Centrafrique : Jean-Jacques Demafouth, qui veut la peau du caméléon ?

Ex-ministre de Patassé, ex-rebelle et aujourd’hui conseiller de Catherine Samba-Panza, il tentait de tirer toutes les ficelles du pouvoir centrafricain. À force, il a fini par faire l’unanimité. Contre lui.

À Libreville, en janvier 2013 © Steve Jordan/AFP

À Libreville, en janvier 2013 © Steve Jordan/AFP

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Publié le 20 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

De mémoire d’ancien ministre, on avait rarement vu un rejet aussi unanime. Au point que Catherine Samba-Panza (CSP), la présidente de la transition, a fini par capituler. Après avoir décidé de désigner Jean-Jacques Demafouth président du comité technique d’organisation du forum de réconciliation nationale qui doit se tenir à Bangui à la fin du mois, elle est revenue sur sa décision.

Opposition politique, groupes armés, Conseil national de transition… La contestation était trop forte. Y compris au sein du premier cercle de CSP. "Depuis des mois, certains de ses plus proches collaborateurs l’avertissent que Demafouth prend beaucoup trop de place", explique un habitué du palais présidentiel.

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Originaire comme elle de la Ouaka (Centre), celui à qui l’on prête l’intention de devenir calife à la place du calife fut l’un des premiers à conseiller Samba-Panza, novice en politique, après son élection à la tête de la transition en janvier 2014. Depuis, il n’a cessé d’étendre son influence et de placer ses proches au gouvernement ou dans l’armée. Son omniprésence, ses titres à rallonge (il est "ministre conseiller chargé de la Sécurité et des Relations avec les forces internationales") et son passé sulfureux inspirent les plus grandes réticences.

Police politique

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Ministre, conseiller, rebelle, Jean-Jacques Demafouth (55 ans) a eu plusieurs vies. Militant du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), de l’ancien président Ange-Félix Patassé, cet avocat de formation devient rapidement un pilier de son régime (conseiller spécial, patron de la Socatel, puis ministre de la Défense de 1999 à 2001).

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En 1995, il est nommé à la tête du Centre national de recherches et d’investigations, sorte de police politique que Patassé sera contraint de fermer moins de trois mois plus tard tant ses méthodes font scandale. Elles perdureront. L’ancien ministre Karim Meckassoua en sait quelque chose. Un jour de janvier 1997, celui qui est alors directeur de cabinet du Premier ministre est arrêté dans l’enceinte de la présidence sur ordre de Demafouth. Son chauffeur est passé à tabac. Lui est conduit, menotté, dans les locaux de la Garde prétorienne, où il est longuement interrogé.

Ce jour-là, Meckassoua a frôlé la mort. L’ascension de Demafouth subit un coup d’arrêt en août 2001. Accusé d’avoir fomenté un coup d’État parallèle au putsch avorté en mai de la même année contre le président Patassé, il est jugé pour atteinte à la sûreté de l’État. Mais la principale pièce à conviction, une communication avec Jean-Pierre Bemba dans laquelle il demande au leader de la rébellion congolaise de mettre six cents hommes à sa disposition, ne sera jamais rendue publique. Et Demafouth est finalement acquitté.

Caquette de rebelle

ll s’exile en France, où il exerce son métier d’avocat, et ne refait surface sur les rives de l’Oubangui qu’en 2006. Le voici propulsé chef de l’Armée populaire pour la restauration de la démocratie (APRD), l’un des principaux groupes rebelles qui sévit alors dans le nord-ouest de la Centrafrique. Impossible de dire quelle est son emprise réelle sur le mouvement.

Toujours est-il que sa nouvelle casquette de rebelle lui permet de mettre fin à son exil à la faveur d’une loi d’amnistie promulguée par le président François Bozizé en 2008. Les deux hommes se vouent pourtant depuis des années une haine tenace. En janvier 2012, alors qu’il est vice-président du Comité de pilotage du programme DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion), Demafouth, soupçonné de vouloir renverser le régime, passe plus de trois mois en prison.

Aujourd’hui, l’ex-ministre est l’un des plus farouches adversaires de la participation de Bozizé à la prochaine élection présidentielle. Pour sa part, son passé de rebelle lui interdit de s’y présenter. Peu lui chaut : il se tient prêt pour le scrutin suivant.

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