pour contourner les tabous, l’anonymat est-il la solution ?

Il l’est pour moi parce que j’y vais franco. J’ai envie de vivre, moi ! Je n’ai ni l’étoffe d’un héros ni les couilles d’un Charb… Je préfère dire ce que je pense, mais le faire caché quand je mesure le risque. Je me déclare athée, par exemple. En tant que dessinateur, cela veut dire qu’il n’y a pas de tabous en termes de religion, que je peux rigoler des textes ou des figures sacrés. Le religieux ne doit pas être une ligne jaune pour moi.

>> À lire aussi : Deux tunisiens condamnés pour la publication de caricatures de Mahomet sur Facebook

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En Syrie, en Irak, y a-t-il encore de la place pour la dérision dans toute cette horreur ?

La Syrie, l’Irak, c’est carrément une sorte de tunnel de l’humanité, des merdiers totaux qui généreront des choses insoupçonnées. La conséquence de tout cela ? Dans tout le monde musulman, à cause de cet islam barbare, l’on prendra peut-être conscience que la religion est dangereuse. On est en train de voir émerger les derniers monstres possibles quand un système ne va plus. On est face à un mal qui marque la fin d’une époque. Qu’est-ce que cela donnera ? On verra. Est-ce que l’on peut encore rire dans cette situation ? Oui, on se moque beaucoup de Daesh ! Évidemment, on s’amusera moins des victimes, mais les barbares eux-mêmes offrent tant d’occasions de ridiculiser leur look, leurs chansons, leurs discours, leur manière de vivre, leur mauvais goût… Ces gens sont des clowns monstrueux mais ils restent des clowns.

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