Terrorisme au Cameroun : Paris peut faire plus, Yaoundé en est persuadé

Le Cameroun se sent bien seul dans la guerre contre les jihadistes et attend de la France qu’elle s’implique davantage.

Patrouille camerounaise à amchidé, dans l’Extrême-Nord, en novembre. © Reinnier Kaze/AFP

Patrouille camerounaise à amchidé, dans l’Extrême-Nord, en novembre. © Reinnier Kaze/AFP

GEORGES-DOUGUELI_2024

Publié le 23 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

Pour Christine Robichon, l’ambassadrice de France à Yaoundé, la lecture de la presse quotidienne de ces derniers mois n’a pas été une partie de plaisir. La diplomate ne compte plus les articles défavorables à son pays au point que, le 30 décembre, pour la deuxième fois en trois mois, elle a été contrainte de s’"élever vigoureusement contre les allégations de soutien de la France au groupe terroriste Boko Haram diffusées dans certains médias".

Peine perdue : les critiques visant la France font le miel des télévisions qui véhiculent cette thèse insensée à longueur d’émissions, et la mauvaise humeur des faiseurs d’opinion a installé un climat délétère que les autorités tardent à dissiper. "Critiquer les pays amis en temps de guerre est pourtant contre-productif, regrette un journaliste camerounais. Surtout quand il s’agit de les inciter à nous venir en aide !"

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Il n’empêche. À force d’être répétée, la thèse folle d’une collusion entre les autorités françaises et les islamistes dans le but de précipiter la chute du président Paul Biya, avec l’aide d’opposants soutenus par Paris, est devenue le gimmick à la mode. Le 9 septembre dernier, l’ambassade de France à Yaoundé avait déjà dû faire une mise au point : "Le président de la République, François Hollande, n’a pas rencontré de représentants camerounais [de l’opposition] lors de sa récente visite au Tchad les 18 et 19 juillet dernier, ainsi que certains articles le rapportent de façon inexacte."

La réalité est que le Cameroun se sent seul contre Boko Haram. Il attend de son allié français une plus grande implication dans cette guerre que Biya a longtemps refusé de livrer. Pressé par François Hollande et par le Nigérian Goodluck Jonathan d’engager une action militaire contre les bases arrière de Boko Haram, Paul Biya prend chaque jour la mesure du coût humain et financier de cet engagement : les attaques sont quasi quotidiennes.

Le 28 décembre, à Assighasia, dans l’Extrême-Nord, il a fallu l’intervention de l’aviation pour venir à bout de l’acharnement des jihadistes. Face à l’accroissement des dépenses militaires, l’on craint que l’effort budgétaire consenti n’engendre des difficultés à court terme.

Yaoundé ne veut pas de contrepartie

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À Yaoundé, on a le sentiment que la solidarité de la France peine à se concrétiser et que le manque de confiance empêche un véritable partage en matière de renseignements. Une cellule de coordination, adossée à l’opération Barkhane et basée au Tchad, a bien été créée, mais, de fait, le Cameroun n’en fait pas partie. "Il était question que l’on prenne un officier camerounais et qu’en échange on dépêche un officier français sur le sol camerounais, confie un militaire français de Barkhane. Mais les Camerounais n’ont pas voulu. Résultat : ils sont dans leur coin." Ce que Yaoundé aurait voulu, c’est qu’on ne lui impose pas de contrepartie.

Recevant les diplomates en poste dans son pays le 8 janvier, Paul Biya a rappelé qu’en juillet dernier le Nigeria et ses voisins (Niger, Tchad et Cameroun) s’étaient engagés à mettre en place une force régionale de lutte contre Boko Haram (chacun devait fournir près de 700 hommes), et que cet accord est resté lettre morte.

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Théorie du complot

Même si la voix des tenants de la théorie du complot porte plus haut que celle des analystes sérieux, le Cameroun a besoin de la France pour mobiliser la communauté internationale et inciter le Nigeria – dont l’armée a abandonné nombre de ses positions dans l’État de Borno – à tenir ses engagements.

Yaoundé a aussi besoin d’aide financière pour pouvoir déployer plus de soldats dans son Septentrion et pour acquérir des équipements spécialisés, notamment des engins de déminage Mrap (Mine Resistant Ambush Vehicle), dont la commande auprès des Américains tarde à aboutir. Mais, tenaillé par des soucis de politique intérieure, le pouvoir camerounais ne veut coopérer qu’à ses propres conditions.

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