Fespaco : un jury mal inspiré

Renaud de Rochebrune

Publié le 17 mars 2015 Lecture : 2 minutes.

Le palmarès du Fespaco 2015 restera dans les mémoires. Non pas en raison des films que le jury présidé par le Ghanéen Kwaw Paintsil Ansah a entendu distinguer en leur accordant l’Étalon d’or (Fièvres, du Marocain Hicham Ayouch), d’argent (Fadhma N’Soumer, de l’Algérien Belkacem Hadjadj) et de bronze (L’OEil du cyclone, du Burkinabè Sekou Traoré), mais parce que le Jury a décidé de ne pas primer l’ultrafavori de la compétition, Timbuktu, du Mauritanien Abderrahmane Sissako. Ou du moins de ne lui accorder que des récompenses dérisoires : meilleur décor et meilleure musique.

Ne pas couronner Timbuktu pourrait apparaître comme un acte courageux d’un jury souverain. Du moins si l’on pouvait interpréter ce non-choix – qu’il aurait alors fallu revendiquer – comme une volonté de ne pas accorder le trophée à un auteur déjà en possession d’un Étalon d’or (pour Heremakono, en 2003)… Ou à un film déjà multirécompensé aux césars, en lice pour l’oscar du meilleur film étranger à Hollywood (de très bonne source, il aurait d’ailleurs raté le sacre de très peu) et adoubé par le public, avec plus de 1 million de spectateurs en France.

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Soit à ce jour 40 % de plus que le film africain ayant fait le plus d’entrées (Le Destin, de Youssef Chahine) et trois fois plus que le plus beau score d’un film du sud du Sahara (Yeelen, de Souleymane Cissé) ! À moins que le jury ait décidé d’accorder la préférence à des films proches de la vie quotidienne des gens ou représentant une nouvelle approche du cinéma en Afrique qu’il souhaitait promouvoir ?

À vrai dire, aucune explication ne fut avancée, ni même suggérée… Et de fait, on serait bien en peine d’en trouver une. Sans ôter tout mérite aux films primés – Fièvres, certes éloigné des préoccupations africaines, n’est pas sans qualités, et L’OEil du cyclone est un premier film parfois caricatural, mais incisif et prometteur – il faut reconnaître, comme le public du Fespaco ne s’y est pas trompé en résevant un accueil extraordinaire au long-métrage de Sissako, qu’il y avait Timbuktu et les autres. Rien ne pouvait justifier la décision du jury hormis, sans doute, sa volonté de se distinguer lui-même. Il s’est par là même déconsidéré : le film restera dans l’histoire du cinéma quand le jury de 2015 sera vite oublié.

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