Cinéma : l’exception burkinabè

Alors que le Fespaco et ses traditionnelles bousculades viennent de s’achever, les salles obscures du Burkina continuent d’attirer les mordus du septième art.

Le Neerwaya, le plus grand cinéma du pays. © GEORGES GOBET / AFP

Le Neerwaya, le plus grand cinéma du pays. © GEORGES GOBET / AFP

Renaud de Rochebrune

Publié le 17 mars 2015 Lecture : 3 minutes.

Éviterait-on, cette année, les traditionnelles bousculades accompagnant certaines projections au Burkina et au Neerwaya, les deux principales salles de Ouagadougou ? La menace Ebola, les lendemains compliqués d’une fin de régime, tout laissait supposer que l’on assisterait à un Fespaco "allégé". Il n’en fut rien, notamment lors des séances consacrées à Timbuktu, à L‘OEil du cyclone et à Cellule 512, à savoir le film événement du festival et les deux longs-métrages burkinabè en sélection.

Pour Rodrigue Kaboré, le responsable des deux salles, "Si les professionnels – cinéastes, comédiens, organisateurs de festival, journalistes – sont venus aussi nombreux que d’habitude, le Fespaco 2015 a enregistré une fréquentation légèrement moindre, en raison d’une certaine défection des cinéphiles." En ces temps difficiles, nombre de ceux qui se procuraient d’habitude le passe à 25 000 F CFA (38 euros) permettant d’assister à toutes les séances se sont contentés d’acheter des billets à 1 000 F CFA pour choisir les films qu’ils tenaient à voir.

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Cela ne pouvait néanmoins suffire pour mettre fin aux prises d’assaut des projections les plus courues. Même si, vu l’importance des mesures de sécurité prises cette année par les autorités, plus pointilleuses encore que celles pourtant réputées du Festival de Cannes, les cohues ont été bien maîtrisées.

Au total, on peut supposer que, rien qu’au Burkina (600 places) et au Neerwaya (un peu plus de 1 000 places), alors que bien d’autres salles plus modestes projetaient aussi des films retenus par le festival, le score très satisfaisant de 50 000 entrées a été atteint en une semaine grâce aux sept projections quotidiennes, de 8 heures le matin jusqu’à 22 h 30 le soir.

Les films burkinabè, premiers au box-office

Si on met à part le cas particulier du film d’Abderrahmane Sissako, auréolé de son récent triomphe aux césars et donc très attendu, le succès des films burkinabè ne témoignait pas uniquement d’un soutien chauvin du public local. Selon Kaboré, il en va de même hors festival. À Ouagadougou comme partout ailleurs dans le pays – ce qui fait de celui-ci une heureuse exception sur le continent -, on va au cinéma toute l’année et on choisit en priorité des oeuvres tournées au Burkina. Avec une préférence pour les polars ou les comédies évoquant la vie et les moeurs des puissants ou des citoyens ordinaires.

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Les succès récents, comme les films de Kady Traoré (À vendre), Inoussa Kaboré (Femme de feu) et surtout du prolifique Boubacar Diallo (14 films en dix ans !) avec sa récente comédie dramatique Villa rouge, attirent 5 000 à 6 000 spectateurs par semaine dans la salle ouagalaise où ils sont projetés trois fois par jour. Ce qui suffit d’ailleurs à rentabiliser au bout de deux ou trois mois des longs-métrages tournés en numérique pour un budget limité oscillant entre 25 et 50 millions de F CFA au maximum.

>> Lire aussi : Fespaco, un cinéma à deux vitesses

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Au box-office, après les films burkinabè viennent d’autres films africains (3 000 à 4 000 entrées par semaine en moyenne), importés essentiellement de Côte d’Ivoire, comme Braquage à l’africaine, d’Owell Brown. Loin derrière, et dans l’ordre, les films américains (2 500 à 3 000 entrées), les films indiens (2 000 entrées) et enfin les films français (1 000 entrées). Une hiérarchie qui vaut aussi bien pour les 7 salles en activité régulière à Ouagadougou (sans compter les projections dans les quelque 60 petits vidéoclubs) que pour les établissements du reste du pays.

Voilà qui démontre à quel point les spectateurs recherchent avant tout des films s’apparentant à des téléfilms ou à des sitcoms évoquant ce qu’ils vivent ou croient vivre et des "affaires" de leur pays. L’art passe après. Pour voir des oeuvres de portée internationale, on attend… le Fespaco.

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