Constitution & Cenco, paroles d’Évangile en RDC

Opposante historique au pouvoir, l’Église catholique reprend du service en RDC. Par deux fois cette année, elle s’est dite fermement opposée à une révision constitutionnelle en faveur de Josepg Kabila, qui menacerait l’alternance politique.

Prêtres et évêques congolais se rendent à la Cenco, le 12 janvier 2012. © JUNIOR D.KANNAH / AFP

Prêtres et évêques congolais se rendent à la Cenco, le 12 janvier 2012. © JUNIOR D.KANNAH / AFP

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Publié le 18 décembre 2014 Lecture : 3 minutes.

La RDC a tout pour décoller. © andré thiel/flickr
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La RDC, un diamant brut

Avec ses millions d’hectares de terres arables, de mètres cubes de minerais précieux et ses ressources humaines, le pays a tout pour décoller. À condition bien sûr que les conflits cessent, que la gouvernance s’améliore vraiment, que les investisseurs reviennent. Et que l’avenir politique s’éclaircisse enfin.

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Entre l’État congolais et l’Église catholique, les relations n’ont jamais été vraiment bonnes. Mais depuis la contestation des résultats des élections de 2011 par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), elles sont particulièrement tendues.

Cette année, les évêques ont à deux reprises dit leur opposition à toute tentative de « tripatouillage » de la Constitution du 18 février 2006. Une première fois, en juin, dans une déclaration solennelle publiée à l’issue de l’assemblée plénière de la Cenco, ils ont contesté l’éventualité d’une modification de l’article 220, qui permettrait au chef de l’État de briguer un troisième mandat en 2016, critiquant par ailleurs le projet de révision du mode d’élection des députés provinciaux – qui pourraient être désignés au scrutin universel indirect, et non plus direct.

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Une seconde fois, le 14 septembre, dans une lettre pastorale publiée à Rome, où ils étaient en visite, ils ont rappelé que « l’article 220 a été verrouillé par le constituant lui-même, justement pour échapper à cette modification ». Ajoutant : « Cet article pose les bases de la stabilité du pays et de l’équilibre des pouvoirs dans les institutions. Le modifier serait faire marche arrière sur le chemin de la construction de notre démocratie et compromettre gravement l’avenir harmonieux de la nation. »

Puis ils ont demandé aux curés et catéchistes de lire leur message à tous les fidèles, et annoncé qu’ils suspendaient leur participation au Comité d’intégrité et de médiation électorale (Cime).

La Cenco, pas dans son rôle ?

Pour Théodore Mugalu, le chef de la Maison civile du président, les déclarations de la Cenco sont nulles et non avenues. « Il n’y a pas d’article verrouillé dans la Constitution, affirme-t-il. Si c’est le cas, qu’on montre les clés avec lesquelles on les a verrouillés ! Seul Dieu a ce pouvoir. »

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Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement, suggère quant à lui à la Cenco de se transformer en parti politique, estimant qu’elle n’est pas dans son rôle. Pis, alors que le pays veut « se libérer mentalement de l’emprise étrangère » sur les questions de souveraineté nationale, il remarque que, « à en juger par le lieu qu’ont choisi les évêques congolais pour signer et diffuser leur lettre épiscopale, il est évident qu’encore une fois des acteurs majeurs de l’histoire [du] pays ont voulu faire plaisir à des agents d’influence étrangers ».

En 1972, le cardinal Malula dut s’exiler à Rome face à l’ire du Léopard, qui prit une série de mesures radicales.

Cette bataille rangée n’est cependant pas comparable à celle qui opposa, au début des années 1970, le pouvoir au clergé, lorsque ce dernier tenta de résister à la politique du « recours à l’authenticité » de Mobutu Sese Seko (qui imposait aux Zaïrois l’abandon des prénoms et noms étrangers).

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En 1972, le cardinal Malula dut s’exiler à Rome face à l’ire du Léopard, qui prit une série de mesures radicales : confiscation du patrimoine de l’église, nationalisation des écoles catholiques et de l’université Lovanium (actuelle Université de Kinshasa), interdiction d’enseigner la religion, installation de comités du parti unique dans les grands et petits séminaires… La tension finit par retomber, notamment grâce à la visite du pape Jean-Paul II au Zaïre, en mai 1980.

Quant à la participation active des membres du clergé en politique, on se souvient de celle de Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque de Kisangani (aujourd’hui cardinal-archevêque de Kinshasa), dans les années 1990. Il dirigea la Conférence nationale souveraine avant d’être élu à la tête du Haut Conseil de la République, le Parlement de transition, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Kabila père, en 1997.

À l’époque, dans un texte cosigné par l’un de ses homologues congolais, Mgr Emery Kabongo Kanundowi (secrétaire particulier de Jean-Paul II de 1982 à 1987, désormais chanoine de la basilique Saint-Pierre), Mgr Monsengwo avait écrit : « Ce régime est arrivé par la guerre. C’est un pis-aller. »

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