Mali : Modibo Keïta, un nouveau Premier ministre cool et old school

À peine nommé Premier ministre du Mali, Modibo Keïta a déjà réussi un exploit : contenter simultanément le gouvernement, l’opposition et les groupes armés. Cela suffira-t-il à les réconcilier ?

À 74 ans, Modibo Keita dirige un gouvernement pour la seconde fois. © AFP

À 74 ans, Modibo Keita dirige un gouvernement pour la seconde fois. © AFP

Publié le 20 janvier 2015 Lecture : 3 minutes.

"Courtois", "attentif", "rigoureux"… Les compliments pleuvent à l’évocation de Modibo Keita, le nouveau Premier ministre malien. À 74 ans, il est loin d’incarner le renouveau de la classe politique, mais semble inspirer la confiance.

Il rassure surtout l’entourage du président : contrairement au fougueux Moussa Mara, mû par un plan de carrière qui empoisonnait ses relations avec le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et les membres du gouvernement, il met un point d’honneur à n’afficher aucune ambition. Ce professeur de formation a traversé tous les régimes sans faire de vagues. Ex-ministre des Affaires étrangères de Moussa Traoré, il a déjà endossé le costume de Premier ministre pour un mandat de quelques mois en 2002, sous Alpha Oumar Konaré.

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Certains s’inquiètent de son âge

Avant d’accepter la proposition d’IBK, Modibo Keita a pris le temps de la réflexion. Selon un ancien ministre, c’est d’abord l’idée qu’il se fait de l’intérêt général qui a primé : "Il est de cette génération qui a le sens de l’État et de l’administration. Très attaché à la discipline, il devrait aider à mettre de l’ordre dans les rangs."

Le jour de l’annonce de sa nomination, il a rendu visite aux caciques du Rassemblement pour le Mali (RPM, au pouvoir), qui, n’ayant jamais digéré la nomination du jeune Mara, devraient oublier pour un temps leurs querelles internes. Il est aussi allé à la rencontre des partis adverses : "L’opposition n’est pas un groupe d’ennemis", a-t-il déclaré. Le geste a été d’autant plus apprécié que son prédécesseur avait préféré les ignorer.

Si nul ne met en doute sa probité, certains s’inquiètent de son âge. "Depuis juillet dernier, il n’a cessé de dire qu’il était fatigué, qu’il voulait décrocher, se souvient un observateur des négociations d’Alger (entre Bamako et les groupes armés), où Keita était le représentant du chef de l’État. Mais dans son équipe, il inspirait manifestement le respect. Il donne le sentiment d’être au-dessus de la mêlée, il voulait vraiment rapprocher les parties." Six mois plus tard, les résultats de ce processus de paix sont loin d’être probants, mais Modibo Keita n’en porte pas seul la responsabilité.

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Sage et audacieux

Les groupes armés ont en tout cas apprécié qu’il aille présenter ses condoléances à Kidal, en fin d’année, après la mort d’Intallah Ag Attaher, patriarche de la tribu touarègue des Ifoghas. Au MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad), on apprécie l’homme et son humilité : "Il s’est toujours montré attentif à nos revendications. Patient, il n’hésite pas à dire ce qu’il pense. Il est plus sage, plus audacieux que la plupart des responsables politiques que nous avons eu à rencontrer", témoigne Moussa Ag Assarid, porte-parole du mouvement. Selon le député Mohamed Ould Mataly (RPM, et membre de la tendance pro­gouvernementale du Mouvement arabe de l’Azawad), "on a vraiment besoin de son expérience. Il n’est pas un politique, et c’est sa force."

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Mais tout reste à faire, et Modibo Keita devra conserver sa place plus longtemps que ses prédécesseurs pour rester crédible aux yeux des Maliens, des groupes armés et de la communauté internationale. Troisième Premier ministre en seize mois, le vieil homme devra d’abord rassembler le gouvernement autour de lui, avant de s’attaquer aux chantiers laissés en friche : réconciliation, sécurité, réforme des institutions et lutte contre la corruption, notamment au sommet de l’État. Reste une question : IBK lui laissera-t-il le champ libre ?

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