Marocains et Sénégalais, frères spirituels

Témoins des solides liens cultuels et commerciaux entre le royaume chérifien et le Sénégal, des milliers de Marocains vivent à Dakar. Et ils y sont bien dans leurs babouches.

Dans la rue Mohammed-V de Dakar, en octobre 2014. © Youri Lenquette/Pour J.A.

Dans la rue Mohammed-V de Dakar, en octobre 2014. © Youri Lenquette/Pour J.A.

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Publié le 12 décembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Dakar: hôte du 3ème sommet de la Francophonie. © Jeff Attaway/flickr
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Dakar, dans tous ses états

Vingt-cinq ans après le premier sommet africain de l’OIF, la planète francophone va retrouver la métropole sénégalaise, les 29 et 30 novembre 2014. Avec ses 3 millions d’habitants, la ville la plus à l’ouest du continent a bien changé. Côté politique, côté business, comme côté loisirs.

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Son magasin pourrait se fondre dans n’importe quelle médina du Maroc. Djellabas aux tons sobres, caftans colorés, babouches… Chez Abdeljaouad on trouve à peu près tous les vêtements traditionnels marocains. Visage tanné et barbe grisonnante, ce Casaoui est le "doyen" de la rue Mohammed-V.

Cette artère grouillante du Plateau, dans le centre-ville de Dakar, est occupée depuis des décennies par des commerçants originaires du royaume chérifien. "Je suis arrivé de Casablanca en 1967 avec mon grand frère pour faire des affaires, se rappelle Abdeljaouad. À l’époque, il y avait déjà de nombreux Marocains. Ils ne sont jamais partis." L’ex-rue Vincent a pris le nom de Mohammed V, l’ancien souverain du Maroc, en 1964, lors de l’inauguration de la Grande Mosquée de Dakar.

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Financé par la monarchie alaouite, cet édifice est un symbole fort des liens cultuels qui unissent les deux pays. Marocains et Sénégalais pratiquent en effet un islam inspiré du rite malékite, reposant sur un important maillage de confréries soufies, telle la tidjaniya, l’une des plus emblématiques. Fondée à la fin du XVIIIe siècle par Ahmed Tijani, elle compte aujourd’hui des millions de fidèles au Maroc et au Sénégal.

D’ailleurs, nombreux sont les tidjanes sénégalais qui se rendent chaque année à Fès, lieu saint du tidjanisme. "Nos deux pays partagent la même vision d’un islam tolérant et ouvert, explique Taleb Barrada, ambassadeur du Maroc à Dakar. La relation solide que nous entretenons repose en grande partie sur cette dimension religieuse." L’émigration des premiers Marocains vers le Sénégal répondait cependant à des objectifs plus matérialistes.

Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, des centaines d’entre eux, issus de grandes familles bourgeoises de Fès ou de Marrakech, ont traversé le Sahara pour ouvrir des commerces à Saint-Louis, ville côtière du nord du Sénégal, alors capitale de la colonie française. Après les indépendances, les Marocains sont "descendus" à Dakar – qui a notamment attiré de nombreux étudiants et artisans -, Thiès, et même jusqu’en Casamance.

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DISCRETS.

Aujourd’hui, selon l’ambassade du Maroc, 5 500 citoyens marocains sont officiellement enregistrés au Sénégal, mais les estimations tablent sur environ 15 000 ressortissants présents dans le pays (sans compter ceux qui ont adopté la nationalité sénégalaise), dont la moitié vivent à Dakar. Parmi eux, de nombreux investisseurs travaillant dans les milieux de la finance, des produits pharmaceutiques ou de l’informatique, ainsi qu’un petit millier d’étudiants, qui profitent de la convention d’établissement signée par les deux pays en 1963 (prévoyant notamment l’exemption de visa).

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La plupart résident dans le quartier Fann-Hock, en centre-ville, tout proche de l’université Cheikh-Anta-Diop où beaucoup suivent des études de médecine ou de pharmacie. Le Plateau, quartier voisin, est l’autre place forte de la diaspora marocaine : la rue Mohammed-V, mais aussi l’avenue Peytavin et ses célèbres immeubles Kébé et Air-France. En juillet, pendant le ramadan, une petite trentaine de Marocains se retrouvaient au pied des tours pour la prière de rupture du jeûne.

Le reste du temps, certains se réunissent autour d’un couscous le vendredi, ou dans l’une des dix associations marocaines de la ville. "Nos compatriotes qui vivent ici sont discrets, ils ont assimilé la culture locale et sont parfaitement intégrés à la société sénégalaise, précise Taleb Barrada. Les seules fois où nous les voyons à l’ambassade, c’est pour régler des problèmes administratifs." Un constat partagé par Abdeljaouad qui, un verre de thé à la main, glisse entre deux gorgées que ses proches et lui-même "se sentent autant sénégalais que marocains".

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